Dimanche dernier, j’ai eu l’occasion d’accompagner mon équipe à Buffalo et c’était le premier match que nous disputions près du Canada cette saison après des arrêts à Denver, Miami, San Francisco et San Diego.

Même si je n’étais pas en uniforme, c’était vraiment cool que notre équipe joue aussi près de la maison et ç'a permis à plusieurs de mes amis d'être du rendez-vous. Ils n’ont pas tous le temps de venir à Kansas City avec les études ou les moyens financiers de le faire. Ils étaient environ une quinzaine à s’être déplacés pour me voir et assister à la partie de mon équipe. Je vous confirme que c’est toujours agréable de sentir qu’il y a des gens qui me supportent et qui m’encouragent dans ce projet.

Laurent Duvernay-Tardif et ses amisC’était vraiment plaisant que des amis soient sur place, mais je dois aussi souligner à quel point c’était touchant de voir et entendre des gens que tu ne connais pas dans les gradins qui crient ton nom en français avec des drapeaux du Québec, c’était un merveilleux feeling!

J’ai même remarqué que des spectateurs derrière notre banc avaient un drapeau du Québec et c’était surprenant d’entendre des gens parler en français. Ça fait chaud au cœur de voir que des gens ont fait la route pour venir voir le match, mais aussi un peu pour suivre ma progression.

Malgré que le match soit présenté à Buffalo, personne de ma famille n’avait fait le voyage, mais ils ont une excellente raison car ils s’en viennent tous à Kansas City pour le prochain match contre les Seahawks.

Pour revenir à la partie face aux Bills, on tirait de l’arrière 13-3 au début du quatrième quart, mais nous avons réussi une remontée pour l’emporter 17 à 13. Comme le dit souvent notre entraîneur Andy Reid, la majorité des matchs finissent par se décider sur deux ou trois jeux. Pour ceux qui n’ont pas vu le match, ces jeux déterminants sont devenus le botté de dégagement recouvré, un quatrième essai et une verge converti pour un touché par Jamaal Charles sur une course de 39 verges en plus de quelques pénalités.

Ce n’était pas si étonnant que le match se déroule ainsi parce qu'il opposait deux des meilleures défenses de la NFL (Buffalo au 6e rang et Kansas City au 7e rang) et ce fut littéralement une guerre de tranchées. On savait que la ligne défensive des Bills était extrêmement solide donc a mis l’accent sur ces joueurs à l’entraînement. C’est vrai, notre train a eu besoin d’un peu de temps avant de se mettre à rouler, mais on a commencé à s’établir un peu plus à partir du troisième quart et on a été plus solide en protection pour la passe.

J’en conviens, ça n’a pas toujours été joli, mais on est parvenu à sortir gagnant de cette rencontre.

Il s’agit de notre quatrième victoire d’affilée et on se retrouve parmi les équipes qui traversent les meilleures séquences dans la NFL. C’est agréable comme contexte, mais on se fait toujours rappeler par Coach Reid de ne pas se laisser distraire par ça. Même si je ne joue pas les matchs, on sent que plus une équipe gagne, plus l’engouement grimpe avec les journalistes qui sont plus nombreux et les amateurs qui parlent encore plus de football.

Avec son expérience, notre entraîneur veut que nous évitions ce piège et il insiste pour qu’on garde notre concentration. Il s’assure qu’on traite chaque équipe comme si nous étions les négligés et on s’attarde à bien faire nos devoirs.

Un dernier droit des plus exigeants

Vous êtes probablement plusieurs à avoir remarqué que notre dernier droit ne s’annonce pas de tout repos. Ça commencera dès dimanche avec les Seahawks, mais nous allons aussi croiser le fer avec des adversaires comme les Broncos, les Cardinals, les Steelers et les Chargers.

On a déjà parcouru plus de la moitié de la saison et tous les matchs qui s’en viennent comptent encore plus. Bien sûr, les premiers matchs sont importants, mais ce sont les derniers qui sont cruciaux pour donner le ton en vue des éliminatoires.

C’est pourquoi on redoublera d’effort surtout qu’il commence à faire froid, que le vent est plus puissant et que des joueurs sont blessés ou fatigués. Voilà pourquoi c’est le temps de retourner encore plus à nos bases techniques et à ce que nous avons appris au camp d’entraînement et même avant aux activités d’équipe (OTA). Il faut s’assurer de jouer en équipe et amasser le maximum de victoires.

