Premièrement, je ne suis pas du tout surpris de la tournure des événements dans le cas de Quincy Carter. J'ai eu la chance de l'observer à l'entraînement et dès les premiers instants, j'étais convaincu qu'il ne faisait pas le poids. Il n'était pas supérieur à Nealon Green ni à Marcus Brady. Cependant, je ne m'attendais pas à ce que Carter quitte aussi rapidement le camp. Toutefois, il ne faut pas être étonné qu'il n'ait pas réussi à obtenir le poste de substitut à Anthony Calvillo.

Pourtant, la présence de Carter a beaucoup fait jaser. Il a évolué dans la Ligue nationale de football avec les Cowboys de Dallas et les Jets de New York et il a connu une brillante carrière dans les rangs universitaires avec l'Université de la Georgie. Plusieurs personnes ont cependant oublié qu'il n'avait pas joué depuis environ un an et demi et qu'il y a des raisons pour lesquelles ce type n'évolue plus dans la NFL.

Je m'explique. Terrell Owens est peut-être l'athlète le plus détestable, mais il est dominant sur un terrain de football. Les équipes seront toujours tentées de lui faire une offre, car il est en mesure de faire la différence. Dans le cas de Carter, il faut savoir lire entre les lignes. Il n'est pas le genre de joueur capable de transporter une équipe sur ses épaules.

Carter possède la réputation de prendre de mauvaises décisions et de ne pas compléter ses passes. Un rapide coup d'œil à ses statistiques dans la NFL prouve exactement ce qui est dit à son sujet. En 2003, alors qu'il a débuté les 16 rencontres des Cowboys de Dallas, Carter a lancé plus d'interceptions que de passes de touché en plus de ne compléter que 58 % de ses passes. Le célèbre entraîneur Bill Parcells dit : « tu es ce que tu es », et cela s'applique parfaitement à Carter. En quatre saisons dans la NFL, il y en a trois où il s'est plus intercepté qu'il n'a réussi de passes de touché.

Je sais que cette facette de son jeu lui a fait mal au camp des Alouettes. Lors des entraînements, tous les jeux pratiqués sont notés par le personnel d'entraîneurs de l'équipe. Parmi, les quatre quarts présents au camp, Carter est celui qui avait les moins bonnes notes. Visiblement, ses habitudes n'ont pas changé. Dans les faits, tu ne peux demander à Carter, qui a complété 56 % de ses passes en carrière, de hausser ce niveau à 70 % du jour au lendemain.

L'expérience Carter peut servir de leçon à tous ceux qui croient que c'est facile dans la Ligue canadienne de football. La LCF est une ligue de passeurs alors que la NFL est une ligue de porteurs de ballon. Je ne veux rien enlever aux quarts qui évoluent dans la NFL, car ils demeurent les joueurs les plus importants sur le terrain, mais la LCF, c'est trois essais. Les quarts de la LCF passent davantage et ils ont beaucoup plus des responsabilités. Ce sont eux qui choisissent les jeux, les changent et qui improvisent lorsque le besoin s'en fait sentir. Un gars comme Doug Flutie s'est bien adapté au style de jeu de la LCF, car il a compris et assimilé ces responsabilités.

Des différences bien réelles

Et n'allez pas croire qu'il n'y a pas de différences, car il y en a. Le terrain est plus long de 10 verges et plus large de 12. Le quart doit posséder un puissant bras, même pour effectuer de courtes passes. Les défensives sont également plus exotiques dans la LCF. Les entraîneurs ne craignent pas d'essayer de nouvelles choses. La LCF est comme un laboratoire où est mené toute une série d'expériences. Il faut également savoir que dans la NFL, le quart possède 40 secondes pour préparer son jeu alors qu'il n'en a que 20 dans la LCF. De plus, la majorité des quarts qui évoluent dans la LCF ne reçoivent pas les directives vocales de leurs entraîneurs, car il n'y a pas d'écouteur dans les casques. Il existe toutefois un système de signaux qui permet la communication. Dans la LCF, il faut être en mesure d'anticiper à tout moment et de changer rapidement les jeux en cas de besoin.

