Michel Therrien a déjà déclaré que diriger le Canadien, c'est fréquenter l'université du hockey. Tu peux tout y apprendre et quand tu en sors, tu as acquis des choses qui vont te servir pour le reste de ta carrière.

Therrien, qui a étudié au Centre Bell durant 26 mois, a dû se ramasser à la petite cuillère quand on lui a signifié que c'était terminé, tellement sa déception était grande. Comme tous les autres avant et après lui, il en aurait pris davantage.

Néanmoins, l'expérience lui a été d'une grande utilité puisqu'il a eu le plaisir un peu plus tard de diriger Sidney Crosby, le Wayne Gretzky des temps modernes, un vote de confiance qu'on ne lui aurait jamais accordé s'il ne s'était pas d'abord fait les dents dans un secteur aussi difficile que celui du Canadien.

À Montréal, on travaille dans l'environnement de hockey le plus exigeant du monde. Gagner à cet endroit n'est pas simplement la conséquence d'un résultat sportif. Pour un coach, c'est une question de survie.

L'entraîneur travaille constamment sous la loupe d'un public qui aime bien croire que l'équipe lui appartient. Il doit s'expliquer quotidiennement devant une horde de médias qui exige des explications, et ce, dans les deux langues.

Presque toujours, l'entraîneur ressent l'obligation de présenter une image différente de ce qu'il est parce qu'il lui faut se mouler à la culture du Canadien. Bref, il faut marcher le corps droit quand on porte le sigle du CH sur son veston.

C'est plus vrai encore quand il s'agit de son premier boulot dans la Ligue nationale. Jean Perron, Pat Burns, Mario Tremblay, Alain Vigneault, Michel Therrien, Claude Julien et Guy Carbonneau, tous des recrues, sont passés par là. On en a vu quelques-uns changer radicalement de personnalité en héritant de ce job. Burns, Vigneault, Therrien et Julien, qui étaient capables de grands spectacles au niveau junior, sont devenus étrangement calmes en débarquant au Forum ou au Centre Bell. Sauf peut-être pour Burns, on ne pouvait rien leur tirer de vraiment captivant dans les points de presse. Il fallait d'abord respecter le Canadien, semble-t-il.

Les deux entraîneurs, qui s'apprêtent à vivre le moment le plus fort de leur carrière en finale de la coupe Stanley, sont des rejets du Canadien. Il ne faut pas y voir un blâme à l'endroit de l'organisation. C'est davantage attribuable à la réalité du hockey.

Durant la finale qui s'amorce ce soir, des médias écriront sans doute que Julien et Vigneault ont suffisamment de talent, de connaissances et de doigté pour amener leurs formations à se battre pour la coupe Stanley, mais qu'ils n'en avaient pas assez pour conserver leur poste avec le Canadien.

Ce n'est pas exactement de cette façon qu'il faut analyser les choses. Ils seront les premiers à reconnaître que l'organisation du Canadien leur a accordé leur première chance dans la Ligue nationale. Où seraient-ils aujourd'hui s'ils n'avaient pas profité de cette première chance pour se faire un nom et pour se bâtir une réputation? Que serait-il advenu de leur carrière si une organisation québécoise n'avait pas existé pour lancer autant de Francophones sur la route de la Ligue nationale?

Julien a quitté Montréal il y a cinq ans. Vigneault est parti il y a 10 ans. Ils en ont mis du bagage dans leur baluchon depuis. Ils espèrent maintenant tirer profit de cette expérience pour gagner leur première coupe Stanley.

Vigneault chassé par Pierre Boivin

Vigneault est l'homme que Réjean Houle avait choisi pour remplacer Mario Tremblay. C'est également lui qui l'a remercié 266 matchs plus tard après trois saisons et un quart en poste et un pourcentage décevant de victoires et de défaites de .483.

Vigneault n'a pas connu beaucoup de succès, mais il a aussi été victime de son style pas très animé derrière le banc. C'est le principal reproche qui lui a été adressé durant son stage avec le Canadien. Vigneault, qui était explosif derrière le banc de ses équipes juniors, est devenu un entraîneur plutôt drabe avec le Canadien. Ses points de presse d'après partie n'apportaient rien de plus que ce qu'on avait déjà vu sur la glace. Si bien qu'on n'a jamais vraiment remarqué à quel point il était compétent.

Pour être précis, son départ a été la décision de Pierre Boivin puisque Réjean Houle a lui-même été remplacé quelques heures après avoir avisé Vigneault de son départ.

