C'est lundi soir qu'aura lieu la grande finale du Championnat de football universitaire aux États-Unis, rencontre présentée sur RDS2 dès 20 h 30. Ce match tant attendu qui se déroulera à Glendale, en Arizona, dans le stade des Cardinals de la NFL mettra aux prises le Crimson Tide de l’Université de l’Alabama (13-1 et no 2 au classement) et les Tigers de Clemson (14-0 et no 1).

Ce match mettra un point final sur une saison spectaculaire au football universitaire américain. On a rarement l’opportunité de voir les deux meilleures équipes s’affronter en finale, alors ne manquez pas ce match.

Il s'agit d'une belle opportunité pour expliquer l'historique des bowls, le processus de sélection et, brièvement, ce que ce sport représente en termes d'affaires aux États-Unis.

L'histoire des bowls débute en 1902 avec un match organisé par l'Association des Roses entre l'Est et l'Ouest où l'Université du Michigan l'a emporté sur l'Université de Stanford, 49-0. En 1922, cette même Association des Roses fait construire un Stade pouvant accueillir 57 000 spectateurs à Pasadena en Californie. L'année suivante, en 1923, le stade prendra le nom de Rose Bowl et on assistera au premier des Rose Bowls joués dans ce stade où l'on a vu USC défaire Penn State 14-2. Dans les années 30, d'autres régions des États-Unis emboîtent le pas en créant leur propre bowl, souvent par souci de stimuler la croissance du  tourisme et de l'économie dans leur région, et dès 1940 on peut en distinguer cinq : le Rose Bowl, le Sugar Bowl, le Cotton Bowl, l’Orange Bowl et le Sun Bowl. En 2015, voilà qu’on répertorie maintenant 40 bowls à travers les États-Unis, tous joués à partir de la mi-décembre jusqu'au début janvier.

L'importance de chaque bowl et l'identité de ceux qui y jouent a beaucoup évolué au fil des décennies, mais depuis 2014, un tout nouveau système éliminatoire a été mis en place avec l'objectif de couronner un champion national universitaire grâce à une sélection finale de quatre équipes et des éliminatoires entre eux. Il existe une dizaine d’associations de football universitaire à travers les États-Unis, dont cinq très importantes surnommées le « Power 5 », soit la SEC, le Big Ten, le PAC 12, le Big 12 et l’ACC, en plus de quelques équipes dites indépendantes dont la célèbre équipe de l'Université Notre Dame. C'est généralement à partir des équipes membres du « Power 5 » que les bowls s’organisent en fin de saison. À partir de la mi-saison, un comité de sélection formé de 13 membres détermine un classement  de 25 équipes duquel seront puisés les quatre finalistes au Championnat national lors de la dernière sélection.

Des joueurs de ClemsonDe tous les bowls qu'on dénombre aujourd'hui, six ont été retenus pour accueillir annuellement, sur une base rotative, les deux matchs de demi-finales menant à la finale nationale : l’Orange Bowl, le Cotton Bowl, le Peach Bowl, le Fiesta Bowl, le Sugar Bowl et le Rose Bowl. Par exemple, cette année, ce sont l'Orange Bowl en Floride et le Cotton Bowl au Texas qui ont accueilli les deux demi-finales le 31 décembre dernier. Le site de la grande finale est quant à lui déterminé par une sélection où les villes intéressées sont invitées à présenter leurs candidatures comme pour le Super Bowl. Cette année, ce match sera joué lundi soir prochain à Glendale.

La sélection pour les autres bowls qui n'ont pas de liens avec le championnat national repose soit sur un système d'invitation ou à une entente permanente entre une association et un bowl en particulier. Un exemple demeure toujours le Rose Bowl, qui implique toujours une équipe du Pac 12 contre une équipe du Big Ten. Mais dans le cas des invitations à d’autres bowls, même une équipe ayant une fiche négative peut théoriquement être invitée. Cette année, quelques  équipes participant à des bowls avaient des fiches de cinq victoires  contre sept défaites. Une situation qui s'explique par le trop grand nombre de bowls. En 2015, 40 bowls furent joués, ce qui veut dire que 80 équipes furent invitées à participer à ces matchs depuis un mois. Sur les 80 équipes, une cinquantaine sont de calibre très élevé, mais plusieurs ne méritent probablement pas de recevoir une telle invitation. L'intérêt pour plusieurs de ces matchs ne dépassera pas les frontières des deux universités qui s'affrontent ou de la ville qui accueille le match. 

