Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’offre ne manquera pas pour le maniaque de football à compter de cette semaine, alors que le coup d’envoi de la NFL sera donné. Toutes les ligues seront désormais mises en marche, de la LCF aux rangs universitaires américains en passant par le circuit universitaire canadien. Pour bon nombre d’amateurs, toutefois, l’inauguration de la nouvelle saison dans le circuit Goodell sera véritablement la cerise sur le gâteau.

Et le tout s’amorce ce jeudi (20 h 30, RDS) alors que les Steelers de Pittsburgh visiteront Foxborough pour s’y mesurer aux Patriots de la Nouvelle-Angleterre à heure de grande écoute. C’est vraiment une belle tradition qu’a instaurée la NFL depuis 2002, celle de démarrer sur les chapeaux de roue avec un match entre deux clubs chouchoux du public, et télédiffusé à l’échelle nationale. C’est un événement spécial pour le lancement du calendrier, et plus souvent qu’autrement, ça donne droit à un excellent spectacle.

La tradition veut que la formation gagnante du Super Bowl précédent dispute ce match à domicile. Depuis l’instauration de cette formule, les résultats ont été probants pour l’équipe locale, qui affiche un dossier cumulatif de 11 victoires et seulement 2 revers lors des 13 premières éditions. Rappelons-nous, la confrontation de l’an dernier entre les Seahawks de Seattle et les Packers de Green Bay avait été grandement à l’avantage des champions en titre, qui avaient dominé de larges portions de la rencontre, en route vers un gain de 36-16.

Déjà, tu es favorisé en évoluant dans ton environnement, mais en rajoutant la variable des célébrations et le dévoilement de la bannière de championnat, la foule et les joueurs sont d’autant plus survoltés. Ça devient très complexe pour les visiteurs de laisser passer la tempête, tandis que les locaux prennent d’assaut le terrain.

Pour les Pats, c’est une quatrième présence dans ce tout premier match de la saison. Chaque fois, les hommes de Bill Belichick ont savouré la victoire.

L’historique récent des duels entre la Nouvelle-Angleterre et Pittsburgh n’augure rien de bon pour les représentants de la ville de l’acier. À leur dernier passage au Gillette Stadium, le 3 novembre 2013, les Steelers avaient été démolis 55-31. Ça s’était avéré l’une pires performances défensives de l’histoire de l’organisation.

Nul besoin de préciser que les mordus de football offensif avaient été servis : Tom Brady et les Pats avaient accumulé 610 verges d’attaque, les Steelers 479. Tant Brady que Ben Roethlisberger avaient dépassé la marque des 400 verges par la voie des airs et lancé quatre passes de touché, mais ce dernier avait aussi été victime de deux interceptions. Pas étonnant d’apprendre que Rob Gronkowski avait été le receveur le plus dominant de cette partie, avec une récolte de neuf attrapés pour 143 verges et un majeur.

Une défense inexpérimentée

Rob Gronkowski et Ben RoethlisbergerOn a tous hâte de voir comment la jeune unité défensive des Steelers va réagir à cette lourde commande. Le vénérable Dick LeBeau a cédé sa place de coordonnateur défensif et déménagé au Tennessee. C’est désormais Keith Butler, anciennement instructeur des secondeurs, qui s’occupera de la défense, un groupe qui ne comptera plus sur les services des vétérans Brett Keisel (la barbe), Troy Polamalu (les cheveux) et Ike Taylor, tous trois partis à la retraite. Cette cure de rajeunissement doit inévitablement amener un changement de mentalité. Souvent, on essaie d’en mettre moins dans l’assiette d’un jeune groupe de joueurs, et c’est ainsi qu’on doit procéder avec eux.

J’ai l’impression qu’on aura un livre de jeux moins élaboré et moins complexe que par le passé, et qu'on va plutôt miser sur la rapidité et les qualités athlétiques de chacun. « Réagir et jouer vite! » Lorsqu’on y songe, c’est un peu la philosophie qu’appliquent les Seahawks depuis quelques saisons. Leur livre de jeux n’a rien de bien sorcier, mais ce qu’ils font, ils le font extrêmement bien. Impossible de jouer vite lorsque tu te mets à trop réfléchir, et c’est dans cette optique que les Steelers auraient intérêt à adopter cette école de pensée.

L’un de leurs problèmes les plus apparents depuis quelques saisons est la position de secondeur intérieur. Ils misent sur Arthur Moates et sur l’infatigable James Harrison (est-il tombé dans la fontaine de Jouvence celui-là?), mais il me semble clair que Jarvis Jones devra produire l’impact qu’on attend de lui en 2015. Quant au choix de premier tour en avril dernier Bud Dupree, laissons-lui le temps de s’ajuster au calibre professionnel, même si on espère qu’il saura contribuer d’une façon ou d’une autre.

C’est d’autant plus important que les secondeurs produisent car la tertiaire est d’une grande fragilité. L’une des façons de masquer les lacunes d’une tertiaire, c’est d’appliquer une pression soutenue sur le quart.

L’énigme Gronk

Le premier problème potentiel lorsqu’on évalue l’opposition de jeudi, c’est bien entendu Gronkowski, qui doit être ralenti. À ses trois matchs en carrière face aux Steelers, l’ailier rapproché format géant a connu des soirées de cinq attrapés, 72 verges et trois touchés et de sept attrapés pour 94 verges, en plus du plus récent dont je vous ai déjà parlé. C’est clair qu’on n’a jamais été en mesure de solutionner l’énigme Gronk, et c’est facile à comprendre.

