Pour la cinquième fois de l’histoire du Super Bowl, la meilleure attaque du circuit se frottera à l’unité défensive par excellence.

À trois reprises déjà, la défense a eu le dessus. Peyton Manning renversera-t-il la tendance contre la robuste défense des Seahawks? Cette question mérite qu’on s’y attarde en détail.

Jeudi, dans cette même tribune, j’effectuerai l’exercice inverse alors que j’analyserai en profondeur la confrontation entre l’attaque des Seahawks et la défense des Broncos. Mais pour l’instant, revenons à nos moutons... et le berger des Broncos.

Un total de 606 points. Voilà ce qu’ont généré Peyton Manning et son attaque cette saison, inscrivant en moyenne 38 points par match. Ces 606 points constituent un record de la NFL et c’est 161 de plus que la deuxième meilleure attaque de la NFL, celle des Bears de Chicago. Non seulement les Broncos ont donc été numéro un, ils ont écrasé la concurrence. Et de loin.

Ce haut rendement ne les a pourtant pas empêchés de se mettre en mode football des éliminatoires, n’inscrivant successivement « que » 24 et 26 points contre les Chargers de San Diego et les Patriots de la Nouvelle-Angleterre.

Lors de ces deux rencontres, les Broncos ont couru à 31 reprises en moyenne. Prônant un football méthodique où le temps de possession prime sur tout, ils ont conservé le ballon pendant 35 et 36 minutes, ce qui a été bénéfique pour la défense. À une seule reprise ont-ils effectué un botté de dégagement. Ça en dit long...

L’exécution avant tout

Fidèle à lui-même, Manning prend donc ce qu’on lui donne et c’est ce que j’aime tant de ce vénérable quart-arrière. Distribuant le ballon comme pas un, il n’est pas étonnant que quatre receveurs de Manning aient inscrit au moins 10 passes de touché cette saison.

Comme on dit souvent à la blague, le receveur favori de Manning est celui qui s’est démarqué. S’il a ne serait-ce qu’un peu de temps à sa disposition, il le trouvera à tout coup.

Manning ne se casse donc pas la tête. S’il détecte une faiblesse dans le camp adverse ou une confrontation avantageuse pour un de ses receveurs, il l’exploitera jusqu’à ce que la brèche soit colmatée. Marcus Cooper peut en témoigner. Plus tôt cette saison, ce troisième demi de coin des Chiefs de Kansas City a été ciblé et malmené par Manning et ses acolytes.

De plus, si la situation l’exige, Manning n’hésitera pas à opter pour un jeu au sol. Il l’a d’ailleurs démontré lors du match de championnat de l’Association Américaine face aux Patriots. En situation de troisième essai et neuf verges à franchir, il a alors remis le ballon à Knowshon Moreno, qui a ensuite gambadé vers un premier jeu.

Peyton Manning c’est donc tout cela et c’est pourquoi il domine autant.

Quand on examine de plus près son attaque, on se rend compte qu’elle n’est pas hyper sophistiquée. Les différents groupes de personnel sont peu nombreux au sein de cette unité. La formation de base est de type « 11 », c’est-à-dire un porteur de ballon et un ailier rapproché avec trois receveurs. De temps à autre, Manning privilégiera une formation de type « 12 », soit un porteur de ballon et deux ailiers rapprochés. Jacob Tamme s’amène alors sur le terrain à titre de deuxième ailier rapproché derrière Julius Thomas.

Oui, Manning varie les formations à partir de ce groupe de personnel, mais il n’a pas 46 000 jeux à son répertoire. Tout le succès de Manning et de cette attaque réside dans l’exécution. Le général des Broncos dégaine donc très rapidement (environ 2,3 secondes en moyenne cette saison), faisant de lui un quart très difficile à plaquer. C’est donc dire que cette attaque est basée sur les verges grugées après l’attrapé.

Ce n’est pas pour rien que l’offensive des Broncos se classe au tout premier rang pour les verges amassées après l’attrapé avec 2583. En 82 occasions cette saison, un receveur des Broncos a couru sur une distance d’au moins 10 verges après avoir capté une passe de Manning, un autre sommet dans la NFL.

Les Seahawks auront donc intérêt à être irréprochables sur leurs plaqués. Autrement, ils peuvent tout de suite faire leur deuil du trophée Vince-Lombardi.

Un Super Bowl Broncos-Seahawks

Presser Manning

Avec un quart qui se défait du ballon aussi rapidement, les Seahawks se devront donc d’attaquer ses receveurs de passe s’ils espèrent compliquer la tâche de Manning. Rarement cette année les fronts défensifs adverses ont atteint Manning avant qu’il ne décoche sa passe. La confrontation entre la tertiaire extrêmement physique des Seahawks et l’excellent groupe de receveurs des Broncos sera donc capitale. C’est là que ça va se jouer à mon avis.

Les demis défensifs des Seahawks devront donc retenir, frapper et accrocher les receveurs des Broncos. C’est habituellement ce qu’ils font, faisant le pari que l’arbitre ne lancera pas le mouchoir après chaque jeu. Garder les mains sur le receveur sera aussi capital afin de les faire dévier de leur tracé et les déconcentrer. Cette tactique, tous les joueurs de football ayant déjà évolué en défense la connaissent et les Seahawks l’appliquent à merveille.  

Cela forcera Manning à conserver le ballon un peu plus longtemps puisque le tracé de passe prendra plus de temps à se développer. La ligne défensive des Seahawks pourrait alors profiter de l’occasion pour atteindre le quart des Broncos.

