L’allure de notre finale d’Association contre les Patriots de la Nouvelle-Angleterre ressemblait très certainement à la première confrontation entre nos deux équipes plus tôt cette saison.

Comme le football est en constante évolution, on ne pouvait se permettre de simplement revenir sur cet affrontement qui remontait à la sixième semaine d’activités (une défaite de 43-40) alors que les deux équipes ont grandement changé depuis ce temps. On s’était surtout concentré dans notre préparation sur leurs quatre derniers matchs, soit ceux les opposant aux Steelers, les Bills, les Jets et évidemment les Chargers en éliminatoires.

On savait qu’on avait manqué notre chance par quelques pouces seulement lors de notre premier duel contre eux et on espérait que le scénario ne se reproduise pas, mais c’est ce qui est arrivé.

Il faut dire que cette finale d’Association aura été un match enlevant, la foule au Arrowhead Stadium était déchaînée et nous avons eu droit à plusieurs moments d’intense suspense avec les nombreuses contestations vidéos qui se jouaient sur quelques millimètres seulement.

Même si j’étais sur les lignes de côté, aux premières loges pour assister à ce duel enlevant, j’étais loin d’agir en tant que spectateur. J’adoptais la même mentalité que si j’avais été en uniforme alors que je me concentrais sur le travail de notre ligne à l’attaque et je tentais d’entrevoir les changements que l’on aurait pu apporter pour contrer leur ligne défensive.

Le stress de la partie lorsque la défense est sur le terrain, je n’avais pas véritablement le temps de le ressentir alors que j’étais concentré sur notre travail offensivement. On tente de se regarder ce qu’on peut contrôler en tant que membre de la ligne à l’attaque, soit notre protection et comment on peut ouvrir des corridors de course pour notre porteur de ballon. Je tentais de déceler les ajustements que l’on pouvait apporter.

Les Chiefs m’ont inséré parmi les joueurs qu’on peut considérer comme actifs, mercredi avant le match, alors que je m’entraînais au sein de l’équipe depuis trois semaines. Cette journée était d’ailleurs la date limite pour procéder à un tel mouvement de personnel. Tout le monde semblait satisfait de ma progression, mais l’équipe avait une décision difficile à prendre en raison des prestations de mon remplaçant qui a bien fait en mon absence.

Les entraîneurs devaient donc décider s’ils conservaient cette recette ou s’ils se tournaient vers moi qui tentais un retour au jeu après s’être blessé lors de la cinquième semaine d’activités. Il est évident que ce n’est pas la blessure qui devient problématique dans une pareille situation, mais plutôt de renouer avec la vitesse déployée dans un match et retrouver ce synchronisme. C’est pourquoi il y a les camps de printemps et les mini-camps avant la saison puisque les joueurs peuvent alors retrouver leur vitesse d’exécution.

Il y avait des avantages et des désavantages à me réinsérer dans la formation pour le match et à la lumière de ma dernière semaine d’entraînement, l’équipe s’est tournée vers un choix sécuritaire en restant avec le joueur qui était en poste depuis ma blessure. Je ne vous cacherai pas que j’étais déçu, mais je comprenais tout à fait la logique derrière cette décision.

Un match en deux temps

Toute la semaine, on avait visionné des vidéos du match opposant les Patriots aux Chargers de Los Angeles. On avait déterminé que les Chargers avaient raté des occasions sur le plan offensif en ne sortant peut-être pas des blocs aussi forts et agressifs qu’ils auraient dû. C’était surtout réactif comme approche et non dominant. Au contraire, nous voulions de notre côté nous imposer, mais c’était difficile en début de rencontre.

La ligne défensive des Pats a apporté plusieurs variantes dans ses schémas pour appliquer de la pression et même si on avait déjà vu ces formations, ils apportaient de légères modifications qui ont fait en sorte que nous avons eu quelques difficultés à nous ajuster en début de match. Ils appliquaient beaucoup de pression au centre de la ligne et nous devions réagir afin de contrer cette tactique, mais je dirais que l’un des points clés de ce match aura été malheureusement notre temps pour s’ajuster à ces différentes formes de pression.

Malgré tout, c’est tout de même impressionnant de voir qu’après nos deux premiers quarts sans point, nous avons rebondi dès le troisième quart avec notre style de football qui nous caractérisait depuis le début de la campagne en attaque. Nous avons joué le football des Chiefs de Kansas City alors que nous avons réussi des jeux explosifs pour traverser le terrain et éventuellement inscrire des touchés.

La première séquence du troisième quart en est un bon exemple alors qu’après une longue passe à Sammy Watkins, Travis Kelce a marqué nos premiers points.

Cette lancée en fin de match explique également notre mentalité et notre déception à la fin de cette finale d’Association, alors qu’on se dit que nous avons été capables de marquer 31 points en une demie contre les Patriots. On s’imaginait simplement comment le scénario aurait pu être différent si nous avions ajouté quelques points au compteur en début de match. 

On dit souvent qu’un match de football se résume en trois ou quatre jeux à la fin et c’est aussi ce qui s’est produit de notre côté. À titre d’exemple, on était à une interception non renversée en raison d’un hors-jeu d’un autre résultat ou encore, de voir Tom Brady convertir trois fois des troisièmes essais et long en prolongation, c’est tout un tour de force qu’il a réalisé. Les statistiques pour les attaques de réussir un tel fait d’armes sont de moins de 30 %, donc on peut y voir tout le mérite qui revient à Brady pour ces jeux.

