MONTRÉAL – Alyssa Cecere se préparait depuis plusieurs années pour le jour où elle prendrait la relève de Peter Smith à la barre des Martlets de McGill.

À chacune de ses six premières saisons sur le banc de son alma mater, son mentor allongeait la liste de ses mandats et responsabilités. Lorsque l’heure de la passation des pouvoirs allait sonner, autant le maître que l’élève auraient la conviction que rien n’avait été laissé au hasard pour assurer une transition fluide.

Les meilleurs plans prennent immanquablement compte de possibles imprévus. Mais franchement, comment planifier pour le genre de perturbations qui a secoué le sport universitaire québécois en 2020?

C’est donc à tâtons que Cecere avance depuis l’automne dans ses nouvelles fonctions, celles qui lui ont été confiées quelques jours avant son 33e anniversaire, lorsque Smith a annoncé son départ après vingt ans de loyaux services. 

« En septembre, on était sur la glace, en petits groupes. Dans ce temps-là on avait le droit! », se remémorait avec nostalgie la nouvelle patronne par intérim des Martlets dans un récent entretien avec RDS. « C’était un bon début. Je n’avais pas toute l’équipe ensemble, alors il fallait que j’ajuste les exercices, les pratiques. Mais ensuite, il a fallu faire la transition en ligne. »

Depuis que Montréal est figée en zone rouge, Cecere organise des rencontres hebdomadaires sur Zoom. Tour à tour, ses joueuses doivent proposer et animer des activités visant à protéger l’esprit d’équipe des risques de l’éloignement. Elle se fait aussi un devoir de prendre des nouvelles de chaque fille individuellement au moins une fois par mois et analyse des séquences vidéo avec les recrues qui peuvent lui fournir du matériel.

« Ce n’est pas ce que j’imaginais comme début, mais pour être honnête, ça me permet d’aller chercher d’autres trucs et de me développer comme coach ailleurs que juste sur la glace ou derrière le banc, s’encourage-t-elle. Personne n’a vécu ça alors je n’étais pas la seule dans ce bateau. Il n’y a pas de livre, on ne suit rien à la lettre. »

En y regardant d’un peu plus près, on se dit que Cecere, qui est devenue la quatrième entraîneuse-chef féminine de la branche universitaire du Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ), était faite sur mesure pour ce genre de défi.

La native de Ste-Julie est tombée en amour avec le hockey à l’âge de 5 ans en assistant aux entraînements de son grand frère. Elle a joué avec des garçons jusqu’à l’adolescence, puis a fait la transition avec des équipes féminines de la Rive-Sud afin de préparer sa transition vers le hockey collégial. En s’enrôlant au Collège Dawson de Montréal, Cecere a rencontré Scott Lambton, un grand motivateur doublé d’un enseignant hautement compétent. Il s’est avéré le premier entraîneur marquant de son parcours.

En 2006, l’attaquante à caractère défensif est arrivée à McGill à temps pour participer à la naissance d’une véritable dynastie. Lors de ses cinq saisons en rouge et blanc, les Martlets ont gagné cinq championnats du Réseau de Sport Étudiant Québécois (RSEQ) et atteint chaque année la finale du championnat universitaire canadien. Cecere a terminé son stage universitaire avec trois médailles d’or au cou et un diplôme en enseignement de l’éducation physique sous le bras.

À sa sortie de l’école, la nouvelle diplômée n’a négligé aucun de ses champs d’intérêt. Elle s’est lancée dans l’enseignement et tout en poursuivant sa carrière athlétique avec les Stars de Montréal, elle s’est initiée à l’autre côté de la médaille en retournant épauler Lambton à Dawson.

« Je n’étais pas certaine de ce que je voulais faire exactement. Et est-ce que j’allais pouvoir gagner ma vie en coachant, surtout dans le hockey féminin? À l’époque, l’opportunité n’était pas vraiment là », remet-elle en contexte.

Cecere a continué ce manège pendant trois ans, gagnant au passage la coupe Clarkson avec les Stars, jusqu’à ce qu’une offre de rejoindre les Martlets lui soit présentée. Elle a accroché ses patins, dit au revoir à ses élèves et s’est investie pour la première fois à temps plein dans le métier d’entraîneuse. « J’ai commencé à tripper beaucoup plus », dit-elle en repensant à sa décision.  

Peter Smith a d’abord mis sa nouvelle adjointe en charge des défenseurs. Cecere a aussi hérité de tâches administratives comme la planification des voyages et la liaison avec les nouvelles recrues. À chaque saison subséquente, de nouvelles tâches lui ont été déléguées.

« L’année passée, j’avais le désavantage numérique, les mises en jeu, le jeu en zone défensive... Les habiletés individuelles, aussi. Ça faisait une couple d’années que j’avais commencé un petit programme de skills et on a ajouté cet aspect. On avait des entraîneurs spécialisés qui venaient et je m’occupais de coordonner tout ça. Alors déjà, j’avais une petite équipe à gérer. Ça m’a aidé et ça va m’aider dans les prochaines années si je continue dans le poste. »

Au-delà des connaissances techniques qu’elle a acquises au fil des années, Cecere assied d’abord ses méthodes d’enseignement sur des valeurs humaines. Son nouveau statut au sein du programme changera inévitablement la dynamique qui l’unit à ses joueuses, mais les principes fondamentaux auxquels elle croit continueront de dicter son quotidien.

« Comme coach, j’essaie de connecter avec toutes les filles. Je veux qu’elles sachent que ce n’est pas juste la joueuse qui m’intéresse, mais la personne aussi. Je pense que c’est important. De plus en plus, c’est comme ça qu’on peut soutirer le plus d’elles. Pour avoir le meilleur de ce qu’elles ont à offrir, il faut établir une connexion et bien communiquer. C’est mon style, c’est ma personnalité et je ne voudrais pas perdre ça. C’est sûr que des choses devront changer. C’est maintenant moi qui devrai prendre les décisions difficiles, décider qu’une joueuse ne joue pas pour une raison ou une autre. Mais ma personnalité ne changera pas. I care about the players. »