Si vous prenez un quart comme Peyton Manning, probablement un des trois meilleurs joueurs de la NFL à sa position, il est devenu un meilleur passeur le jour où Edgerrin James s'est amené avec les Colts d'Indianapolis. La preuve, c'est que les équipes qui affrontaient les Colts avaient comme objectif d'arrêter James en premier pour ensuite mettre de la pression sur Manning. Dan Marino, facilement le meilleur passeur à l'état pur dans l'histoire de la NFL, n'est jamais arrivé à remporter un Super Bowl. Tout reposait sur lui, il n'a jamais eu d'attaque au sol pour le soutenir.

Vous pouvez également inclure Ben Roethlisburger des Steelers de Pittsburgh dans ce groupe. Il n'a complété que neuf passes (42%) pour des gains de 123 verges lors du dernier Super Bowl. Il a même réussi à obtenir une cote d'efficacité plus basse que son âge! Un quart qui joue de cette façon dans la LCF ne pourrait jamais gagner un championnat. Ce dernier exemple illustre que vous n'avez pas besoin d'être un passeur exceptionnel pour remporter le Super Bowl. Appuyé par Willy Parker et Jerome Bettis, Roethlisburger n'a pas eu à effectuer des passes continuellement.

L'attaque entre bonnes mains

Si Anthony Calvillo ne se blesse pas, rien ne va changer chez les Alouettes. Calvillo est le quart numéro un de cette équipe et Don Matthews ne voudra jamais mettre en péril une victoire dans le but de faire jouer son deuxième quart. Dans son livre, tant que la victoire n'est pas assurée, il va toujours utiliser les meilleurs éléments disponibles. Cette philosophie suscite de vives discussions, mais rien ne va changer tant que Matthews sera à la barre de l'équipe.

Par contre, si Calvillo se blesse, la zone de confort des Alouettes sera beaucoup plus grande. Green et Brady possèdent beaucoup d'expérience. Green a d'ailleurs été partant avec Toronto, Edmonton et la Saskatchewan. La marche entre Calvillo et Ted White était grande, celle entre Calvillo et Green et/ou Brady sera beaucoup plus petite. Bref, les Alouettes n'appuieront pas sur le bouton panique si Calvillo venait à tomber au combat. Le système offensif est bien implanté et personne ne sera pris au dépourvu.

Ce que je trouve intéressant dans le cas de Green, c'est qu'il n'a seulement que 30 ans. Pour la première fois de sa carrière, il va se retrouver derrière un quart d'expérience. Il va avoir la chance d'apprendre la préparation mentale, la façon de décortiquer le jeu en regardant aller Calvillo. Green est jeune et est en superbe forme. Il a encore beaucoup d'années de football en avant de lui. J'espère qu'il va être en mesure de saisir cette chance unique qui s'offre à lui.

Des signes encourageants

Comme vous le savez très bien, le problème des Alouettes, l'an dernier, c'était la défensive. Jim Popp a fait ses devoirs et la formation montréalaise ne devrait pas revivre les cauchemars de la saison dernière. Crise d'identité, stratégie continuellement modifiée ne seront plus à l'ordre du jour. Les autres équipes savent que Matthews aime utiliser la pression, mais cette saison, cette pression sera davantage subtile et moins prévisible.

En terminant, j'ai bien aimé ce que j'ai vu de Davis Sanchez. Il semble complètement remis de sa blessure. Sanchez, un Canadien, évolue à une position qui est généralement occupée par des joueurs américains. C'est donc dire que les Alouettes peuvent aller chercher un joueur américain à une autre position. Et il ne faut pas jouer à l'autruche, les équipes qui remportent la coupe Grey sont celles qui comptent en leurs rangs les meilleurs joueurs canadiens.

*Propos recueillis par RDS.ca