WASHINGTON - Samedi, Joe Paterno, alias « JoePa », 84 ans, était encore l'entraîneur mythique des footballeurs américains de l'Université Penn State, auréolé de deux titres nationaux. Empêtré depuis dans un scandale de pédophilie, il vient d'être renvoyé de son poste, à la fureur des étudiants.

L'affaire fait depuis ce week-end la une, tous les jours, des journaux américains, avec une médiatisation à la hauteur de l'homme, une légende du football universitaire américain, lui-même très populaire dans un pays où le sport est un ascenseur social autant qu'une business.

« Si Penn State était l'Église catholique, Paterno serait le Saint-Siège », écrivait mercredi le New York Times.

« JoePa », inamovible entraîneur depuis 46 ans, présent dans l'encadrement de l'équipe des Nittany Lions depuis 62 ans, s'est retrouvé au centre d'une affaire de pédophilie dont il n'est pas l'accusé, mais dont il est tenu moralement responsable.

Samedi, Jerry Sandusky, 66 ans, qui fut pendant 33 ans son assistant, a été inculpé d'agression sexuelle sur huit mineurs, entre 1994 et 2009. Les agressions se seraient déroulées dans les douches de l'équipe ou pendant les déplacements sportifs.

Un jeune moniteur, surprenant Jerry Sandusky agressant un enfant en 2002, s'en était ouvert à M. Paterno qui lui-même en avait parlé au responsable des sports de l'université. Puis, plus rien, ce que lui ont reproché l'opinion publique et les médias.

Des têtes sont tombées. Le responsable des sports et le vice-président de cette université très cotée (95 000 étudiants) ont démissionné, après leur inculpation pour non-dénonciation de crime.

Sous la pression, Joe Paterno lui-même avait annoncé sa démission mercredi pour la fin de la saison 2011-2012 avant d'être un peu plus tard purement et simplement renvoyé par le conseil d'administration de l'université, qui a également limogé son président.

La décision a été suivie de véritables échauffourées sur le campus de State College. Des centaines d'étudiants criant « Nous voulons Joe! » se sont affrontés à la police anti-émeutes, renversant le camion d'une chaîne de télévision. Un photographe a été légèrement blessé.

Joe Paterno est une personnalité de légende dont la silhouette était célèbre sur les bords de terrain.

Le regard abrité par des lunettes épaisses, toujours vêtu d'un blouson bleu marine, Paterno a un faux air de Joe Pesci, l'acteur qui joue les mafieux dans les films de Martin Scorsese. Comme lui d'origine italienne, catholique, il a étudié à l'université mais a choisi de devenir entraîneur, en 1950.

Et il a accumulé les records. Il est « l'entraîneur qui a le plus gagné de matchs de toute l'histoire du football universitaire », affirme sa biographie sur le site des Nittany Lions, le premier à être parvenu au chiffre de 400 victoires dans une carrière (409 à ce jour), le seul à avoir remporté le grand chelem des trophées universitaires.

Récipiendaire de dizaines de récompenses en tant qu'entraîneur, il a permis à son université d'engranger des dizaines de millions de dollars. Il a lui-même offert 4 millions de dollars pour des bourses scolaires.

Paterno a « toujours tenu à ce que ses joueurs aillent en cours, et étudient, ajoute le site des Nittany Lions, il disait que le succès d'une équipe ne se comptait pas à ses victoires, mais au nombre de citoyens responsables qu'elle formait ».

Samedi, les Nittany Lions rencontrent à domicile les Cornhuskers Nebraska. Nos « pensées seront ailleurs », disait un blogueur mercredi soir.