Le Championnat des Joueurs remporté par Tiger Woods au cours de la dernière fin de semaine a été un succès sur toute la ligne. Une foule record a franchi les portes d’entrée du TPC Sawgrass, dont plus de 40 000 spectateurs lors de la seule journée de dimanche pour la présentation de la ronde finale.

Encore une fois cette année, la bourse offerte aux participants était la plus importante de la saison sur le circuit PGA Tour. On a réuni le meilleur tableau de participants de l’année et le déroulement du tournoi et sa conclusion ont permis d’inscrire des cotes d’écoute très intéressantes. Devant l’importance de l’événement, pas un seul autre tournoi n’a été présenté sur la scène du golf professionnel au cours de la même période. Est-ce donc à dire qu’on va finalement consacrer officiellement cet événement comme le « Cinquième Majeur » ?

Pas certain. Pas certain du tout.

Le Grand Chelem tel qu’on le connait au golf est une création du vénérable Arnold Palmer et de son bon ami journaliste Bob Drum. Palmer avait déjà remporté le Tournoi des Maîtres et l’Omnium américain en 1960 et avait pour but de remporter l’Omnium Britannique et le Championnat de la PGA afin de réaliser le « Grand chelem » moderne. C’est Drum qui s’est chargé de propager l’idée du titre qui serait accordé à l’exploit : « Grand Chelem ». Il fallait le considérer comme  « moderne » puisque Bobby Jones avait quant à lui réalisé en 1930 ce que certains considèrent encore comme l’exploit ultime, à savoir inscrire des victoires lors des Omniums américain et britannique et lors des Championnats Amateurs américain et britannique. Ces quatre triomphes en une seule saison sont quant à moi ce qui s’est fait de mieux dans l’histoire du golf.

Il faut aussi savoir que personne n’a réalisé le « Grand Chelem ». Woods est venu bien près en 2000 et 2001 en inscrivant des victoires consécutives lors des quatre événements, mais ce ne fut pas au cours d’une même année. Cinq joueurs ont gagné toutes les épreuves du carré de tournois majeurs. Jack Nicklaus et Tiger Woods l’ont accompli trois fois chacun. Gary Player, Ben Hogan et Gene Sarazen une fois chacun.

Certains ne jurent que par ces tournois. Hors des tournois majeurs, pas de salut. Est-ce exagéré ?

Prenons l’exemple de Ray Floyd, qui en a gagné deux et qui mentionnait récemment que l’entrée au Temple de la Renommée de Fred Couples et de Colin Montgomerie ne faisait aucun sens parce que Couples avait remporté un seul titre majeur (Tournoi des Maîtres) et que Montgomerie n’en avait aucun. Cela diminuait les standards d’excellence établis par ceux qui sont déjà au Temple de la Renommée (Floyd y a été admis en 1989).

À suivre ce raisonnement, Andy North, maintenant commentateur à la télé américaine, serait admissible au Temple de la Renommée parce qu’il a gagné l’Omnium américain à deux occasions. Le seul petit problème, c’est qu’il n’a gagné qu’une seule autre fois sur le circuit PGA Tour. A-t-il plus le droit d’être au Temple de la Renommée que Montgomerie ?

Ce dernier a dominé l’Ordre du Mérite du Circuit Européen pendant huit saisons, dont sept consécutives. Montgomerie a inscrit 31 victoires en Europe, a terminé cinq fois en deuxième position lors de tournois majeurs et a participé huit fois à la Coupe Ryder sans jamais y subir la défaite en match de simple. Il fut aussi capitaine de l’équipe européenne qui a remporté la Coupe Ryder en 2010. Mais, il n’a pas gagné un tournoi majeur…

Est-ce qu’on exagère l’importance des tournois majeurs ?

Quand on analyse la liste des gagnants de ces tournois au cours des dix dernières années, on se rend bien compte que ce ne sont pas nécessairement les noms inscrits récemment sur les trophées qui feront accourir les foules. Reste qu’ils ont gagné là où tant d’autres ont échoué.

Il nous faut convenir que les tournois majeurs représentent les meilleurs tests de golf annuellement. Si on se donne la peine de regarder la liste des trous les plus difficiles en 2012, on se rend compte que 11 des 15 trous les plus ardus se retrouvent sur les parcours utilisés par l’Omnium américain, l’Omnium britannique, le Championnat de la PGA et le Tournoi des Maîtres. Le seul trou du TPC at Sawgrass qui figure sur la liste des 50 trous les plus difficiles est le 14e trou qui est au 46e rang.

En 2012, le Olympic Club utilisé lors de l’Omnium américain fut le parcours le plus difficile sur le circuit PGA Tour. Le site du Championnat de la PGA, Kiawah Island fut le deuxième, le Royal Lytham and Ste Annes lors de l’Omnium britannique fut le cinquième et le Augusta National, site du Tournoi des Maîtres, est au huitième rang des terrains les plus difficiles. Le TPC at Sawgrass est au 19e rang.

Si les « majeurs » sont incontestablement les meilleurs défis de golf présentés aux joueurs au cours d’une saison, est-ce suffisant pour prétendre que les gagnants sont de meilleurs golfeurs que ceux qui, par exemple, gagnant trois tournois différents au cours d’une même saison ?

Dans l’esprit de plusieurs, nombreux sont les professionnels qui échangeraient leurs trois trophées contre le seul plaisir d’avoir en main celui des omniums américain ou britannique, l’immense trophée Wannamaker ou un veston vert.

Le Championnat des Joueurs est certes un des rendez-vous les plus importants de la saison. Un peu plus que la série du Championnat du Monde qui regroupe aussi les meilleurs au Doral et au Firestone Country Club, mais un peu moins que les quatre étapes du « Grand Chelem ».

C’est un peu l’exercice qu’on tente de faire en comparant la Coupe Ryder à la Coupe des Présidents. Formule semblable, joueurs semblables et comparables. Et pourtant, on sent bien que les deux événements n’ont pas le même impact et qu’ils ne suscitent pas le même intérêt.

Malgré ses 40 ans d’histoire et son immense succès, le Championnat des Joueurs n’a pas encore l’envergure d’un tournoi majeur. Et il n’entrera pas dans le club sélect du « Grand Chelem » de sitôt. Mais je pense sincèrement que le statut de « cinquième majeur » lui donne un caractère encore plus unique que si on l’intégrait au carré des grands. Il s’agit d’une appellation qui n’est pas sans faire plaisir aux organisateurs et aux joueurs eux-mêmes.