En septembre 2014, Peterson avait été accusé de maltraitance envers son fils en le frappant avec une branche à plusieurs reprises en plus de l’avoir atteint à la tête. En réponse à ces accusations, les Vikings du Minnesota avaient placé Peterson sur la liste d’exemption en plus de le mettre à l'écart indéfiniment jusqu'à ce que ses procédures judiciaires soient résolues. Par la suite, le nom de Peterson devait être retiré de la liste et il devait être admissible à retourner au jeu. C’est ainsi que le 4 novembre denier, Peterson a plaidé coupable à une infraction moindre pour éviter la prison. Subséquemment, l'Association des joueurs de la NFL a demandé à la ligue de permettre à Peterson de réintégrer son équipe, mais la ligue a refusé.

En revanche, l'Association des joueurs a déposé un grief contre la ligue le 9 novembre dernier pour que Peterson soit de retour dans la formation et retirer de ladite liste. Or, l'audience a été entendue le 17 novembre dernier et le lendemain, l'arbitre Shyam Das a ordonné le maintien de Peterson sur la liste des joueurs exempts.

Au cours de la même journée, la NFL a aussi suspendu Adrian Peterson sans salaire jusqu’à la fin de la saison 2014 pour avoir contrevenu au code de conduite de la NFL, l’empêchant ainsi de réintégrer son équipe avant le 15 avril 2015. Sans surprise, l'Association des joueurs a aussitôt manifesté son intention de faire appel de cette suspension, laquelle allègue que le processus disciplinaire de la NFL est arbitraire, instable et partial. Notons qu’avant cette saison, les joueurs impliqués dans des incidents de violence familiale étaient en moyenne suspendus pour deux matchs. De telle sorte que ce traitement semble incompatible avec la pratique du passé. Force est de constater que le scandale Ray Rice a réellement changé le paysage sportif, particulièrement dans sa gestion de la conduite hors terrain de ses athlètes.

La suspension en appel

D'abord, pour appeler de cette sanction, l'Association des joueurs alléguera que les neuf matchs manqués par Peterson, alors qu’il se trouvait sur la liste d’exemptions, constituent en soi une suspension. Par conséquent, ces matchs manqués jusqu’à présent dépassent la suspension maximale de six matchs prévue à la politique sur la violence familiale intégrée au code de conduite. Par ailleurs, l'Association des joueurs prétendra qu’une telle sanction outrepasse la suspension maximale de quatre matchs contenue à l’article 42 de la convention collective. Ainsi, elle fera valoir que cette suspension porte atteinte aux règles internes. En revanche, la NFL contestera en soulevant que Peterson faisait l’objet d’un congé payé et non d’une suspension. À ce titre, il est à noter que la NFLPA avait reconnu en septembre dernier que la ligue se réservait le droit de suspendre et/ou d’imposer à Peterson une amende une fois le verdict rendu.

Dans un autre ordre d'idées, l'Association des joueurs prétendra que la sanction de la NFL devrait être annulée sous prétexte qu'elle est sans précédent et arbitraire. Cela dit, il lui sera difficile de se justifier, car l'article 46 de la convention collective confère au commissaire Roger Goodell de vastes pouvoirs disciplinaires contre les joueurs pour toute conduite préjudiciable à l'intégrité de la ligue. À cet effet, c'est Goodell qui est chargé d'administrer les suspensions des joueurs, mais aussi d'entendre les sanctions qui sont portées en appel. À l'inverse, l'article 46 permet à Peterson de faire appel de sa sanction et ce, même si cette suspension a été ordonnée par Goodell.

La plus grande difficulté pour l'Association des joueurs est que l'appel de Peterson sera entendu devant le commissaire Goodell, lequel a lui-même imposé cette suspension. Il est donc très peu probable que nous verrons une suspension réduite pour Peterson si Goodell préside cette audience. Face à une telle situation, l'Association des joueurs a alors fait une demande de récusation à l’encontre de Goodell pour qu’un arbitre indépendant et impartial puisse trancher l'affaire Peterson. Sans aucun doute, elle fera une perspective de comparaison entre les dossiers Peterson et Rice. Rappelons que le commissaire avait exceptionnellement permis la nomination d’un tiers arbitre dans le cadre de l'appel de Rice, lequel avait été entendu par la juge retraitée Barbara Jones. Or, il est difficile de comparer l’affaire Rice à celle de Peterson quant à l’implication respective de Goodell dans ces dossiers. Le comportement de Goodell était au cœur même de l’appel sur la suspension de Rice et au surplus, il avait témoigné lors de l’audition.

N’oublions pas que Rice reprochait à Goodell de l’avoir puni deux fois pour un même comportement. Goodell avait admis avoir commis des erreurs dans la façon dont il avait géré l'affaire Rice et pour lesquelles il avait été vigoureusement critiqué. Au contraire, dans le dossier Peterson, la responsabilité de Goodell n’est pas remise en cause et il ne sera pas appelé à témoigner lors de l’audience. Le cas de Peterson concerne plutôt les conséquences juridiques de son rôle parental et non les faux-pas de Goodell.

En outre, la NFL n’est pas contractuellement obligée de nommer un tiers arbitre du seul fait qu'elle en a permis un dans le cadre du dossier Rice. Il est peu probable que Goodell renonce à son autorité. Il demeure néanmoins possible que la NFL modifie volontairement son système. Mais dans la mesure où Goodell révise sa propre décision, pourrions-nous y voir des risques de conflit d’intérêt? En l'espèce, l'Association des joueurs s’oppose à ce que Goodell serve d’arbitre dans sa propre cour d'appel. Toutefois, il faut comprendre qu'elle a consenti à cette disposition. Par conséquent, il lui sera malvenu de contester des termes qu’elle a elle-même collectivement négociés avec la NFL.

Compte tenu des défis auxquels fait face l'Association des joueurs, un litige devant les tribunaux de droit commun n’est pas inévitable. Si tel est le cas, elle demandera une ordonnance intérimaire permettant à Peterson d’être autorisé à jouer en attendant la résolution du présent dossier. Priver un travailleur de son droit à la possibilité de gagner sa vie est un principe que les syndicats prennent très au sérieux. Dans une telle optique, ce n’est probablement que le début d’une longue guérilla judiciaire.