Les derniers mois ont été difficiles pour la NFL, laquelle a été mise dans l’embarras à plusieurs reprises. Certes, d’importants rebondissements ont eu lieu dans les dossiers Ray Rice et Adrian Peterson récemment, et il importe de les décortiquer.

Ray Rice

L'appel de Ray Rice pour invalider sa suspension indéfinie a été entendu les 5 et 6 novembre dernier. Rappelons que cette suspension découle d'une chronologie troublante qui a débuté le 15 février 2014 lorsque Rice a été arrêté pour avoir agressé sa femme Janay Palmer. Quatre jours plus tard, la publication d’une vidéo exposant Rice traînant sa femme dans un couloir a fait surface sur le web. L'affaire a été rapidement résolue en mai dernier lorsque le tribunal a permis à Rice d’intégrer un programme de déjudiciarisation, lui permettant d'éviter la prison, maisl’obligeant à se soumettre à un traitement intensif pour remédier à son comportement violent et ce, sous peine d’incarcération immédiate. En juillet dernier, Roger Goodell, a suspendu Rice pour deux matchs. Puis, en septembre, une deuxième vidéo a été publiée sur TMZ montrant Rice frapper son épouse au visage dans un ascenseur. C’est alors que les Ravens de Baltimore ont mis immédiatement fin à son contrat après que la NFL ait suspendu Rice indéfiniment.

Dans un premier temps, Rice, soutenu par l'Association des joueurs, a contesté sa suspension et demandé sa réintégration dans la NFL. Essentiellement, ce que Rice reproche est que la NFL et Goodell connaissaient l'incident de l'ascenseur bien avant qu'il ne devienne public. Qui plus est, il a été rapporté que les autorités policières auraient transmis à la NFL la deuxième vidéo en avril 2014 et ce, quelques mois avant que Rice ne reçoive sa suspension de deux matchs. C’est Barbara Jones, juge fédérale à la retraite, qui a été nommée arbitre dans ce dossier. Principalement, l’arbitre devra déterminer  si la NFL a outrepassé son autorité en amendant une suspension de deux matchs pour la rendre indéfinie suivant la diffusion de la seconde vidéo.

Ray RiceLors de l’audition d’appel, l'Association des joueurs a fait valoir que la ligue avait violé l'article 46 de la convention collective, lequel stipule que le commissaire et le club ne peuvent pas sanctionner un joueur deux fois pour un même acte ou comportement. Mais qu’entendons-nous par « même acte ou comportement »? La preuve vidéo révèle que Rice a battu Palmer dans l'ascenseur, puis l'a traînée dans le couloir. Est-ce que d'assainir des coups à une personne et ensuite la traîner constituent deux actes distincts? Ou n’était-ce qu’un seul épisode de violence conjugale? Est-ce que cette vidéo montre une séquence nettement différente de celle qui avait été initialement diffusée le 19 février 2014? À ce titre, la NFL prétend que la deuxième vidéo constitue une nouvelle preuve et par conséquent, elle a l’autorité de modifier la sanction initialement imposée le 25 juillet 2014 à Rice. Or, si la vidéo de l'ascenseur était réellement en possession de la NFL en avril 2014, pouvons-nous parler de nouvelle preuve?

Fondamentalement, il y a une raison pour laquelle une convention collective existe. En vertu de ces documents, des mesures disciplinaires sont attachées à un certain comportement et une uniformité est mise en place pour prévenir les difficultés d’interprétation. En ce sens que l'Association des joueurs devrait se concentrer sur l'article 46 de la convention collective en alléguant que la ligue ne peut pas sanctionner Rice deux fois pour la même infraction.  D’une perspective juridique,  le cas de Rice a déjà été jugé. Il a évité une peine de prison après avoir été accepté dans un programme d'intervention préventive en mai 2014. et il a été suspendu par la NFL en juillet dernier.

