Ce n’est pas une vilaine chose que d’être de passage à Montréal, prêt à recharger les batteries et à passer du temps de qualité avec la famille après un revers sans équivoque et plutôt difficile à digérer dimanche, contre les Steelers de Pittsburgh.

Je dois avouer que le sommeil s’est fait plutôt rare depuis notre départ du Heinz Field. J’ai également appris à mes dépens que de passer plusieurs heures assis dans un avion après avoir disputé un match de football est un excellent moyen d’être endolori de la tête aux pieds!

Collectivement, nous n’avons jamais été en mesure de démarrer la machine pour ce quatrième match de la saison. Chacun en conserve un goût amer en bouche. À la mi-temps, nous étions plusieurs à nous jeter des regards d’incompréhension, à la recherche de raisons expliquant cette première moitié de rencontre désastreuse. Nous avons essayé de redresser la barque en deuxième mi-temps, mais là non plus, ça ne s’est pas avéré très concluant.

Cela étant dit, nous avons fait le point en regardant les bandes vidéo de l’affrontement durant la journée de lundi.  Je crois que chaque membre de l’équipe doit y aller d’une autocritique, et profiter de la semaine de congé des Chiefs pour se reposer avant de revenir prêt à se retrousser les manches et retrouver le sentier victorieux le 16 octobre face aux Raiders d’Oakland.

D’un point de vue personnel, j’ai l’intention d’utiliser ce temps libre – nous revenons tous à Kansas City dimanche – pour m’assurer que ma cheville soit à 100 % et que ma confiance soit gonflée à bloc pour les nombreuses semaines de football restantes. Normalement, les joueurs apprécient plus ou moins que le « bye week » soit si tôt dans la saison. Dans ma situation cependant, c’est très bénéfique. Après tout, je m’étais présenté au complexe d’entraînement des Chiefs à chaque journée sans exception, journées de congé inclues, durant le coup d’envoi du camp.

Donc si ça semble tôt dans la saison pour un congé – et ça l’est, si on s’arrête seulement au calendrier régulier – ça fait tout de même un bon moment que l’action a repris, si on additionne le camp d’entraînement et les rencontres pré-saison. Vu sous cet angle, nous  avons pratiquement complété la moitié du chemin.

De revenir en ville, de reprendre mon souffle et d’avoir la possibilité de parler français sont des opportunités qui ne se sont pas présentées très souvent ces dernières années. Puisqu’ils sont propriétaires d’une boulangerie, ce n’est pas toujours évident pour mes parents de faire le voyage vers Kansas City pour le week-end, le moment le plus achalandé de la semaine. Exceptionnellement, tout le monde est réuni puisque mes sœurs, qui sont aussi athlètes en aviron et en ski de fond, seront présentes en ville en même temps que moi. Je ne me souviens pas de la dernière fois que nous avons partagé un repas tous ensemble à la maison, donc ce sera bien plaisant!

L’aspect mental y est pour beaucoup

Je vous cacherai pas que j’étais soulagé que l’équipe médicale des Chiefs aient déterminé que c’était assez sécuritaire pour moi de renouer avec l’action avant-hier face aux Steelers. Le personnel d’entraîneurs a ensuite déterminé que l’option de me faire jouer parmi les partants était la meilleure avenue pour l’équipe. Cela ne veut pas dire pour autant que le tout s’est fait sans la moindre douleur. En fait, je crois qu’à partir du troisième quart, j’avais moins de force dans mes mouvements. Ça se voyait sur les séquences vidéo.

Une facette importante du type de blessure qui m’incommodait est l’aspect mental. Si tu te mets à blâmer ta cheville pour un jeu moins bien réussi, la frustration se met de la partie et ça se met à dégringoler. Mon plan était d’arriver au stade à la fois confiant en mes moyens et persuadé que je pouvais remporter mon duel face au joueur défensif qui m’était opposé. Avec cette mentalité, tout se passe plus facilement. L’adrénaline y joue pour beaucoup malgré la souffrance ou l’inconfort.

Au bout du compte, il faut faire confiance au processus. J’ai suivi à la lettre les conseils des physiothérapeutes des Chiefs. Des exercices de rééducation aux bandages, aucun effort n’a été ménagé. Il existe toutefois un certain paradoxe, puisqu’en plus de vouloir aider l’équipe au meilleur de tes capacités, il faut à quelque part songer à ses propres intérêts. Or, en acceptant de jouer en tolérant la douleur, il faut vivre avec la possibilité que sur bande vidéo, ça sera moins concluant qui si tu évoluais à 100 % de tes habiletés.  Et comme il s’agit de ton curriculum en vue par exemple d’une renégociation de contrat, ça devient délicat comme situation.  

Bref, sans me satisfaire de ma prestation de dimanche, je demeure néanmoins très fier d’avoir pu retrouver mes  coéquipiers deux semaines seulement après m’être infligé une entorse à la cheville.

Autopsie d’une défaite cuisante

Sans entrer dans les détails stratégiques de notre performance à Pittsburgh, je mentionnerai que l’une des théories retenues pour expliquer cette déconvenue est que nous sommes tombés dans le piège d’être distraits par l’ampleur du moment. Nous avons mal géré cette rencontre du dimanche soir, disputée à heure de grande écoute.

Demarcus Robinson, Eric Murray, Tyreek Hill et Mitchell SchwartzDans un moment aussi stressant émotionnellement qu’un match de la NFL, c’est impératif de rester calme et en contrôle de la situation. Quand tu as un trop-plein d’émotions, ça devient plus facile de commettre des erreurs dues à un léger manque de concentration. On s’est éloignés de qui nous étions en tant que groupe durant ces 60 minutes de jeu.

Il existe des exemples de formations ayant été battues dans un match à sens unique et qui se sont regroupées pour connaître du succès. Je pense personnellement aux Patriots de la Nouvelle-Angleterre, qui en 2014 avaient fait fi d’un match à oublier à notre domicile, au Arrowhead Stadium, avant de remporter éventuellement le Super Bowl.

Dans un sport aussi tactique que le football, une erreur de l’un des 11 joueurs présents sur la surface de jeu peut tout changer. À l’attaque, un bloc raté ou un tracé couru de façon imprécise peut tout gâcher. C’est donc dire que si chacun individu commet une erreur aux 10 jeux, théoriquement cela pourrait vouloir dire qu’une erreur par jeu est commise. Dans de telles circonstances, il est très difficile de faire avancer les chaîneurs.

C’est aussi vrai par rapport aux trois unités, de manière plus générale. Si les unités spéciales n’arrivent pas à réussir les jeux pour être compétitif dans la bagarre du positionnement, les résultats s’en ressentent sur tout le reste. Si l’offensive ne fait pas avancer le ballon et n’accumule pas les premiers essais, la défense est plus sollicitée, se fatigue plus rapidement et devient plus vulnérable.

Ça peut n’être qu’une embûche dans une longue saison de football, mais pour que ce scénario se concrétise, des leçons doivent être tirées. Pour s’assurer que cette erreur de parcours ne se reproduise pas, il faut être critiques envers nous-même.  C’est ce que nous allons faire avant de nous préparer pour notre duel du 16 face aux Raiders, d’éternels rivaux.

* propos recueillis par Maxime Desroches