MONTRÉAL – Un athlète qui est en avance sur ses plans de retraite, ce n’est pas tous les jours que ça survient. Le Québécois Louis-Philippe Ladouceur se classe parmi les exceptions pour ceci et ses performances sur le terrain également.

En septembre 2010, le membre des Cowboys de Dallas avait investi en faisant l’acquisition de terrains pour bâtir une trentaine de maisons lorsque serait venu le moment d’accrocher ses crampons.

Mais Ladouceur n’avait jamais imaginé que sa carrière allait se poursuivre aussi longtemps pour franchir la douzaine de saisons dans la très compétitive NFL. Résultat : l’entreprise de Ladouceur a presque terminé la construction des maisons si bien qu’il devra se trouver de nouveaux projets quand il penchera vers la retraite.

« Quand j’ai acheté, je ne pensais jamais que ma carrière de football allait se rendre jusqu’en 2016 et plus », a raconté Ladouceur en riant de la chose.

« Je prévoyais que ce soit ma transition après le football. J’envisageais me lancer là-dedans après ma carrière et non dans les dernières années de celle-ci! »

En fin de compte, cette histoire comporte nettement plus de positif que de négatif. Certes, Ladouceur devra peut-être se creuser la tête pour occuper ses journées, mais il est devenu un très bel exemple de longévité et son investissement a fructifié alors que le marché immobilier a repris de la vigueur dans la région Fort Worth, au Texas.

Puisque le camp d’entraînement a pris son envol, Ladouceur a rangé son chapeau d’entrepreneur pour remettre son casque de spécialiste des longues remises. Il entamera, le 11 septembre, sa 12e saison dans la NFL lors d’une confrontation contre les éternels rivaux, les Giants de New York.

Quand on sait que la durée moyenne d’une carrière tourne autour de trois saisons, cet accomplissement a de quoi impressionner. Il surpasse notamment les neuf saisons de Jean-Philippe Darche qui a aussi été une référence en la matière. Mais le plus épatant n’est pas là, il se trouve plutôt dans son rendement sur le terrain.

Louis-Philippe LadouceurParfait, Ladouceur est tout simplement parfait depuis le début de sa carrière. Le mot n’est pas trop fort puisqu’il n’a jamais raté une remise. Petit avertissement ici, les statistiques suivantes ne sont pas erronées.

On parle de 772 remises parfaites sur des bottés de dégagement, 339 remises parfaites sur des placements et 475 remises parfaites sur les convertis (total de 1586 remises).

Très humble dans son travail, Ladouceur est loin de se péter les bretelles pour ça. Bien au contraire, il s’empresse de souligner l’apport de ses proches dans ce métier qui exige une grande précision.

« Je suis fier de mes accomplissements, mais tu ne joues pas dans la NFL pendant 12 ans seulement par toi-même. Il y a du monde qui t’a aidé, je pense à ma femme, ma famille et mes enfants. Je suis fier de ma longue carrière, mais plus de l’homme que le football m’a permis de devenir. Je suis aussi content de pouvoir procurer aux personnes autour de moi un meilleur avenir », a exprimé Ladouceur en pensant à l’éducation future de son fils de 20 mois et sa fille de 3 ans et demi.

Sa constance lui a permis de s’accrocher à son rôle avec les Cowboys qui l’avaient récupéré après un essai infructueux avec les Saints de La Nouvelle-Orléans.

« C’est certain que je suis fier d’avoir joué aussi longtemps, je suis l’un des plus vieux de l’équipe », a convenu Ladouceur qui est seulement plus jeune que nul autre que Tony Romo (36 ans).

Les camps d’entraînement ont bien changé en 12 ans

Jusqu’au 17 août, Ladouceur et ses coéquipiers se retrouvent à Oxnard (au nord-ouest de Los Angeles, en Californie) pour le camp d’entraînement des Cowboys. Quand il replonge dans ses souvenirs, il constate que les temps ont bien changé depuis ses débuts.

« Quand j’ai commencé, on faisait deux entraînements par jour pendant dix jours de suite. Ça n’arrive plus. Par la suite, on alternait avec une journée de deux entraînements et un seul le lendemain. Depuis quatre ou cinq ans, on ne fait jamais plus d’une pratique avec équipement par jour. De plus, on obtient une journée complète de congé tous les quatre jours », a-t-il décrit dans un généreux entretien avec le RDS.ca.

En tant que l’un des plus vieux joueurs, Ladouceur se réjouit de ces modifications.

