MONTRÉAL - Pour une quatrième année de suite, Laurent Duvernay-Tardif remisera son sarrau pour se concentrer sur son autre passion. Même s’il raffole du football, ce n’est pas toujours évident mentalement d’effectuer une pause sur ses études en médecine surtout lorsqu’on est si près du but.

On ne pourrait pas lui en vouloir de s’ennuyer de la médecine à quelques moments durant la saison que les Chiefs entameront avec un affrontement face aux Patriots, le 7 septembre, à Foxborough.

« Le plus difficile pour moi, c’est de revenir chaque année à McGill et voir des résidents de troisième année avec lesquels j’ai commencé. Je serais censé être avec eux, mais je suis malheureusement encore étudiant. Ce n’est pas évident de faire un décalage chaque année, mais je pense que j’ai une bonne raison et ça m’aide à oublier ça », a répondu avec franchise Duvernay-Tardif qui accordé une longue entrevue à Didier Orméjuste récemment pour sa baladodiffusion, Le sac du quart.

Évidemment, le garde à droite des Chiefs peut se réjouir en se disant que l’étape majeure de son parcours universitaire est presque complétée.

« J’ai définitivement hâte de graduer. C’est quelque chose que je m’étais promis de faire et je me rends compte que je suis de plus en plus proche. J’ai terminé ma dernière journée à l’hôpital en tant qu’étudiant en médecine. C’est quand même fou de penser que la prochaine fois que je rentre dans un hôpital, ce sera à titre de médecin si tout va bien. À chaque saison morte, je me rapproche du but. Ça me rend très fier de pouvoir dire que je vais graduer en 2018 », a admis Duvernay-Tardif qui a deux cours à compléter sans oublier l'examen final.

Tranquillement, il a permis aux gens d’en découvrir davantage sur la partie médecine de sa vie. Ce fut au tour du site web Player’s Tribune de lui confier sa tribune au début juillet dans une chronique intitulée Le Docteur.

Par conséquent, son nom résonne de plus en plus dans les médias américains surtout que la réaction a été positive. C’est loin d’être banal pour un joueur de ligne offensive qui doit habituellement accomplir son boulot dans un certain anonymat.

« C’est difficile de faire une percée dans les médias américains parce que la position de la ligne offensive n’est pas autant prestigieuse. Mais quand il y a des histoires de médecine qui sont reliées, ça offre quelque chose d’unique un peu et les médias américains apprécient de plus en plus. C’est plaisant de créer son image de marque et d’essayer de s’illustrer dans les médias. J’aime le faire et je crois que c’est important de le faire parce que la NFL te donne une tribune pour parler des choses importantes à tes yeux. Je pense à ma fondation, mon parcours et la promotion des saines habitudes de vie », a reconnu Duvernay-Tardif avec pertinence.

À juste titre, l’athlète de 26 ans obtient une couverture médiatique plus fréquente en sol québécois. Ainsi, il se fait plus souvent reconnaître quand il enfile son chapeau d’étudiant en médecine. Bientôt, les patients pourront l’appeler Dr. Duvernay-Tardif.

Cette réalité n’est pas que positive puisque le colosse doit s’adapter à un contexte bien différent. 

« Parfois, professionnellement parlant, c’est l’une des choses les plus difficiles de revenir en médecine et de devoir me détacher de mon rôle de joueur de football. Je pense par exemple à ta relation avec tes patrons et tes patients, mais c’est un beau défi comme le meilleur des deux mondes », a témoigné Duvernay-Tardif qui a rencontré la presse dans la bibliothèque Olser de la faculté de médecine de l’Université McGill.

Dans le monde du football, son parcours en médecine intrigue de plus en plus ses pairs.Laurent Duvernay-Tardif

« Quand je suis arrivé à Kansas City, le fait que je suis francophone et que j’étudie en médecine soulevaient beaucoup de points d’interrogation et freinaient un peu mon intégration dans le vestiaire. Mais je suis resté moi-même et maintenant, ces freins sont devenus mes plus grands attributs. Les gens reconnaissent ce que j’essaie de faire et il y a une plus grande curiosité pour la médecine et pour Montréal. Ce n’est pas anodin à ce que quatre des cinq gars de la ligne offensive soient venus à Montréal pour tâter le pouls de cette ville que je défends et valorise beaucoup quand je suis à KC », a commenté LDT.

Chose certaine, sa facilité à étudier lui procure un atout de taille pour se démarquer dans la NFL.

« C’est très complémentaire, l’étude analytique et très logique du football avec la médecine qui est très logique et qui nécessite beaucoup de par cœur. Ça se marie super bien ensemble. Je le dis souvent à la blague, mais c’est vrai : un joueur de ligne offensive prend probablement plus de notes en réunion que je peux en prendre en médecine. »

« Les gens ne le réalisent pas, mais on passe plus 50% de notre temps devant des écrans à regarder des vidéos et à prendre des notes, apprendre des stratégies ou des statistiques. Pour moi, discuter avec les gars de statistiques, c’est une source éternelle d’intérêt parce que c’est fou de voir à quel point tout est codifiable et transposable en chiffres », a noté Duvernay-Tardif qui n’a pas encore ressenti le besoin de s’accorder une pause mentale. 

Malgré ces similitudes, il pourrait bien avoir l’impression de vivre une double vie à l’occasion tellement il évolue dans deux milieux différents.

« C’est certain que la rhétorique médicale est différente du langage sur la ligne de mêlée. Mais ça suscite la curiosité de mes coéquipiers qui m’en demandent plus sur mon univers de la médecine », a répondu, en souriant, le joueur qui possède trois années d’expérience dans la NFL.

Une fondation avec le vent dans les voiles

Duvernay-Tardif aurait toutes les raisons du monde de s’arrêter là, mais il a tenu à lancer une fondation à son nom. Visant la promotion des saines habitudes de vie, la Fondation LDT a franchi plusieurs étapes dernièrement.

« En six mois, on a été en mesure de mettre sur pied une fondation qui a bien de l’allure. On sent qu’il y a de belles ambitions et de beaux projets ; on est super fiers. On a réussi à rassembler 200 jeunes au Stade Percival-Molson, notre autobus est finalisé et on s’en va le 16 août à la finale des Jeux de la Rue, un gros organisme qui fait des tournois de sport dans des milieux plus défavorisés », a décrit celui qui vise loin pour son initiative.

Durant la saison de football, Duvernay-Tardif devra regarder le projet croître à distance.  

« S’il y a un truc que je ne fais pas correctement pour la fondation parfois, c’est de trop m’impliquer. Je dois apprendre à déléguer et j’ai une très bonne équipe pour pouvoir me concentrer à 100% sur le football. C’est la première année que je vais devoir laisser mon bébé grandir par lui-même, mais c’est bon signe », a conclu LDT.