Des arguments dans les deux camps

Avant d’en arriver là, nous avons assisté à un quatrième quart qui a filé à vive allure et au cours duquel chacune des attaques était en mesure d’assurer la réplique. Il était alors impossible de déterminer quelle formation allait avoir le dernier mot.

Après le placement d’Harrison Butker sur 39 verges pour créer l’égalité en fin de match, cette rencontre, qui s’est transformée en véritable feu d’artifice, devait se conclure en prolongation. Évidemment, en vertu du règlement actuel, dès qu’une équipe marque un touché, la rencontre se termine. On a donc vu les Patriots être très méthodiques et être en mesure de traverser le terrain pour décrocher leur billet pour le Super Bowl. Lorsqu’une telle situation se produit, il n’est pas étonnant de voir le débat sur le règlement entourant la prolongation refaire surface.

J’ai deux approches en ce qui concerne ce dernier. Tout d’abord, je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que le match se « gagne » sur le tirage au sort. Si on regarde les statistiques, les chances que l’attaque parvienne à atteindre la zone des buts en partant sensiblement de sa ligne de 25 ne sont pas en sa faveur. C’est certain que cette formation a un avantage, mais nous avons eu nos chances afin de les arrêter. Je crois qu’il faut ici donner le crédit aux Patriots. La prolongation ne s’est pas jouée sur le tirage au sort, mais bien sur la capacité de Brady à rejoindre ses receveurs dans des moments clés, notamment sur les troisièmes essais comme je l’expliquais plus tôt.

Ceci étant dit, ma compréhension de ce règlement est qu’il est conçu pour éviter que les matchs s’étirent en saison régulière. On sait qu’une rencontre est très difficile sur le plan physique et si un match se retrouve en prolongation au cours de la saison, les équipes impliquées vont pratiquement déjà se retrouver en quelque sorte désavantagées pour la semaine suivante. Je comprends dans une saison de 16 matchs que l’on veut réduire le risque de blessure chez les joueurs en leur demandant de jouer sensiblement un cinquième quart.

Je saisis donc la logique de ce règlement pour la saison régulière. Maintenant, comme les deux finales d’Association ont nécessité la tenue de la prolongation peut-être que la réflexion va être lancée pour voir si lors de ce tour éliminatoire, le règlement ne pourrait pas être modifié comme les gagnants disposent d’une semaine de congé supplémentaire avant le Super Bowl. L’objectif est de réduire le plus possible les facteurs extérieurs qui peuvent venir influencer le cours d’un match, mais peu importe la décision qui sera prise, il n’y aura pas de solution parfaite.

Une saison morte axée sur le football

Il faut donc tourner la page sur cette saison en vue de la prochaine. La réalité de la business fait en sorte que notre équipe va très certainement avoir sa part de changements l’an prochain, mais le noyau de l’équipe devrait être sensiblement le même. Sur le plan offensif, nous avons accompli certains faits d’armes que d’autres équipes n’avaient pas été en mesure de faire au cours de leur histoire cette saison en raison du caractère explosif de notre unité. On va continuer de s’entraîner et de se présenter avec cette même mentalité de vouloir atteindre le match ultime. C’est évident que nous sommes déçus du résultat cette saison, mais quand on regarde le portrait d’ensemble, nous avons déjà hâte pour la prochaine saison et nous croyons pouvoir connaître du succès.

C’est toujours étrange comme sensation cette dernière défaite de la saison, car normalement le lundi matin, je ferais un peu de cardio ou de la réhabilitation pour me préparer en vue du Super Bowl si nous avions gagné. Du jour au lendemain, tu es libre de rentrer au Québec. Par le passé, je prenais quelques semaines de repos afin de soigner des petites blessures qui étaient survenues en cours de saison, mais cette année, j’ai eu cette pause de la semaine 6 à 13 avant que je ne recommence mon entraînement. Je me sens donc en pleine forme et je veux retourner à l’entraînement au plus tôt afin d’être dans les meilleures dispositions possible dès le mini-camp. Je veux avoir un avantage sur le plan de ma préparation cette année et être plus prêt que jamais pour la prochaine saison.

Il n’y aura donc pas de médecine pour moi au cours de cette entre-saison. Je veux prendre le temps d’évaluer mes options et tenter de prendre la meilleure décision possible pour la suite des choses sur ce plan.

Après cinq ans dans la NFL, à devoir conjuguer le football de haut niveau et la médecine, je veux me concentrer sur mon entraînement et véritablement tenter d’être le meilleur joueur de football possible. Il n’y aura donc pas de quart qui risque de se prolonger à l’hôpital ou d’examens à étudier. J’ai toujours été sérieux dans mon entraînement, mais j’y vois cette année une opportunité de me dépasser et de me dévouer à 100 % au football.

Je suis de retour au Québec et je suis bien content d’être auprès de mes proches. La transition a comme toujours été très rapide, mais je suis heureux d’être à nouveau aux côtés de ma famille, de mes amis, car c’est certain qu’en vertu de ma blessure, ils sont moins nombreux à être passés me voir comme lors des années antérieures où ils pouvaient alors assister à l’un de mes matchs.

Même si ma saison est terminée, celle dans la NFL ne l’est pas alors qu’il reste le match ultime. Je vous reviendrai d’ailleurs dans une prochaine chronique afin de mettre la table pour ce Super Bowl LIII entre les Patriots et les Rams de Los Angeles.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant