On nous avait promis un dragon, on a eu droit tout au plus à un animal de compagnie bien sage tout au long des quatre journées de l’Omnium de golf des États-Unis. Cela ne signifie pas pour autant que l’on doive diminuer la valeur de la victoire de Brooks Koepka, qui fut incontestablement le meilleur des 156 participants qui se sont pointés au parcours Erin Hills dans le Wisconsin au début de la semaine dernière.

Koepka a conservé une moyenne de puissance de 322 verges au cours du championnat. La moyenne des participants a été de 307 verges. Il a atteint 88 % des allées sur ses coups de départ pendant quatre rondes contre 73 % pour la moyenne des golfeurs présents. Il a atteint les verts en coups prescrits dans une proportion de 86 % comparativement à 64 % pour les autres joueurs en moyenne. Il a été moyen sur les verts, terminant au 51e rang pour la qualité de ses coups roulés.

Il a non seulement été solide techniquement mais il a su conserver son calme et adopter une attitude impeccable jusqu’à la conclusion de la compétition. Et il s’est même payé au passage un pointage qui a égalé le record détenu par Rory McIlroy, qui avait retranché 16 coups à la normale lors de l’Omnium de 2011 au Congressional dans des conditions extrêmement favorables.

Alors que faut-il retenir de l’exercice? D’abord qu’Erin Hills, avec près de 7 800 verges de verdure, n’a pas fait peur à personne. Tous les joueurs aptes à participer à ce tournoi n’éprouvent aucun problème avec de longs parcours et atteignent régulièrement plus de 300 verges sur leurs coups de départ. En plus, les allées étaient plus larges que le terrain du Lambeau Field où évoluent les Packers de Green Bay, les enfants chéris du coin.

Et quand quelques joueurs ont rechigné en visitant l’herbe très longue en début de semaine, la United States Golf Association a immédiatement réagi en envoyant une armée de volontaires pour anéantir la menace sur plusieurs des trous. Adieu herbe longue et très longue. Résultat : on a décapité le monstre.

On craignait que le vent ne devienne l’ennemi public numéro un. Qu’ont fait les responsables? Ils ont ralenti la vitesse des verts afin d’éviter que les balles oscillent ou se déplacent. Fin du drame, d’autant qu’on a enregistré de la pluie pendant quelques jours, ce qui a considérablement modifié la surface de jeu beaucoup plus réceptive comparativement aux verts décolorés et ultra rapides auxquels on s’attendait.

Était-ce, comme le prétend la USGA, le meilleur test de golf de la saison? On peut en douter. Avant même que ne commence le tournoi, j’avais mentionné que les chiffres étaient trompeurs.

Il y a d’abord eu Justin Thomas qui a été brillant en troisième parcours et qui a ramené une carte de 63, égalant le pointage record lors d’un championnat majeur.

Puis on a eu l’impression d’assister à une corrida et à la mise à mort du taureau quand dimanche Koepka s’est attaqué au dernier trou, une normale 5 de 681 verges. Il a claqué un coup de départ de 379 verges et a ensuite utilisé un fer sur 273 verges. Il ne lui restait que quelques verges à franchir pour atteindre le vert et confirmer la normale. Comme dragon cracheur de feu, on a déjà vu mieux…

Plusieurs observateurs ont maintes fois demandé que les allées soient plus étroites et moins longues. Que les fosses de sable ne soient pas des zones de récupération mais des espaces punitifs. Que ce soit un exercice de précision aussi bien que de puissance. On ne veut pas ridiculiser les joueurs, dit-on, et personne ne voudrait qu’il en soit ainsi. Mais peut-on les soumettre à un véritable test de golf?

Qu’on ne nous dise pas qu’il s’agissait du plus grand défi de l’histoire du championnat quand on se rend compte que plus de 30 joueurs ont joué sous la normale. Vrai que les conditions ont été idéales. Vrai que de nombreuses vedettes ont été éliminées dès les deux premières rondes, mais c’est une réalité dont on tient compte chaque semaine dans tous les tournois professionnels.

Alors la prochaine fois qu’on nous présentera un véritable monstre, je me garderai une petite réserve.