Avec le no 87 des Pats, c’est bien simple. Il ne faut pas le laisser décoller librement de la ligne d’engagement. Il faut à tout le moins essayer de casser le rythme au début du jeu, et ainsi nuire autant soit peu à son synchronisme avec Brady. Il est tellement un joueur d’énergie que lorsqu’il réussit un gros jeu, la foule est en délire et il énergise tous ses coéquipiers.

On aura beau vouloir le maîtriser, il reste que Gronkowski est une bête qui possède toutes les qualités voulues chez un receveur, c’est-à-dire gros, rapide, mobile et possédant d’excellentes mains. Le casse-tête sera toujours le même : si on fait le choix de le couvrir avec un joueur possédant un bon gabarit, il manquera de rapidité pour le suivre pas à pas. Inversement, un marchand de vitesse perdra au change à tout coup dans la bataille physique avec Gronk.

Contre Brady, la pression doit à tout prix provenir de l’intérieur. Le vétéran est un quart-arrière de pochette, qui demeure derrière son centre et qui cherche à compléter son geste de passe en avançant vers l’avant. Ça devient encore plus primordial de planifier de passer au centre lorsqu’on considère que l’intérieur de la ligne à l’attaque des Pats a énormément à prouver, surtout que la présence de Bryan Stork est très incertaine au moment d’écrire ces lignes.

Si je peux me permettre une parenthèse, c'est d'ailleurs à souhaiter que Belichick pourra sortir un autre lapin de son chapeau, car l’intérieur des fronts défensifs dans l’AFC Est est absolument terrifiant!

Les Dolphins de Miami lui présenteront une menace constituée de Cameron Wake, Ndamukong Suh et Olivier Vernon pour ne nommer que ceux-là. Chez les Jets de New York, Muhammed Wilkerson, la recrue Leonard Williams et Sheldon Richardson seront affamés et prêts à causer leur lot de dommages. Et à Buffalo, rien de moins qu’un quatuor composé de Mario Williams, Kyle Williams, Jerry Hughes et Marcel Dareus. La ligne à l’attaque des Pats n’a qu’à bien se tenir car elle sera mise à rude épreuve dans les matchs intra-division.

Je vous disais que le meilleur endroit pour attaquer Brady est le centre de la pochette? Cela tombe bien, car c’est l’endroit où évolue Suh, fort possiblement le meilleur plaqueur défensif du circuit. On connaît sa réputation, celle d’un gars intimidant, robuste, qui joue jusqu’à l’écho du sifflet. Si j’étais quart dans cette division, je ne serais pas très joyeux de cette signature!

Sans Bell, Bryant et Pouncey

Maurkice Pouncey et Antonio BrownIl fut un temps où on croyait que les Patriots allaient être l’équipe la plus affectée par les suspensions et autres absences, mais finalement, après le renversement de la décision dans le dossier Brady, seul le porteur de ballon LeGarrette Blount ratera à coup sûr cette rencontre. Chez les Steelers, c’est en attaque que les dommages sont plus perceptibles. L’explosif Le’Veon Bell n’y sera pas, tout comme le jeune et rapide receveur Martavis Bryant. Et en plus, on sera privé des services du centre offensif vedette Maurkice Pouncey. On devra donc se débrouiller sans des éléments cruciaux.

Contrairement à Bell, qui est un rouage important dans chaque facette de l’attaque de Todd Haley, Blount n’est qu’un morceau parmi d’autres dans l’équation. Il est particulièrement efficace sur les passes pièges, un jeu que les Steelers affectionnent.

Pouncey avait aussi son grain de sel à mettre sur ses jeux, car ses habiletés athlétiques lui permettaient de se déplacer et d’ouvrir le chemin. Son remplaçant Cody Wallace est un joueur d’expérience, et la bonne nouvelle à travers tout cela s’il en existe une, c’est que la blessure de Pouncey est survenue au début du camp d’entraînement. On a eu amplement de temps pour figurer comment diminuer les répercussions de son absence. Avec Mike Munchak en charge de la ligne à l’attaque, il y a lieu de croire que les Steelers s’en sortiront sans trop souffrir.

Quant à Bryant, on sentait l’an dernier qu’il prenait de plus en plus de place alors qu’on surveillait étroitement Antonio Brown.

Du côté des Pats, la tertiaire est aussi une interrogation qui demeure entière. On a laissé partir un quatuor de joueurs, soit Darrelle Revis, Brandon Browner, Alfonzo Dennard et Kyle Arrington. Les jeunes vont faire leur entrée en scène avec quelques joueurs autonomes amenés ici et là. Il y a de quoi se demander qui suivra Brown. Peut-être est-ce que ce sera Malcolm Butler, le héros du dernier Super Bowl? Chose certaine, il sera gonflé à bloc. N’empêche qu’il existe un monde de différences entre le mandat d’un demi de coin no 1 et celui de joueur de profondeur appelé à disputer 20 % des jeux. La marche est haute, disons-le!

Puisque c’est le front défensif qui est la principale force des Pats et que les Steelers doivent s’en remettre à DeAngelo Williams dans le champ-arrière – un joueur correct sans plus –,  j’ai hâte de voir le plan de match des visiteurs.

Même sans Bryant, le groupe de receveurs demeure solide. Roethlisberger est aussi une arme redoutable avec sa mobilité et sa capacité d’étirer les jeux de passe. Si j’étais les Steelers, je forcerais jeudi les Patriots à puiser dans leurs réserves aux positions de demi défensif en leur montrant plusieurs formations à trois ou quatre receveurs. Cela servirait à tester les petits nouveaux et la profondeur dans la tertiaire. Jusqu’à preuve du contraire, c’est leur faiblesse la plus frappante.

Bon début de saison à tous!

* Propos recueillis par Maxime Desroches