On aura vraiment l’impression de se retrouver quelque part en Écosse ou en Irlande lorsque la 115e édition de l’Omnium des États-Unis se mettra en branle, jeudi matin. Véritable parcours style « links », avec tout ce que cela comporte, Chambers Bay n’a pas fini de faire parler de lui. Je suis convaincu que la majorité des amateurs de golf ne savaient même pas qu’un tel parcours existait en Amérique. Dès le premier coup d’œil, ce parcours vous donne la frousse, et ce, sur chacun des trous. J’ai comme l’impression que l’on va assister au festival du double boguey, surtout si le vent se lève au cours des quatre jours de compétition.

Il y a une dizaine d’années, on a mandaté l’architecte Robert Trent Jones de construire un terrain qui pourrait éventuellement recevoir l’Omnium des États-Unis. On lui a accordé un budget astronomique afin qu’il puisse transformer cette ancienne mine en un chef-d’œuvre golfique. On a dû importer plus de 1,5 million de verges cubes de sable et de terre pour en arriver à un résultat qui vous laisse bouche bée tellement c’est grandiose et hors du commun. Une chose est certaine, M. Jones ne manque pas d’imagination!

Ce parcours aux allures lunaires s’étend sur 7 742 verges et on pourrait l’étirer jusqu’à 7 900 verges selon les besoins. Les trous numéro 1 et 18 peuvent être joués en normales 4 ou 5 selon la direction du vent. Ce sera l’un ou l’autre, si bien que la normale sera de 70 peu importe la décision de la USGA. Les longs cogneurs seront très nettement favorisés sur un tel parcours, car les fosses de sable d’allée sont souvent situées à environ 280 verges du tertre de départ. Selon Jason Day et Rory McIlroy, les joueurs n’étant pas en mesure de franchir près de 300 verges dans les airs sur les coups de départ n’ont pas vraiment de chance de se distinguer à Chambers Bay car ils devront attaquer les verts avec des bâtons trop longs pour espérer s’approcher des drapeaux de façon constante. Reste à voir si un Jim Furyk pourra les faire mentir.

Les verts grossièrement ondulés de Chambers Bay n’ont pas fini de donner des maux de tête aux participants. Il ne sera pas rare de voir des balles tomber à 50 ou 60 pieds du fanion avant de les voir s’arrêter à quelques pieds de l’objectif; mais si la balle tombe au mauvais endroit, ce sera des coups roulés diaboliques de 70 ou 80 pieds qui attendront les joueurs. Je ne sais pas encore quel genre de spectacle nous attend, mais je sens que ce sera excitant, car le danger sera constamment présent.

Parmi les 156 participants, on compte pas moins de 17 joueurs amateurs, incluant le jeune Américain Cole Hammer, âgé de seulement 15 ans. Chez les professionnels, plusieurs peuvent aspirer aux grands honneurs même si on se doit de favoriser ceux qui sont les mieux classés mondialement. Voici donc mon humble analyse des principales forces en présence :

1-Rory McIlroy : à tout seigneur, tout honneur. Premier joueur mondial, on ne peut ignorer ce joueur surdoué, même s’il a raté les rondes finales à ses deux dernières sorties en Europe. Si ses coups de départ sont à point, il pourrait même dominer outrageusement cette compétition.

2- Jordan Spieth : la progression fulgurante de ce joueur est incomparable. A-t-il atteint son plein potentiel ou nous réserve-t-il d’autres agréables surprises? Il ne domine nulle part, mais il est bon dans tous les aspects du jeu. Il sait prendre les bonnes décisions et la qualité de ses coups roulés pourrait compenser son manque de puissance.

3-Justin Rose : voilà le type de joueur qui pourrait s’illustrer sur un tel parcours. Il possède l’un des meilleurs élans du golf professionnel et contrôle bien ses émotions. Je serais nullement surpris de le voir dans la lutte dimanche après-midi.

4- Phil Mickelson : l’homme des grandes occasions. Le grand gaucher sait comment s’y prendre pour mater un tel parcours et la qualité de son petit jeu pourrait s’avérer un atout indispensable. C’est le seul tournoi majeur qui manque à sa collection, lui qui a terminé six fois au 2e rang. Il sera de la fête lors de la ronde finale.

5-Jason Day : même s’il n’a pas été à son meilleur au cours des dernières semaines, j’estime qu’il possède toutes les qualités requises pour remporter ce tournoi majeur. Il est l’un des meilleurs joueurs de fers et contrôle bien ses distances, un atout indéniable sur un tel parcours.

