MONTRÉAL – Maintenant qu’il a obtenu le privilège de disputer des répétitions avec la première unité, Laurent Duvernay-Tardif ne représente définitivement plus un objet de curiosité en provenance du Québec.

En fait, l’étudiant en médecine de l’Université McGill constate qu’il y a un « monde de différences » entre son expérience de sa deuxième saison dans l’univers compétitif de la NFL et celle de son année recrue.

Venant d’une institution peu reconnue pour garnir la NFL d’espoirs intéressants, le joueur de ligne offensive avait dû faire ses preuves et prouver que les Chiefs n’avaient pas gaffé en investissant sur lui un précieux choix de repêchage de sixième ronde.

Après avoir gagné ses épaulettes pendant la saison 2014 en démontrant qu’il pouvait tenir son bout lors des entraînements, Duvernay-Tardif jouit d’une belle confiance de la part des entraîneurs et il a apprécié tous les moments des activités organisées d’équipe (OTA's).

« Tout est différent! En commençant par le fait que je n’avais pas de voiture ni d’appartement l’an passé. La charge de travail est vraiment immense pour les recrues. Chaque jour, les joueurs de première année restent au boulot jusqu’à 18 h tandis que je peux maintenant partir à 15 h », a confié Duvernay-Tardif au RDS.ca peu de temps avant de rentrer au Québec pour une courte période de répit avant le vrai camp d’entraînement.

« Le contexte a aussi changé avec les autres joueurs. Je n’ai plus besoin de forger une relation d’amitié ou de travail. C’est le jour et la nuit. La deuxième année n’est pas plus facile, mais elle plus axée sur le football avec tout le stress évacué pour apprendre à travailler comme un joueur de football professionnel », a poursuivi, avec son éloquence habituelle, le colosse de six pieds cinq pouces et 321 livres.

Durant le calendrier 2014, l’ancien joueur de ligne défensive est venu bien près d’endosser son uniforme à une occasion, mais il a plutôt dû se contenter d’un rôle de spectateur aux vertus d’apprentissage.

Laurent Duvernay-TardifQuelques mois plus tard, à l’aube de la saison 2015, le portrait de la ligne offensive des Chiefs a subi une transformation en profondeur. Au final, uniquement un ou deux partants de la saison dernière pourraient conserver leur poste. Ce contexte a incité les entraîneurs à continuer de miser sur le Québécois de 24 ans qui a adoré protéger Alex Smith et ouvrir la voie à Jamaal Charles en s’entraînant avec le premier groupe.

« Andy Reid (l’entraîneur-chef) et l’entraîneur de la ligne offensive (Andy Heck) avaient dit dès le début qu’ils voulaient essayer plusieurs combinaisons. Ils ont bougé des joueurs de la première à la deuxième équipe constamment. J’ai eu ma chance avec la 1re unité à quelques reprises et ça s’est bien passé », a expliqué celui qui s’entraîne comme garde à droite et garde à gauche.

« Peu importe avec quelle unité tu te retrouves, tu ne veux jamais commettre d’erreur parce que tu sais que chaque répétition est évaluée. Mais c’est vrai que c’est un peu plus stressant quand tu es avec Jamaal Charles, Alex Smith et compagnie », a-t-il admis.

Tout au long des dernières semaines d’entraînement, l’organisation des Chiefs s’est assurée de maintenir le plus haut niveau de compétition possible pour la névralgique ligne offensive. En fait, Duvernay-Tardif a aperçu une panoplie de joueurs être retranchés pendant que d’autres faisaient leur arrivée.

À travers ce va-et-vient, le numéro 76 des Chiefs a démontré de la stabilité et il s’est attiré des compliments de Coach Reid, mais il refuse de s’emballer.

« C’est certain que c’est encourageant, mais je reste réaliste parce que je veux demeurer terre à terre. C’est plaisant les encouragements, mais quand je reviens chez moi le soir, je sais si ça s’est bien passé et combien d’erreurs j’ai pu commettre », a répondu Duvernay-Tardif qui a pu s’attarder sur les nuances de sa profession étant donné que le cahier de jeux est ancré dans sa tête.

Avec toute l’importance qui est accordée aux détails dans la NFL, on aurait pu croire que les entraîneurs se faisaient un devoir de procéder à un bilan occasionnel avec leurs protégés, mais c’est loin d’être le cas.

« Il n’y en a jamais. C’est quelque chose qui m’a marqué en arrivant dans la NFL parce qu’en médecine, on obtient tout le temps des commentaires sur notre travail. Je me souviens même que l’an dernier en plein milieu de la saison, je voulais aller demander à l’entraîneur comment il trouvait que ça se passait étant donné qu’on ne me disait rien », a raconté le futur médecin.

« Je présume que ça doit être l’une des responsabilités d’un athlète professionnel de s’auto-évaluer et s'auto-critiquer. Dans le fond, tu le vois un peu par ce qui arrive aux autres qui sont retranchés ou qui arrivent. Tant que ce n’est pas toi qui quitte, j’imagine que ça veut dire que tu fais le travail », a avoué Duvernay-Tardif avec une dose d’étonnement.

Ainsi, ce n’est pas étonnant que l’ancien du Collège André-Grasset ne puisse pas déterminer exactement où il se situe dans la hiérarchie de la ligne offensive des Chiefs.

« C’est tellement difficile à dire. Il y a beaucoup de compétition cette année et ça se déterminera au camp d’entraînement où les répétitions seront cruciales. Je vois un peu l’étape qu’on vient de compléter comme les qualifications en Formule Un : ça permet de placer tout le monde dans le bon ordre pour le début de la vraie étape », a imagé le sympathique gaillard.

Voilà pourquoi Duvernay-Tardif s’assure de garder aussi loin que possible dans sa tête la pensée selon laquelle il pourrait se retrouver dans la formation active pour la première fois de sa carrière.

« Je n’y pense pas trop, la saison est encore loin. Je suis beaucoup plus proche de ce rêve que je ne l’étais l’année dernière à la même date, mais je suis conscient que j’ai encore beaucoup de travail à faire », a reconnu celui qui a notamment attiré les regards des équipes de la NFL avec une journée de démonstration organisée par son agent Sasha Ghavami.

De retour à Montréal, Duvernay-Tardif profitera d’une dizaine de jours de congé plus que mérités avant de remettre son sarrau d’étudiant pour un mois en chirurgie orthopédique, l’un de ses domaines préférés de la médecine.

Duvernay-Tardif savourera grandement ses courtes vacances puisqu’il n’a pas été en congé depuis la semaine de pause des Chiefs la saison dernière en octobre. Une fois que le calendrier des hommes d’Andy Reid s'était conclu, le Québécois avait repris le chemin du Québec pour retourner sur les bancs d’école trois jours plus tard.

Avec de tels efforts, il ne lui reste qu'environ six mois dans la peau d’un élève pour hériter du statut de médecin. Ceci dit, le poste qui l’intéresse le plus présentement demeure celui au sein de la ligne offensive des Chiefs où il continue de passer les examens avec succès.