« Pour un vétéran de 12 ans, c’est positif d’avoir un congé tous les quatre jours », lance-t-il en souriant. « J’aime bien jouer au golf donc ça me permet de le faire. » Louis-Philippe Ladouceur

Par contre, il émet certains doutes sur cette approche.

« Pour un jeune qui essaie de gagner un emploi, c’est de plus en plus difficile avec moins de temps pour se faire valoir. Si les jeunes ne peuvent pas percer, je me questionne sur la place que la relève se taillera. C’est devenu bien difficile de dénicher un emploi », a soupesé le colosse de six pieds cinq pouces et 256 livres.

Ce camp d’entraînement, tenu sous le chaud soleil de la Californie, vise à effacer les mauvais souvenirs de 2015. Menottés par la perte de Romo, les Cowboys n’ont pu faire mieux qu’un piètre dossier de 4-12.

L’appétit de leurs nombreux partisans n’a pas été rassasié et les attentes sont, de toute façon, toujours très élevées envers les Cowboys. Expérimenté, Ladouceur demeure prudent dans ses prévisions.

« Quand on parle de football professionnel, on se limite à une semaine à la fois. Bien sûr, on voudrait accomplir tous les gros objectifs comme le championnat de division et le Super Bowl, mais on a appris à ne pas voir plus loin que ça surtout avec toutes les blessures subies par nos joueurs dans les dernières années », a exprimé celui dont le salaire annuel dépasse maintenant le million grâce à son ancienneté et ses prestations.

« Mais on a une très bonne équipe avec un solide noyau de joueurs et des entraîneurs qui mènent bien le groupe. Je pense que les jeunes vont bien suivre notre exemple, c’est important », a ajouté Ladouceur.

Au plus récent repêchage, les Cowboys ont sélectionné, dès le quatrième rang, le talentueux porteur de ballon, Ezekiel Elliott. Cet ajout pourrait s’avérer payant aussitôt que cette saison. Par contre, Elliott devrait rater le premier match préparatoire, samedi contre les Rams.
« Il s’est blessé donc on ne l’a pas trop vu sur le terrain. C’est un christie de bon joueur, c’est évident, mais il a besoin de s’entraîner », commenté le numéro le numéro 91.

Du plaisir et encore du plaisir

Certains athlètes affirment parfois qu’ils ont éprouvé moins de plaisir dans l’univers professionnel du sport. Ladouceur n’appartient pas à cette catégorie.

Louis-Philippe Ladouceur« Je pense que tu as beaucoup plus de fun dans la NFL, je parle de mon expérience personnelle. C’est plus gros, tu joues à la télévision nationale et c’est le sport le plus suivi aux États-Unis. Pour l’ampleur du sport, c’est plus amusant, sauf que ça va toujours rester de la business, c’est comme ça. Tous les joueurs ont un agent et de l’argent est impliqué. Mais j’essaie de ne pas trop voir les choses de cette façon », a décrit l’ancien du CÉGEP John Abbott.

« Les gars qui jouent longtemps, ce n’est pas pour le côté financier, c’est pour le plaisir que tu en retires. Je pense que c’est pour ça que j’ai pu jouer aussi longtemps. J’aime ça être avec les gars, niaiser avec eux, m’entraîner avec eux… On est dans le même bateau et on s’entraide, c’est ça qui est plaisant. »

En entendant ce discours, il n’est pas étonnant de savoir que Ladouceur restera associé au football d’une manière ou d’une autre.

« Je vais certainement prendre une pause quand je vais me retirer, mais le football sera toujours dans ma vie. Ce serait difficile d’arrêter, ça fait tellement d’années que je suis dans ce sport. Je vais toujours garder ça dans mon cœur, il faut que je fasse du foot à quelque part », a noté Ladouceur qui pourrait s’impliquer dans l’enseignement ou des camps de football.

Établi aux États-Unis depuis plus de 15 ans, il n’est pas le visage le plus connu du football au Québec, mais il a bien l’intention de ne pas se faire oublier en venant aider comme il le pourra. En attendant, il partage ses connaissances avec les jeunes de son pays d’adoption qui est celui de sa conjointe.

« Avec la famille, ce serait difficile de venir s’impliquer au Québec, mais ce serait bien de faire quelque chose. Je suis encore impliqué avec mon CÉGEP (John Abbott), j’y vais une ou deux fois par année. Malheureusement, je ne peux pas aller les voir jouer parce que leurs matchs ont lieu durant notre saison. Ma dernière de football au Québec en 1999, ça fait bien longtemps ! », a conclu Ladouceur sans oublier ses origines.