6- Martin Kaymer : joueur discipliné, il a la puissance et le caractère pour connaître à nouveau du succès à ce tournoi. Ça prend du cran et une bonne force mentale pour passer à travers cette épreuve, deux qualités qu’il possède et qui le servent bien. Je n’oserais pas parier contre lui.

7- Angel Cabrera : en voilà un qui pourrait se sentir relativement à l’aise à Chambers Bay. Il n’a peur de rien et sait mieux que quiconque comment analyser un parcours. Il a la mentalité parfaite pour faire face à un tel défi.

8- Rickie Fowler : sa récente victoire au Championnat des joueurs en fait un candidat logique aux grands honneurs. Son style agressif pourrait lui jouer des tours, mais la qualité de ses coups de fers joue en sa faveur.

9- Dustin Johnson : sa puissance le favorise, mais il devra éviter les mauvais trous. Il a en main tous les ingrédients, mais a trop souvent tendance à prendre des risques mal calculés. La patience est de mise dans son cas.

10- Hideki Matsuyama : nul ne serait vraiment surpris de le voir triompher dimanche. Son talent est indéniable, mais il manque encore d’expérience. Il faudra quand même briser la glace un jour ou l’autre… pourquoi pas cette fin de semaine!

11- Adam Scott : est-il vraiment motivé? C’est la question que plusieurs se posent dans son cas. La paternité semble limiter son calendrier au strict minimum, mais le talent est toujours là. Son putter à longue tige et le retour de con cadet Steve Williams devraient être des éléments positifs pour lui.

12- Sergio Garcia : il est plus que mûr pour un titre majeur. Du tertre de départ jusqu’au vert, il est parmi les meilleurs de la profession. Sur les verts, ça se complique un peu quoique, depuis un certain temps, il rate beaucoup moins sur courtes distances. J’aime ses chances.

13-Bubba Watson : on ne sait jamais trop à quoi s’attendre de lui. Tellement émotif qu’il peut blâmer le parcours pour ses insuccès. S’il connaît un bon départ, il peut gagner ce tournoi. Je le sens toutefois trop fragile pour passer ce test avec succès.

14- Louis Oosthuizen : je ne m’en cache pas, c’est l’un de mes joueurs favoris. Son élan frôle la perfection et la qualité de ses coups est supérieure à la moyenne. Il faudrait tout de même qu’il connaisse un tournoi exceptionnel sur les verts pour espérer l’emporter.

15- Tiger Woods : je n’ai pas encore jeté la serviette dans son cas même si ma patience a des limites. Je n’arrive pas à croire qu’il ait tant de problèmes à mettre la balle en jeu sur ses coups de départ. Son niveau de confiance est au plus bas, mais ne suffirait qu’il connaisse un bon départ pour que tout s’arrange…je garde espoir.

16- Henryk Stenson : ne jamais oublier ce joueur dans votre pool. Probablement l’un des meilleurs athlètes du golf professionnel, il est aussi un joueur complet à tous les niveaux. Il a tendance à se distinguer au moment où on s’en attend le moins.

17- Patrick Reed : voilà un joueur qui pourrait causer la surprise de ce tournoi. Même s’il affiche une attitude qui déplaît à plusieurs, il possède néanmoins un talent exceptionnel. Reste à voir si les nerfs peuvent résister à une telle pression.

18-Chris Kirk : lui aussi a tous les atouts nécessaires pour l’emporter. Si j’avais à parier sur un négligé, ce serait l’un de mes choix.

19- Tommy Fleetwood : un autre négligé qui pourrait surprendre, car il est en pleine progression et qu’il a démontré de belles choses récemment.

20- Dany Willett : ce joueur se maintient parmi les meilleurs sur le circuit européen et ce n’est pas par hasard. Est-il prêt pour un titre majeur? Lui seul connaît la réponse.

Voilà, je ne possède pas de boule de cristal, mais je crois tout de même que l’éventuel gagnant se trouve dans cette liste. Je demeure convaincu que cette édition du US Open passera à l’histoire pour plusieurs raisons. Ne reste qu’à souhaiter que les conditions de jeu ne se détériorent pas au point où ça devienne injouable comme ce fut le cas à Shinnecock Hills en 2006. Un spectacle de haute qualité nous attend pendant quatre jours… profitez-en pleinement!