Sous la pression populaire, les Redskins de Washington ont abandonné le 13 juillet 2020 leur nom « Redskins » et le logo de la tête d’autochtone. Baptisée les Redskins en 1933, l’équipe de la NFL fait l’objet de nombreuses critiques depuis plusieurs années en raison de la connotation raciste associée au terme « Redskins ». Bien que ce nom constituait l’un des plus controversés de tous les sports professionnels, les propriétaires de l’équipe avaient – jusqu’à récemment- toujours refusé de le modifier, témoignant qu’il s’agissait au contraire d’un hommage au peuple autochtone. Or, dans le contexte du mouvement « Black Lives Matter », les propriétaires ont dû réviser leur position notamment puisque plusieurs commanditaires dont FedEx, Nike, Pepsi et Bank of America les ont menacés de mettre fin à leurs relations d’affaires s’ils ne changeaient pas le nom de l’équipe.

 

Mais cette discussion entourant le nom des Redskins n’est pourtant pas nouvelle alors que des militants de la cause autochtone revendiquent un tel changement depuis déjà plusieurs décennies. D’ailleurs, c’est dans le cadre de ces revendications que les marques de commerce qui protégeaient le nom des Redskins ont été abolies en 2015 après qu’un juge fédéral américain ait conclu à son caractère méprisant envers les autochtones. Depuis cette date, l’équipe pouvait utiliser le nom, mais sans bénéficier des protections légales fournies par l’enregistrement d’une marque de commerce.

 

Annulation des marques de commerces des Redskins

 

Entre 1967 et 1990, l’équipe de la NFL avait enregistré six marques de commerce dont : WASHINGTON REDSKINS et THE REDSKINS. En 1992, un groupe d’autochtones avait déposé devant le Trademark Trial and Appeal Board of the United States Patent and Trademark Office (TTAB) une demande en annulation des marques affiliées aux Redskins qui avaient été enregistrées à partir de 1967 sous prétexte qu’elles étaient dénigrantes et que leur enregistrement défiait la loi américaine Lanham Act interdisant les marques de commerce offensantes. En 1999, le TTAB a accueilli la demande présentée par le groupe d’autochtones et a ordonné l’annulation de l’enregistrement des marques des Redskins.

Par contre, les Redskins ont fait appel de cette décision devant la Cour d’appel du District de Columbia qui lui a donné raison en 2003. En effet, la Cour d’appel avait conclu que les lois sur la prescription et la doctrine du délai préjudiciable faisaient obstacle à la demande instituée par le groupe d’autochtones puisque 25 ans s’étaient écoulés entre l’enregistrement de la première marque en 1967 et l’institution de leur recours en 1992. La Cour d’appel avait également soulevé que la possibilité de contester l’enregistrement des marques des Redskins « ne courait qu'à partir du moment où une partie atteignait l’âge de la majorité », statuant que les autochtones du groupe avaient attendu trop longtemps après avoir atteint la majorité pour déposer leur requête en 1992 et que ce délai était préjudiciable envers les Redskins. Pour cette raison, un nouveau groupe d’autochtones âgés entre 18 et 24 ans a alors déposé en 2006 une poursuite presque identique, alléguant que l’usage du mot « Redskins » était préjudiciable aux premières nations et qu'il s'agissait d'une insulte raciale déshumanisante au même titre que le « n***** » pour les Afro-américains. 

Ce dossier s’est étalé sur plusieurs années et les opinions sur cette question étaient partagées. En 2014, des représentants du Congrès américain ont d’ailleurs contacté les Redskins et le commissaire de la NFL, Roger Goodell, au sujet du nom de l'équipe. La moitié des membres du Sénat demandaient à Mr. Goodell de changer le nom de l’équipe. Or, il a défendu la marque « Redskins », soutenant qu’elle avait une portée positive distincte de tout dénigrement et qu’elle rendait hommage aux nations autochtones.  

 

Le 18 juin 2014, le TTAB a statué que le nom « Redskins » avait une connotation péjorative envers une partie substantielle du peuple amérindien, concluant que les marques appartenant aux Redskins référaient directement aux autochtones et que l'équipe utilisait l'imagerie amérindienne dans le cadre de ses matchs tels que le port de plumes par les membres de l’orchestre et de costumes à franges par les cheerleaders. En désaccord, les Redskins ont porté cette décision en appel, laquelle a été confirmée le 9 juillet 2015 par un juge fédéral. À cette date, le Bureau américain des brevets et des marques (USPTO) a retiré de ses registres les six marques enregistrées au nom des Redskins. Estimant que l'annulation de ses marques de commerce contrevenait à sa liberté d'expression en vertu du Premier amendement de la Constitution américaine, l’équipe a interjeté l’appel de cette décision devant un tribunal d’appel fédéral.  

 

Entre temps, la Cour suprême s’est penchée sur une demande d’enregistrement du nom d’un groupe musical « The Slants » (Les bridés) formé de quatre Américains d’origine asiatique, jugée dénigrante par l’USPTO en raison de la référence à la forme des yeux des personnes asiatiques qui est une caractéristique physique pouvant faire l’objet de moquerie. En défense, le groupe prétendait que son nom permettait d’honorer la culture asiatique et d’en épurer la teneur raciste, comme les rappeurs afro-américains utilisent à leur compte le mot « n***** ». Le 19 juin 2017, la Cour suprême a tranché en faveur du groupe, jugeant que l’USPTO ne pouvait pas refuser d'enregistrer le nom « The Slants » puisqu’il s’agissait « d'une discrimination fondée sur un point de vue ». Dans ce contexte, la Cour suprême a jugé que l’analyse en matière de moralité était subjective du moment où certains individus pouvaient être offensés par l’usage d’un nom alors que d’autres ne l’étaient pas. En concluant qu’il était possible d’enregistrer des marques péjoratives sous réserve de leur nature subjective, la décision Matal a conséquemment rendu sans objet l’appel des Redskins contre la décision du TTAB.

 

Les motifs invoqués par la Cour suprême dans Matal eu égard au récent mouvement « Black Lives Matter » mettent en lumière un important débat éthique. Bien que cet article se concentrait sur les Redskins, notons qu’ils ne sont pas les seuls à avoir fait l’objet de critiques en raison de leur appellation connotée au cours des dernières années. En Amérique du Nord, des dizaines d'équipes sportives possèdent des noms et des logos faisant aussi référence au peuple autochtone comme les Blackhawks de Chicago (LNH), les Eskimos d'Edmonton (LCF) et les Chiefs de Kansas City (NFL). Sans oublier qu’au baseball majeur, les Indians de Cleveland ne font pas l’unanimité en ce que plusieurs revendiquent la disparition de leur mascotte Chief Wahoo parmi leurs logos. Il sera intéressant de voir l’évolution de cette situation, l’impact que cela aura sur les autres équipes sportives et surtout de connaître le nouveau nom qui sera choisi.