Sur la ligne

Le caractère de notre équipe sera mis à l’épreuve, mais Coach Reid parvient à nous motiver devant de tels défis. C’est le premier entraîneur dans ma vie qui clame qu’il veut jouer contre la meilleure opposition possible. Avant même le début de la saison, il nous disait que nous n’avions pas un calendrier pas facile, mais que c’était ce qu’on voulait en tant qu’équipe gagnante. On veut affronter les meilleurs pour prouver que nous sommes les meilleurs. Il est motivé par cette mentalité et ça produit un effet contagieux sur l’équipe.

Je vais vous donner un exemple bien concret à ce sujet. Avant le match contre les Bills, il était question que Sammy Watkins (le receveur) rate la partie et d’autres joueurs représentaient des cas incertains, mais il a utilisé son serment habituel : « Si je pouvais tous les guérir, je le ferais parce que je veux que nous affrontions les meilleurs ». Son discours sonne tellement sincère que ça motive toute l’équipe et on croit en nos moyens. C’est ainsi que nous allons aborder les prochaines parties et si on attaque toujours les matchs de cette façon ainsi, ça va porter fruit.

Questions des internautes

Comme je le ferai à chacune de mes chroniques, je vais répondre avec plaisir à certaines questions des internautes donc ne vous gênez pas pour me laisser vos questions dans la boîte de commentaires.

Question de Miami Hurricanes : Pendant la saison, quel est l'horaire d'une journée typique pour toi tant au niveau des entraînements que des rencontres par position, par unité et avec l’entraîneur ?

On aborde vraiment le calendrier semaine par semaine dans le sens que nous n’avons pas pensé à la semaine actuelle avant de débarquer de l’avion tard dimanche. Alors voici un aperçu de nos tâches quotidiennes.

Lundi : Pour nous, c’est un peu la dernière journée de notre semaine précédente de travail. On revient en avion souvent dans la nuit et on dort un peu plus longtemps le matin. Ensuite, on s’entraîne, on s’étire, on regarde la partie sur vidéo et on retourne à notre domicile. C’est une demi-journée qui débute vers 9 h 30 ou 10 h pour se conclure vers 14 h.

Mardi : C’est notre journée de congé, mais on aborde le tout comme notre première journée de la semaine dans le sens qu’on regarde des vidéos par notre propre initiative, on commence à faire nos devoirs et à travailler sur l’adversaire. Comme la plupart des joueurs, j’en profite pour procéder à un entraînement de musculation. Finalement, on prend le temps de s’organiser dans nos trucs personnels (comme le ménage et le lavage) pour repartir la semaine du bon pied. Laurent Duvernay-Tardif

Mercredi : C’est là que la semaine commence vraiment. Je me lève vers 6 h et je démarre la journée en relaxant un peu dont en prenant un bain chaud. Ensuite, en tant que joueur de ligne offensive, je participe à une réunion avec mes partenaires dès 7 h 15. Après, on enchaîne avec la réunion de l’attaque et celle d’équipe. Ensuite, c’est ce qu’on appelle le walkthrough c’est-à-dire qu’on marche les jeux sur le terrain pour voir quel type de front on affrontera et les appels qu’on devra faire. Bien sûr, c’est propre à chaque adversaire et chaque défense que nous affrontons. Le dîner est la prochaine étape et un autre meeting nous attend après cette pause et on saute ensuite sur le terrain pour un entraînement avec notre équipement qui dure environ 2 h 30. On conclut cette longue journée avec une dernière réunion de 90 minutes et on quitte vers 17 h 30.

Jeudi : C’est une journée très semblable. Tandis que le mercredi sert à assimiler nos concepts offensifs de base pour la partie à venir, on se familiarise avec nos stratégies à la porte des buts (une à deux verges à franchir) lors du jeudi. On en profite également pour pratiquer les situations quand on se retrouve repoussé sur notre zone des buts (0 à 6 verges). Vous comprendrez qu’on veut se sortir de cette zone le plus rapidement possible et on utilise des jeux différents. C’est important d’y arriver parce que notre botteur pourrait se retrouver dans une situation précaire pour dégager et on pourrait risquer d’allouer un touché de sûreté.

Vendredi : C’est un horaire un peu plus léger dans le sens que nous n’avons pas de réunion après l’entraînement. On commence vers 7 h 15 pour finir autour de 14 h ou 15 h.

