Un casque révolutionne le football pour les joueurs malentendants
Sur le terrain de football de l'université Gallaudet, à Washington, l'entraîneur Chuck Goldstein tient dans ses mains un bijou de technologie : un casque doté d'un oeilleton transparent pour que ses joueurs, tous sourds ou malentendants, puissent voir ses consignes, transmises en 5G.
Aux États-Unis, où ce sport est roi, les équipes professionnelles disposent de casques avec un système audio. Un entraîneur peut par ce biais transmettre ses consignes à certains joueurs sur le terrain avant chaque séquence de jeu.
Mais pour l'équipe universitaire de Gallaudet, un tel mode de communication est impossible.
L'université, fondée en 1864 au coeur de la capitale fédérale des États-Unis, compte plus de 90% d'étudiants sourds ou malentendants. De même pour son équipe de football.
« Nous communiquons en ASL », la langue des signes américaine, raconte le coach Goldstein lors d'une entrevue avec l'AFP. « Nous communiquons avec rapidité comme toute autre équipe dans le pays. Mais la différence, c'est que nos joueurs n'entendent pas le sifflet », ajoute-t-il.
Résultat : il arrive aux arbitres de pénaliser Gallaudet pour ne pas s'être arrêté de jouer au bon moment.
« Ce n'est jamais véritablement un terrain de jeu équitable », regrette Chuck Goldstein.
Et pour ce qui est des instructions données depuis les lignes de côté, « si notre joueur ne nous regarde pas, il ne va pas savoir ce qu'on lui dit », explique l'entraîneur, précisant qu'il en vient parfois « à sauter de partout » pour obtenir l'attention d'un joueur.
Signaux lumineux
C'est avec ces problèmes à l'esprit que l'université a dévoilé début octobre un nouveau casque expérimental développé par le géant américain des télécoms AT&T.
D'apparence extérieure, le casque n'est pas a priori pas différent de ceux utilisés par tous les joueurs de football : une enveloppe dure, une grille métallique au niveau de la mâchoire et le logo de l'équipe sur les côtés.
Seule différence visible, un oeilleton en plastique transparent accroché devant un oeil du joueur, comme un viseur.
À l'aide d'une tablette sur les lignes de côté, l'entraîneur peut dicter instantanément ses consignes aux joueurs sur le terrain. Des signaux lumineux, en réalité augmentée, apparaissent sur l'oeilleton, sous forme de lignes, de lettres ou de chiffres, renvoyant à des combinaisons de jeu de l'équipe.
Le casque « permet aux joueurs sourds et malentendants de voir les consignes aussi rapidement que leurs adversaires peuvent les entendre », explique Andrew Bennett, responsable au sein de la division produits 5G d'AT&T.
Un dispositif d'urgence existe également.
Sur la tablette, « j'ai une sorte de bouton rouge, c'est comme un point d'exclamation. Si j'ai besoin de l'attention du quart-arrière, j'appuie sur le bouton et les flashs rouges apparaissent » sur l'oeilleton, explique Chuck Goldstein.
Selon Andrew Bennett, l'idée du casque a germé chez AT&T en voyant l'impossibilité pour les joueurs de football américain sourds et malentendants d'utiliser les systèmes audio intra-casques des équipes de NFL.
« Naturel »
Le processus de développement de cette nouvelle technologie s'est fait par une série d'allers-retours entre l'entreprise et les joueurs de Gallaudet.
« La première fois que j'ai utilisé le casque, je n'ai pas totalement aimé parce qu'il était vraiment gros à l'arrière », raconte Brandon Washington, le quart-arrière de Gallaudet.
Andrew Bennett explique qu'en effet, « l'une des premières versions avait une batterie volumineuse et lourde qui a été modifiée sur suggestion des joueurs ».
Celle-ci a été réduite et est désormais intégrée à l'intérieur du casque.
En outre, « choisir le bon oeilleton pour le composant en réalité augmentée a pris du temps car le verre était inadéquat. Un oeilleton en plastique a été choisi pour s'assurer qu'il ne volerait pas en éclats lors d'un impact », ajoute Andrew Bennett.
Si le casque a subi des tests rigoureux pour être homologué, la NCAA, organe régissant le sport universitaire aux États-Unis, n'a pour le moment autorisé Gallaudet à ne l'utiliser que pour un seul match, qui a eu lieu début octobre.
« C'était naturel, fluide », s'enthousiasme Chuck Goldstein.
La prochaine étape, désormais, est de militer auprès de la NCAA pour que cette autorisation soit étendue à l'ensemble de la saison.
Une réunion entre l'université et l'organisation, qui régit une industrie de plusieurs milliards de dollars annuels, est prévue.
Mais le coach Goldstein se projette déjà vers l'avenir.
« Les possibilités sont sans fin », assure-t-il, et « pas seulement pour les joueurs sourds ou malentendants ».
« Et si la NFL ou d'autres ligues adoptaient cette technologie? », s'interroge l'entraîneur.