En fait,  les organisateurs des bowls recherchent des équipes gagnantes, bien entendu, mais aussi des équipes qui ont un rayonnement national, si possible, afin d’attirer les partisans de partout aux États-Unis et de favoriser le tourisme, la vente de billets et l’audience télévisuelle.  Ces revenus potentiels que peuvent générer les équipes qui s'affrontent incitent les organisations à les inviter ou non. Le prestige d'une université, les rivalités historiques, la taille de sa base de partisans sont quelques-uns des autres critères qui serviront à la sélection des équipes. Par exemple, le Taxslayer Bowl qui s’est déroulé à Jacksonville en Floride la semaine dernière avait invité les Bulldogs de Georgia de la SEC et Penn State du Big Ten. Ce sont effectivement deux grandes institutions et deux grands programmes de football avec plusieurs centaines de milliers de partisans à travers les États-Unis, qui s’étaient déjà affrontés au Sugar Bowl en 1983 pour le championnat national. De ce fait, le Taxslayer Bowl savait que la rivalité entre les deux allait attirer la foule et les téléspectateurs.

L'engouement des Américains pour le football universitaire est extraordinaire. Le lien émotif qu'un diplômé d'une université américaine entretien avec son alma mater explique cette popularité. Toute sa vie, il participera généreusement au financement de son université, et surtout, encouragera ses équipes sportives, particulièrement au football et au basketball. Cette dimension fait en sorte que les grandes équipes de football peuvent souvent accueillir en moyenne plus de 100 000 spectateurs à chacun de leur match comme ce fut le cas en 2015 à Michigan (110 168), Ohio State (107 244) et Texas A&M (103 622).

Le football universitaire américain, c'est aussi beaucoup d'argent. En 2013, ESPN a accepté de payer 7,3 milliards de dollars US (10,14 milliards de dollars canadiens) pour obtenir les droits de diffusion de télévision jusqu'en 2025. En comparaison, la LNH a signé un contrat pour la même durée avec les équipes canadiennes, soit de 12 ans, pour un montant de 5,2 milliards de dollars canadiens. Pour illustrer encore mieux jusqu'à quel point on parle de beaucoup d'argent, une équipe mythique comme les Wolverines de Michigan a pu offrir un salaire tout aussi élevé à l'entraîneur-chef Jim Harbaugh que ce qu’il gagnait avec les 49ers de San Francisco de la NFL.

Plusieurs grands programmes de football tels Ohio State, Texas, Alabama et cie génèrent des revenus annuels de plus de 100 millions de dollars. Il faut comprendre que le football et/ou le basketball de la NCAA financent parfois jusqu’à 25 autres disciplines sportives des universités américaines moins aptes à s’autofinancer. Ceci permet à des centaines d’étudiants-athlètes, garçons ou filles, d’obtenir des bourses sportives. Et dans tout cet univers de passion des Américains, ces grands programmes de football font tout cet argent en vente de billets, commandites, produits dérivés et télévision, sans avoir à payer les athlètes qui sont les vedettes de ces spectacles si populaires. Voilà un sujet qui revient constamment à l’agenda de la NCAA, et qui selon moi devra être adressé un jour ou l'autre par leurs dirigeants.

En conclusion, le football universitaire américain est un produit spectaculaire et excessivement lucratif. On n’arrive pas à pleinement réaliser la dimension du sport universitaire aux États-Unis. Mais le choc Alabama-Clemson lundi soir en direct de l’Arizona saura nous faire voir l’ampleur de ce sport en Amérique et promet d’offrir un spectacle d’une qualité inégalée.