Samedi : On participe à un autre walkthrough et on voyage ensuite si nécessaire. Sinon, on est libre jusqu’à 17 h ou 18 h alors qu’on doit se rapporter à l’hôtel d’équipe. Pour ceux qui ne le savent pas, on se rend dans un hôtel même quand nous jouons à domicile. D’ailleurs, on participe, en soirée, à une dernière réunion de 19 h à 21 h avant d’aller se coucher pour maximiser l’énergie en prévision du match.

Au début, j’étais un peu surpris d’apprendre qu’on devait aller à l’hôtel même pour les matchs à Kansas City, mais je comprends vraiment plus pourquoi. Si je prends mon exemple personnel, c’est normal de vouloir passer du temps avec la visite qui vient me voir. Mais ça fait toute la différence d’agir ainsi parce que tu mets tout de côté et tu t’en vas un peu en retraite pour penser davantage à ta partie. Cette approche devient encore plus pertinente pour mes coéquipiers qui ont de jeunes enfants. Ça leur permet de relaxer même si ça ajoute malheureusement un peu de pression sur leur femme. Je crois que la majorité des équipes ont adopté cette stratégie.

Question de Mat Fournier : Est-ce que tu as pu constater une grande différence de niveau entre toi et les joueurs issus des universités américaines ou dirais-tu que les niveaux universitaires québécois et américain sont à peu près semblables?

Je répondrais non au niveau des qualités athlétiques, du poids, de la vitesse et de l’agressivité. C’est un peu pour ça que j’ai eu ma chance dans la NFL. Par contre, sur le côté technique, ils en savaient beaucoup plus que moi. Par exemple, il existe une multitude de jeux de pieds qui sont pertinents pour certains types de blocs. De mon côté, j’utilisais un seul type de jeu de pieds. Ils étaient plus diversifiés et leur plus grande expérience du football américain les aidait à mieux anticiper ce qui allait se passer contrairement à moi avec mon bagage de football canadien.

Mais, le fait d’avoir profité d’une semaine de congé m’a permis de mieux assimiler tout cela et je suis plus en contrôle maintenant.

Question d’Alexandre Tampa Bay Phaneuf : Lorsque tu jouais pour les Pirates du Richelieu jouais-tu comme receveur ou ailier défensif et considères-tu que le fait d’avoir joué en défense te procure un avantage quelconque ?

Je jouais à la position d’ailier défensif et oui, ça me confère un avantage parce que tu comprends plus où le joueur défensif veut s’en aller dans sa stratégie. Les mouvements sont vraiment différents et tu peux mieux déceler quand un joueur veut t’attirer d’un côté pour employer une certaine technique. Les joueurs de ligne défensive souhaitent beaucoup déplacer ton centre de gravité pour gagner la confrontation et tu vois plus venir leurs intentions quand tu l’as déjà fait toi-même.

Question d’Alex Barca : En tant qu'athlète « nouveau en ville », est-ce que l'équipe t'a aidé à t'installer à Kansas City? (Ex: te conseiller sur l'achat/location d'un domicile) ou en t’informant/t’initiant par rapport aux grands traits culturels de la ville et les environs?

Laurent Duvernay-TardifJ’ai été passablement surpris au sujet de toute l’aide qui était à notre disposition pour ces sujets. Les Chiefs nous aident à gérer tout ce qui est hors du football pour qu’on se consacre davantage sur notre sport. Je me considère assez autonome comme personne, mais quand tu t’établis dans une nouvelle ville, tu as besoin d’un nouveau permis de conduire, d’un numéro assurance sociale, d’installer le câble et l’électricité… De plus, j’ai décidé de me prendre un appartement non meublé donc ils m’ont aidé en référant à des personnes fiables et des endroits de confiance pour acheter du mobilier. Ils nous suggèrent aussi des courtiers immobiliers quand vient le temps d’acheter une propriété.

Mais ce n’est pas tout, sur le côté culturel, beaucoup d’activités sont prévues et on peut avoir accès à des billets à un prix intéressant pour aller à l’opéra et on reçoit des guides sur les musées les plus pertinents à visiter. Le propriétaire de notre équipe met beaucoup l’accent sur le fait de redonner à la communauté et, comme je vous le mentionnais dans une chronique précédente, on peut s’impliquer dans du bénévolat ou faire du sport avec des jeunes chaque mardi ce qui permet de découvrir le cachet des environs.

Je vous souhaite une excellente semaine et à mardi prochain!

*Propos recueillis par Éric Leblanc