Au lieu d'aider les Rams, Fabio S. Gagnon travaille avec Boston College
NFL mardi, 14 avr. 2020. 08:45 vendredi, 13 déc. 2024. 23:22MONTRÉAL – Quand on baigne dans le football bien au-delà de 40 heures par semaine, ce n’est pas une pandémie comme celle de la COVID-19 qui freinera nos ardeurs. Au lieu de se préparer pour sa quatrième saison dans la NFL, l’entraîneur québécois Fabio S. Gagnon a accepté l’invitation de Boston College question de faire œuvre utile.
Il faut dire que l’entraîneur de 25 ans est habitué de bûcher pour arriver à ses fins. Ça sonne cliché, mais on ne devient pas l’unique entraîneur québécois dans la NFL en se contentant d’un effort minimal. C’est d’abord en envoyant une lettre aux 32 équipes de la NFL qu’il a attiré l’attention des Bills de Buffalo et il a été en mesure de mériter un poste avec eux en 2017 grâce à sa passion qui se perçoit en quelques secondes.
Après avoir ensuite développé ses connaissances avec les Steelers de Pittsburgh en 2018, il a joint les Rams de Los Angeles en 2019 et il devait parapher une nouvelle entente avec eux pour l’année 2020. C’était avant qu’un virus ne vienne frapper toutes les sphères de la société.
« J’étais en négociations pour signer mon contrat pour les prochaines saisons. Étant donné que tout est fermé, on m’a dit qu’on n’aurait pas de deal final tant qu’on ne retournera pas travailler », a expliqué Gagnon qui se retrouve, à sa façon plongé dans une certaine incertitude même s’il pense qu’il ne perdra pas ce poste précieux.
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À l’heure actuelle, les organisations de la NFL investissent surtout leurs ressources sur la présentation d’un repêchage virtuel qui suscite la curiosité de la planète sportive. La solution de rechange s’est imposée par-elle-même pour Gagnon.
« Avec ce shutdown du côté football dans la NFL, il n’y a vraiment rien qui se passe pour des entraîneurs comme moi. Boston College m’a demandé au même moment si je pouvais les aider et ça me fait plaisir de pouvoir le faire », a décrit l’entraîneur au RDS.ca.
Gagnon avait d’ailleurs donné un coup de main à ce programme universitaire la session dernière en plus de son mandat avec les Rams.
« J’ai beaucoup de réunions à distance pour les aider, ils ont un nouveau staff donc on essaie de bâtir des concepts, on parlait récemment de certaines situations en deuxième essai, en troisième essai et pour la zone payante. Presque tout leur personnel a travaillé dans la NFL donc on met tous notre bagage ensemble et on essaie de construire un cahier de jeux. C’est pour ça que je suis quand même assez occupé sans que ce soit via la NFL », a précisé le dynamique intervenant.
L’horaire chargé de Gagnon se remplit également avec une dimension académique car il terminera, cette session-ci, une maîtrise en administration sportive à Boston College. Une superbe ironie du sort quand son parcours d’entraîneur a pris son envol au Séminaire Saint-François à la suite d’un résultat scolaire insuffisant.
Loin d'avoir atteint son but ultime
Même s’il ne se tourne pas les pouces, la période actuelle incite à la réflexion. Dans son cas, la fierté se pointe le bout du nez, mais son ambition accapare encore le portrait.
« J’aime où je suis rendu présentement, mais ce n’est clairement pas là que je veux m’arrêter. Il me reste beaucoup d’étapes à franchir même si je suis sur la bonne voie », a statué le volubile entraîneur.
En dépit de son jeune âge, Gagnon a eu l’audace de se promener pour enrichir son expertise. Il confirme sans hésitation qu’il a retenu des apprentissages bien différents selon le club.
« À Buffalo, je n’avais aucune idée dans quoi j’embarquais et à quoi ça se ressemblait. Même si tu dis que tu veux devenir pilote de course dans la vie, il y a des étapes à franchir et tu dois savoir lesquelles. C’est tout ça que j’ai appris chez les Bills via celui qui est devenu mon mentor (Bob Babich qui a plus de 15 ans d’expérience dans la NFL). On va se le dire, la NFL c’est une business et une business qui roule. Donc, si tu ne fais pas l’affaire, on va en trouver un autre et ça ne sera pas long », a raconté celui qui se spécialise présentement auprès des secondeurs extérieurs.