Or, la ligne à l’attaque des Broncos a connu sa part de succès depuis le début des éliminatoires. Manning et ses hommes ont donc été en mesure de contrôler le ballon, courir lorsqu’il le fallait, contenir la pression et éviter les sacs du quart.

Face aux Seahawks, poursuivre dans la même veine ne n’annonce pas de tout repos pour les Broncos. La défense de Seattle promet d’être redoutable, comme elle l’a été plus tôt en éliminatoires face aux Saints de La Nouvelle-Orléans. Plusieurs joueurs sont alors parvenus à bousculer le quart Drew Brees en moins de 2,5 secondes. Ultras rapides, les Seahawks sont pleinement capables de réserver le même sort à Manning.

La défense des Seahawks a les outils et le style pour donner des maux de tête au joyau des Broncos.

Pour contenir Manning, inutile de le blitzer car il saisit aussitôt l’occasion pour te faire mal paraître. Avec l’incroyable mémoire photographique dont il dispose, Manning décourage les formations adverses de blitzer.

N’empêche, les Seahawks devront tenter d’éloigner Manning de sa pochette protectrice. À l’instar des terrains qui ne sont pas donnés dans la région de New York – où de déroulera le Super Bowl – une petite portion de terrain du Metlife Stadium vaudra son pesant d’or dimanche. Où? Cinq ou six verges derrière le centre des Broncos, là où Manning enchaîne les tours de magie. Les hommes de John Fox ont comme mission première de protéger coûte que coûte cette zone et d’éliminer tous les déchets.

Les défenses qui connaissent du succès contre Manning optent généralement pour une bonne pression à quatre. Elles sont alors en mesure d’assurer une couverture de passe à sept joueurs. Une pression soutenue à quatre et reculer à sept joueurs pour couvrir le jeu aérien, c’est le meilleur des deux mondes.

Une marche à suivre que les Seahawks pourraient très bien favoriser lors du match ultime. Huitièmes au chapitre des sacs du quart (44) cette saison, les Seahawks ne multiplie pas les blitzs et tentent plutôt de percer le front défensif à quatre joueurs. Une stratégie qui leur sourit, eux qui pointent au tout premier rang pour les pressions appliqués sur les quarts adverses cette saison avec 201.

C’est donc le front défensif qui a le plus souvent dérangé les quarts-arrières adverses cette saison. Ils sont donc tout à fait capables de se rendre au quart adverse, particulièrement avec leur formation NASCAR. Avec quatre joueurs de ligne défensive qui s’apparentent davantage à des ailiers défensifs, il est encore plus ardu de les contrer.

Byron Maxwell et Richard ShermanAprès avoir échoué à cet égard face aux Falcons d’Atlanta l’an dernier en éliminatoires, les Seahawks ont donc apporté les correctifs qui s’imposaient sur le front défensif. En faisant l’embauche de Michael Bennett et Cliff Avril avant le début de la saison, les Seahawks ont visiblement retrouvé leur identité.

Défensivement, les Seahawks n’optent donc pas pour des jeux très élaborés, mais ce qu’ils font, ils le font super bien. Jeu après jeu, l’exécution est au rendez-vous. Favorisant tantôt une couverture de zone, tantôt une couverture homme à homme ou encore un hybride des deux, les Seahawks peuvent jouer rapidement et sans hésitation.

Reste à voir maintenant si le volubile demi de coin des Seahawks Richard Sherman suivra à la trace le receveur Demaryius Thomas, d’un bout à l’autre du terrain. Je ne suis pas certain. Les demis de coins des Seahawks restent généralement de leur côté respectif du terrain. À surveiller…

Une chose est sûre cependant. Vous pouvez parier que Manning testera Jeremy Lane et Walter Thurmond, les troisième et quatrième demis de coin des Seahawks.

Autre chose à garder à l’œil au sujet de la défense des Seahawks est le duel entre Manning et Earl Thomas, qui sera le seul maraudeur dans le champ centre. Je comprends que ce n’est pas le dernier venu, voire même l'un des meilleurs de la NFL à sa position, mais rares sont les équipes qui se défendent avec succès contre Manning avec un seul maraudeur.

Manning tâchera sans doute de le piéger en le lançant à l’opposé de la portion de terrain où il tentera de joindre un receveur. En employant un seul maraudeur, les Seahawks invitent l’adversaire à attaquer les demis de coins le long des lignes de côté. Ce sera donc à eux de forcer Manning à conserver le ballon plus longtemps.

Pour déjouer la défense des Seahawks, Manning pourrait par ailleurs accélérer le tempo. En y allant sans caucus, il compliquerait sérieusement les nombreuses substitutions défensives que les Seahawks ont l’habitude d’opérer.

Les sages paroles de Mike Tyson

Par ailleurs, comme dans tout bon match de football de cette importance, les revirements seront déterminants. D’une part, Seattle a provoqué 39 revirements cette saison, concluant l’année avec un différentiel de plus-20 à ce chapitre. Les Broncos, malgré une campagne exceptionnelle, ont pour leur part terminé le calendrier régulier avec un ratio de 0. Deux tendances qui se sont transportées en éliminatoires.

Au cours de leur marche vers le Super Bowl, les Seahawks affichent un rendement de plus-3 contre moins-2 pour les Broncos. Une donnée non négligeable.

Finalement, je conclurai cette chronique en citant le grand philosophe Mike Tyson. « Tout le monde a un plan jusqu’à ce qu’il encaisse un solide coup de poing sur la gueule. »

Les Broncos auront beau avoir le meilleur plan de match au monde, s’ils sont incapables de rivaliser avec le jeu physique des Seahawks, de véritables brutes, un K.-O. les guette.

*Propos recueillis par Mikaël Filion