La difficulté dans le dossier Rice est que Goodell et le bureau du commissaire sont directement impliqués dans cette controverse. Ceci est important, car bien que les employeurs puissent contourner la procédure, ils doivent tout de même suivre leurs propres règles. La NFL a admis que son système de justice interne a échoué en ce qui concerne Rice. Lors de l’audience, Goodell a  témoigné sous serment et cela présente un cadre très différent des conférences de presse où il peut normalement contrôler ses réponses et exiger des paramètres aux journalistes. Effectivement, sous serment, Goodell et d'autres témoins doivent dire la vérité, à défaut de quoi ils risquent des accusations pour parjure.

Somme toute, la décision arbitrale sera rendue prochainement et elle pourra faire l’objet d’un appel, mais seulement dans des circonstances très limitées.

Parallèlement, l'Association des joueurs a déposé un grief contre les Ravens à la fin du mois d’octobre pour avoir injustement mis fin à son contrat de 35 millions de dollars. L'Association des joueurs prétend notamment que la ligue a porté atteinte à la clause de garantie de la procédure légale régulière (due process) en punissant Rice pour une conduite que la ligue connaissait déjà. Ce principe se réfère à la protection constitutionnelle des citoyens américains de pouvoir être entendus de manière équitable et impartiale. Lorsque son contrat a été résilié, il a perdu 3 529 000 $ cette saison. Il faut comprendre cependant que dans le cadre de ce grief-ci, Rice ne demande pas de réintégrer l'équipe, mais bien le paiement de son gain manqué.

Adrian PetersonAdrian Peterson

En septembre dernier, Peterson a été accusé de maltraitance envers son fils en le frappant avec une branche à plusieurs reprises en plus de l’avoir atteint à la tête. En réponse à ces accusations, les Vikings ont mis le nom de Peterson sur la liste d’exemptions en plus de le mettre à l'écart de l'équipe indéfiniment jusqu'à ce que sesprocédures judiciaires soient résolues. Par la suite, les parties avaient convenu que le nom de Peterson devait être retiré de la liste et qu'il devait être admissible à retourner au jeu. Selon cette entente, la ligue se réservait tout de même le droit de le suspendre et / ou de lui imposer une amende une fois le verdict rendu.

Or, le 4 novembre denier, Peterson a plaidé coupable à une infraction moindre et évita ainsi la prison. Subséquemment, l'Association des joueurs a demandé à la NFL de permettre à Peterson de réintégrer son équipe, mais la ligue a refusé. En effet, la NFL a exigé plus de détails entourant ce règlement judiciaire afin de déterminer si Peterson devrait être sanctionné. Le retour au jeu de Peterson devra alors attendre et il demeure suspendu avec salaire.

En revanche, l'Association des joueurs a déposé un grief contre la ligue le 9 novembre dernier pour que Peterson soit de retour dans la formation. L'audience sera entendue le 17 novembre prochain et une décision sera rendue le 22 novembre.

Même si l’arbitre ordonne la réintégration de Peterson, il n’en demeure pas moins que la NFL pourrait refuser son retour au jeu et le suspendre et ce, conformément à l'entente conclue entre les parties en septembre dernier.

Bien entendu, si Peterson est suspendu, l'Association des joueurs pourrait déposer un nouveau grief et prétendre que les matchs manqués par Peterson jusqu’à présent dépassent la suspension maximale de six matchs prévue à la politique sur la violence domestique intégrée au code de bonne conduite. Par ailleurs, l'Association des joueurs pourrait alléguer qu’une telle sanction outrepasserait également la suspension maximale de 4 matchs contenue à l’article 42 de la convention collective. Ainsi, l'Association des joueurs pourrait alléguer qu’une suspension pour Peterson porterait atteinte aux règles internes. Dans une telle optique, pour l'Association des joueurs, la sanction appropriée serait une amende.

Après le scandale Rice, la NFL doit s’assurer que le dossier Peterson soit traité conformément aux sensibilités et aux attentes du public. La NFL devra entre autres discuter avec ses partenaires commerciaux, ses commanditaires nationaux et les réseaux de télévision afin de mesurer leur réaction quant à la réintégration de Peterson. Sans contredit, il s’agit davantage d’une décision d'affaires pour la ligue, laquelle cherche à préserver sa réputation et son intégrité.