« Mon mentor m’a expliqué l’histoire des contacts. Ce n’est pas tout d’être un bon coach de foot, tu dois avoir un réseau de contacts. Quand une équipe t’aime comme personne, elle va te montrer comment ça marche dans son club. Oui, tes qualifications de coach de football doivent être là et tu passes au tableau et tout pendant l’entrevue, mais les dirigeants veulent surtout te connaître comme personne avant de t’engager », a poursuivi Gagnon.
Puisque c’était ses premiers pas dans ce circuit hautement compétitif, Gagnon ne cache pas qu’il a vécu un choc à l’arrivée des joueurs au camp d’entraînement.
« Ça bouge à 100 milles à l’heure, tu n’as même pas le temps de penser pratiquement. Tu fonces à gauche, à droite, tout est compté avec un chrono. Si c’est cinq minutes, c’est cinq minutes, pas plus et pas moins. Tu comprends que toutes les minutes sont comptées et tout est fait en sorte pour que tu n’en gaspilles pas une dans une journée », a-t-il dit.
En faisant le saut chez les Steelers, il a été exposé aux différences dans les approches.
« Parfois, j’essayais de réfléchir au meilleur des deux mondes et il y avait des plus de chaque côté. Tu dois t’habituer quand tu changes d’organisation. Pour moi, ça ne faisait qu’un an, ce n’était rien. Mais quand je pense à des joueurs comme (Tom) Brady qui change après 20 ans, c’est normal de se sentir déstabilisé. Ce n’est pas pour rien que de bons joueurs changent de club et que ça ne fonctionne pas », a noté Gagnon.
À Pittsburgh, il s’est particulièrement rapproché de Denzel Martin, un jeune entraîneur qui suit une ascension similaire à la sienne. « Je parle souvent à mon mentor, mais il est dans la cinquantaine, ça ne se ressemblait pas trop à l’époque où il a commencé. C’est vraiment l’un des plus d’avoir été avec les Steelers. »
Le contraste était impossible à ignorer au niveau de l’entraîneur-chef. Alors que Sean McDermott avait hérité de son premier mandat dans cette mission avec les Bills en 2017, Gagnon a été exposé à l’influence d’un vétéran comme Mike Tomlin à Pittsburgh où « une culture est ancrée ».
Ça demeure que c’est avec les Rams que Gagnon a trouvé l’alliance la plus naturelle.
« Ce qui était vraiment le fun à découvrir, c’était de travailler dans un jeune coaching staff avec Sean McVay. L’entraîneur avec lequel j’ai beaucoup cliqué, c’est Chris Shula, le petit-fils de Don Shula (le légendaire entraîneur). J’ai aimé voir la dynamique et l’explosion qu’on a dans ce groupe. C’est super énergique alors que le rythme était plus lent avec les Steelers, les joueurs ont plus de répit, ils chillent un peu. J’ai trippé avec chaque équipe, mais encore plus avec les Rams, ça me ressemblait davantage », a-t-il déterminé.
À son tour d'inspirer les autres
Maintenant que son réseau est plus élargi, Gagnon peut apprendre la meilleure manière : en écoutant les approches de plusieurs entraîneurs et en opposant le tout à ses perceptions. Ses différents arrêts l’ont aussi exposé à des inspirations renommées comme Andy Reid.
« Le fils de Reid (Spencer) a été adjoint pour le conditionnement à Boston College si bien qu’on a pu discuter avec Andy Reid. Sa vision me rejoint beaucoup quant à comment je veux agir avec les joueurs et les gens. Il est très inspirant pour ça », a vanté Gagnon qui a également rencontré Bill Belichick qui prône un style plus intense.
Tomlin occupe, lui aussi, une place importante sur cette liste notamment parce qu’il ouvre des portes à des entraîneurs issus de minorités. « Il était très inspirant dans le sens que le monde du coaching pouvait évoluer un peu. »
L’idée n’est surtout pas de se lancer dans le jeu des comparaisons, mais Gagnon peut devenir une inspiration à son tour même s’il est encore très jeune. Avec les progrès effectués par le football québécois, d’autres entraîneurs devraient pouvoir imiter son parcours. Lorsqu’on l’interroge à ce sujet, il confirme qu’il a été sollicité et ça lui fait plaisir de procurer un petit coup de pouce à ces personnes.
« Ce n’est pas que je veux promouvoir l’idée de quitter le Canada, mais dans le domaine sportif, tu dois parfois partir. Parfois, tu te dis, il y a tellement d’entraîneurs, pourquoi ils prendraient le petit gars du Québec. Avec cette période de crise, on ne sait pas trop ce qui va se passer, mais de plus en plus de gens veulent venir voir comment ça se passe », a conclu Gagnon qui a fait des sacrifices exigeants et payants en jumelant les études et le football.