Un adage populaire parmi les joueurs, observateurs et partisans de football américain veut que toute équipe de la NFL peut l’emporter si les dés tombent en place une semaine donnée, et ce, peu importe les résultats obtenus plus tôt durant la saison. Notre dernière sortie n’a pas échappé à cette philosophie, alors que les Raiders d’Oakland, qui n’avaient pas gagné une seule fois après 10 rencontres, nous ont vaincus 24-20 sur leur terrain, mettant ainsi un terme à notre série victorieuse de cinq matchs.

Même si je n’étais pas de la formation partante pour cette rencontre, j’en ai retiré un constat important dont je n’avais peut-être pas saisi l’importance : alors que le nœud de la guerre se trouve souvent dans la préparation en vue d’un affrontement, il est particulièrement difficile d’aborder avec le même souci du détail un match lors d’une semaine écourtée telle que celle que nous avons connue.

Derek CarrÀ peine quatre jours plus tôt, nous étions sortis victorieux de notre face-à-face avec les champions en titre du Super Bowl, les Seahawks de Seattle, à notre domicile. Il faut vivre cette situation pour comprendre à quel point il peut s’avérer hyper exigeant de recentrer ses énergies vers un nouvel adversaire sans réellement avoir eu le temps de décanter.

Au lieu de bénéficier d’un congé et de poursuivre avec trois entraînements intensifs comme le veut notre routine, on a plutôt été confronté à un horaire condensé : la journée de repos habituelle du lundi, suivie d’une demi-pratique le lendemain, et dès le mercredi c'était trop tard pour peaufiner la préparation car on devait déjà voyager en direction de la Californie. Tout cela se passe extrêmement rapidement. Malgré une confiance débordante et un plan de match qu’on croyait simple et efficace, toutes nos belles intentions ont été reléguées aux oubliettes lorsque des Raiders ont commencé le match en trombe devant leurs partisans. Une pluie torrentielle s’est mise à s’abattre sur le terrain et on a été décontenancé. Notre attaque au sol, d’ordinaire notre marque de commerce, a tardé à trouver ses assises, ce qui n’a pas aidé notre cause.

On ne se cherche pas d’excuses, mais il demeure qu’un ensemble de facteurs a contribué à faire en sorte que cette rencontre qui était à notre portée nous a filé entre les doigts.

Des leçons à tirer

Puisqu’il faut inévitablement en retirer du positif, on peut affirmer sans se tromper que des leçons vont être tirées de ce revers. On apprend de nos erreurs et on se dit que lors de nos prochaines sorties, ce devra être nous qui réalisons ces trois à quatre jeux d’une importance capitale qui font balancer l’avantage d’un côté ou de l’autre. Non seulement est-ce une bonne chose de réévaluer certains aspects, mais nous avons également une plus longue période qu’à l’accoutumée (trois congés additionnels, ce qui est pratiquement l’équivalent d’une deuxième semaine de relâche) pour procéder à cette analyse.

Les Broncos de Denver seront nos prochains adversaires, et alors que s’amorce le dernier droit du calendrier régulier, la lutte nous opposant à la troupe de Peyton Manning et aux Chargers de San Diego ne pourrait être plus palpitante. On sent se profiler à l’horizon une bataille de tous les instants pour la tête de la division Ouest de l’AFC. Avec sa victoire dimanche contre les Dolphins de Miami, Denver présente une fiche de 8-3, tandis que nous sommes à leurs trousses à 7-4, le même rendement que San Diego, qui a gagné ses deux derniers matchs.

Dwayne BowePlus besoin à ce point-ci de nous faire un schéma pour nous persuader de l’importance capitale de chaque partie, qui influe drastiquement sur le portrait éliminatoire. Si on n’arrive pas à se motiver à jouer notre meilleur football contre les Broncos, des rivaux de longue date auxquels nous avions livré un bon duel pour finalement nous incliner lors du deuxième match de l’année, alors rien n’y fera!

Justement, nous étions passés à un quatrième essai converti en touché profondément dans leur zone d’envoyer ce premier affrontement en prolongation au mois de septembre. Cette fois, nous avons l’avantage d’évoluer devant nos fabuleux partisans du Arrowhead Stadium, en soirée aux heures de grande écoute de surcroît! Nous savons que nous avons les effectifs pour rivaliser avec les finalistes du dernier Super Bowl, même si le défi est imposant contre une formation aussi bien rodée.

D’un point de vue strictement individuel, c’est la première fois que j’ai à me préparer pour un second match contre un même adversaire. Je m’aperçois que c’est plus facile compte tenu que j’avais déjà étudié les préférences et les tendances des joueurs de leur front défensif. Peut-être est-ce mon côté d’étudiant en médecine qui refait surface, mais j’ai conservé précieusement les notes que j’avais prises avec minutie au sujet des Broncos plus tôt cette saison! Je peux également retourner visionner les séquences vidéo que j’avais mises de côté et que je trouvais pertinentes à étudier. Je me rends aussi compte que ma façon d’analyser le jeu adverse a évolué depuis le début de ma saison recrue, et je dois dire que c’est très encourageant de voir que ça rapporte des dividendes.

Respect et ouverture

L’un de mes coéquipiers, le maraudeur Husain Abdullah, a récemment été le sujet d’un reportage de NFL Films qui traitait de sa conciliation entre le sport professionnel et la religion musulmane, dans laquelle il a grandi et qu’il pratique encore à ce jour avec une grande ferveur. En 2012, ses proches et lui ont pris la décision de s’offrir une année sabbatique et de voyager vers La Mecque afin de se ressourcer. Ses rituels religieux revêtent une grande importance pour lui, et l’organisation l’a accueilli à bras ouverts, sachant qu’il est un individu de qualité et qu’il agit de façon très professionnelle.

Husain AbdullahHusain est l’un de mes cinq coéquipiers des Chiefs qui s’adonnent à l’islam. Mon voisin de casier, le bloqueur Ryan Harris, fait partie de ce groupe après s’y être converti il y a quelques années. Puisqu’il évolue à la même position que moi, il est celui que je connais le mieux sur le plan humain, et je n’hésite pas à lui poser des questions, à démontrer une ouverture envers ses croyances. Je crois sincèrement que la diversité est synonyme de richesse dans plusieurs sphères de la vie, et c’est aussi le cas dans une équipe de football, où se côtoient différentes ethnicités. Personne n’a les mêmes racines, le même cheminement ou les mêmes façons d’aborder une foule de trucs du quotidien, d’où l’importance de faire preuve de curiosité. Après tout, nous passons un nombre incalculable d’heures ensemble, donc c’est la moindre chose d’essayer de nous comprendre entre nous!

Ça fait drôle à dire, mais en tant que « Canadien français » blanc pure laine qui en est à ses premiers pas dans la NFL, je suis pratiquement dans la même position que mes coéquipiers musulmans. En quelque sorte, je viens d’un milieu qui leur est étranger. Pour ces gars-là, mon parcours peut être qualifié d’atypique. Sauf qu’il y a un respect mutuel et un sentiment d’inclusion qui s’est installé, et c’est à mon avis l’un des aspects fascinants d’un vestiaire de football.

Bonne semaine de football à tous et n'hésitez surtout à me faire part de vos questions dans la boîte à commentaires ci-dessous!

*Propos recueillis par Maxime Desroches