Ce jour-là, le 20 novembre 2000, la purge de Boivin a provoqué le départ de Houle, de Vigneault et de l'entraîneur adjoint Clément Jodoin. Ils ont été remplacés respectivement par André Savard, Therrien et Guy Carbonneau.

Gainey a fait sauter Julien

Avec le Canadien, Julien jouissait déjà d'une bonne réputation. C'était un homme solidement organisé qui ne comptait pas les heures. Un facteur a joué contre lui, cependant. Il n'était pas l'homme de Bob Gainey, lui qui avait été embauché par Savard.

Il a été renvoyé après 159 parties et un pourcentage de succès de .531. Il a presque fait figure de victime quand on a appris que Gainey ne s'était même pas donné la peine de le rencontrer pour lui annoncer qu'il n'était plus l'entraîneur du Canadien. C'est un appel de Gainey, à 7h15 du matin, le 14 janvier 2006, qui l'a rendu chômeur. Dans un simple coup de fil, Julien a perdu l'un des emplois les plus en vue au Québec.

Gainey n'aimait pas ce qu'il voyait. Il était d'avis que l'équipe ne travaillait pas suffisamment. La suite des choses a permis d'apprendre qu'Alex Kovalev, dont l'influence était négative dans le vestiaire, avait joué un certain rôle dans le départ de l'entraîneur.

Voilà pour la petite histoire des deux premiers entraîneurs francophones à s'affronter en finale de la coupe Stanley. Ils ont tous les deux encaissé durement leur renvoi par le Canadien, mais ils savent aujourd'hui que la perte d'un emploi s'inscrit inévitablement dans le bilan de carrière d'un entraîneur. À leur crédit, il faut préciser qu'ils n'ont pas dirigé de très bonnes équipes au Centre Bell.

Bref, ils ont tous les deux profité de leur séjour dans l'organisation du Canadien pour se rendre visible dans la Ligue nationale. Vigneault a plus tard été remarqué par les Canucks de Vancouver tandis que Julien a pu diriger deux équipes établies au New Jersey et à Boston.

Ils ont maintenant tout à gagner en finale de la coupe Stanley. L'un d'eux pourra se pavaner avec une bague. Pour l'autre, rien n'indique qu'il pourra profiter d'une seconde chance dans l'avenir.

Bettman ne changera jamais

Quand Québec et Winnipeg ont été rayés de la carte de la Ligue nationale, on a eu la désagréable impression que Gary Bettman dansait dans son bureau. Il avait de grands projets pour la ligue aux États-Unis et quoi de mieux que deux formations du nord pour ouvrir de nouveaux marchés à Denver et à Phoenix?


Gary Bettman ne semblait pas très heureux par le retour de la LNH à Winnipeg.

À l'occasion du retour forcé de Winnipeg dans son circuit, Bettman s'est montré mesquin, totalement incapable de cacher la profonde déception que lui a causée cet échec personnel.

Le commissaire a été méprisant envers les amateurs de Winnipeg. «Nous n'aimons pas procéder à des changements, mais des fois, nous n'avons simplement pas le choix», est-il allé leur dire dans leur propre cour.

Ça voulait dire assez clairement que s'il avait pu éviter de leur retourner leur équipe, il l'aurait fait avec plaisir.

Et comme si cela ne suffisait pas, il leur a ordonné d'acheter des abonnements de saison, 13 000 pour être plus précis, sans quoi...

L'allusion menaçante cachait mal un épouvantail à moineaux. Sans quoi, que se passera-t-il, monsieur Bettman? Sans quoi les gouverneurs n'approuveront pas le transfert des Thrashers d'Atlanta à Winnipeg?

Allons donc. Ça voudrait dire qu'on retournerait à Atlanta une équipe moribonde qui attire une poignée de spectateurs dans le but de servir une leçon d'affaires à une ville où de vrais amateurs de hockey dansent déjà dans la rue à l'idée de reprendre ce qu'ils n'auraient jamais dû perdre? Ça voudrait dire qu'on annulerait une transaction de 170 millions $ qu'on a mis des mois à réaliser? Nous prend-on pour des abrutis?

Bettman a placé un couteau sous la gorge d'une équipe canadienne alors qu'on ne compte plus les sièges inoccupés dans la majorité des villes de la Ligue nationale. Faudra voir ce qu'il laissera planer au-dessus de la tête des gens de Québec quand cette ville reprendra son équipe à son tour.