Burns a guidé Jim Kelley vers la mort
Hockey mercredi, 8 déc. 2010. 10:44 jeudi, 12 déc. 2024. 22:43
Jim Kelley était une connaissance de très longue date. Quand j'étais attitré à la couverture des activités du Canadien, il couvrait les Sabres de Buffalo.
On s'échangeait des informations à une époque où le terme internet n'existait pas. Dans le temps, on conversait davantage entre collègues des différentes villes de la ligue. On se donnait des coups de fil quand les équipes qu'on suivait à la trace s'affrontaient.
Kelley a été un excellent journaliste. Il a été à l'emploi du Buffalo News durant 32 ans avant de devenir columnist à ESPN.com et jusqu'à sa mort, la semaine dernière, à Sportsnet.ca. Il était un chroniqueur rigoureux aux écrits tranchants qui ne reculait devant personne quand ses opinions lui valaient des critiques acerbes. Les plus vieux se souviendront d'une échauffourée avec Dominik Hasek au cours de laquelle le gardien des Sabres lui avait déchiré sa chemise.
Son décès a surpris les gens du milieu dont plusieurs ignoraient qu'il était atteint d'un cancer depuis un peu plus d'un an. Là comme ailleurs, Kelley a tenu son bout. Discrètement, mais vigoureusement. Jusqu'à son dernier souffle.
Cet ancien président de l'Association des chroniqueurs de la Ligue nationale, membre du Panthéon de la Renommée depuis 2004, a rendu l'âme mardi dernier, au lendemain des funérailles d'un autre bagarreur, Pat Burns. Ses collègues du hockey ont appris avec stupéfaction qu'il avait fait parvenir sa dernière chronique à Sportsnet.ca vers une heure trente du matin, ce jour-là.
Il y était allé d'une longue analyse sur le règne de deux ans du directeur général des Maple Leafs de Toronto, Brian Burke. Le genre de papier qui nécessite une profonde réflexion et qui a sans doute grugé les dernières énergies d'un homme rendu au bout de la route. Si bien que son décès a été constaté en après-midi, le jour même.
La bonne dose de courage qu'il lui a fallu pour acheminer le dernier texte de sa vie ne nous étonne pas quand on apprend que Kelley a été amené lentement vers son incontournable destin par nul autre que Pat Burns. Même combat, même fin prévisible, même sérénité face à la mort.
Kelley a été confronté à l'impitoyable verdict d'un médecin, lui aussi. Cancer du pancréas. Après avoir encaissé le choc, il a eu besoin d'aide. Il a appelé Burns, un coach avec lequel il avait eu ses différends. Burns a tenté de l'aider au meilleur de ses connaissances sur le sujet. Il lui a expliqué ce qui l'attendait au cours des mois à venir. Il lui a parlé de l'impact que ce cancer aurait sur lui. Il lui a précisé à quel point il était important pour lui de vivre cette épreuve à sa manière.
Il lui a aussi mentionné qu'il ne lui servirait à rien de s'apitoyer sur son sort. Il allait devoir se lever chaque matin en faisant face à la situation. Il allait devoir se regarder dans le miroir en s'adressant à son cancer. Pas ce matin, fallait-il lui dire. Tu ne m'auras pas aujourd'hui. Certaines journées, les choses allaient bien se passer. D'autres jours, le cancer allait le torturer. Mais chaque matin, il allait devoir recommencer le même manège jusqu'à ce que sonne l'heure du départ.
Kelley s'est livré à ces confidences dans la chronique qu'il a rédigée le jour où Pat Burns a rendu l'âme. Il a expliqué qu'à l'occasion de leur dernière conversation téléphonique, Burns lui avait avoué qu'il était résigné à son sort. Il avait vendu sa toute puissante Harley Davidson à son ami Larry Robinson, mais seulement après avoir eu l'assurance d'une façon certaine qu'il ne pourrait plus jamais l'enfourcher. Et avec son humour habituel, il avait mentionné à Robinson qu'il obtenait toute une moto à un prix d'ami et que s'il n'en prenait pas grand soin, il allait revenir le hanter.
Kelley et Burns avaient sensiblement le même âge. Le premier reconnaissait son parcours dans celui du second. Ils étaient tous les deux issus d'un milieu modeste. Kelley provenait d'une banlieue de Buffalo qui offrait peu de possibilités d'emploi. Tout en étant aux études, il avait décroché un job dans la salle de nouvelles du Buffalo News avant de se voir confier la couverture des Sabres et du hockey de la Ligue nationale.
Burns, natif de Saint-Henri, avait fait son chemin à la dure dans la police tout en apprenant les rudiments du métier d'entraîneur dans le hockey mineur, ce qui allait éventuellement le mener chez les juniors, puis dans la Ligue américaine, puis avec le Canadiens et trois autres formations de la Ligue nationale.
Par un curieux détour de la vie, Burns a rendu un dernier grand service à ce journaliste grisonnant qu'il avait maintes fois croisé durant sa carrière. Il lui enseigné à faire face à un monstre qui détruit tout sur son passage. Il l'a incité à le combattre de toutes ses forces. Et il l'a finalement guidé vers une mort sereine et digne.
Des remarques qui ont aidé Kelley à vivre sa passion jusqu'à la toute fin, ce qu'il a fait en siphonnant ce qui lui restait d'énergie pour rédiger sa dernière chronique. Une chronique dans laquelle il n'a jamais laissé transpirer la douleur qui le tenaillait.
Ces deux hommes fiers, qui avaient atteint la Ligue nationale chacun à leur façon, sont aussi partis de la même manière.
On s'échangeait des informations à une époque où le terme internet n'existait pas. Dans le temps, on conversait davantage entre collègues des différentes villes de la ligue. On se donnait des coups de fil quand les équipes qu'on suivait à la trace s'affrontaient.
Kelley a été un excellent journaliste. Il a été à l'emploi du Buffalo News durant 32 ans avant de devenir columnist à ESPN.com et jusqu'à sa mort, la semaine dernière, à Sportsnet.ca. Il était un chroniqueur rigoureux aux écrits tranchants qui ne reculait devant personne quand ses opinions lui valaient des critiques acerbes. Les plus vieux se souviendront d'une échauffourée avec Dominik Hasek au cours de laquelle le gardien des Sabres lui avait déchiré sa chemise.
Son décès a surpris les gens du milieu dont plusieurs ignoraient qu'il était atteint d'un cancer depuis un peu plus d'un an. Là comme ailleurs, Kelley a tenu son bout. Discrètement, mais vigoureusement. Jusqu'à son dernier souffle.
Cet ancien président de l'Association des chroniqueurs de la Ligue nationale, membre du Panthéon de la Renommée depuis 2004, a rendu l'âme mardi dernier, au lendemain des funérailles d'un autre bagarreur, Pat Burns. Ses collègues du hockey ont appris avec stupéfaction qu'il avait fait parvenir sa dernière chronique à Sportsnet.ca vers une heure trente du matin, ce jour-là.
Il y était allé d'une longue analyse sur le règne de deux ans du directeur général des Maple Leafs de Toronto, Brian Burke. Le genre de papier qui nécessite une profonde réflexion et qui a sans doute grugé les dernières énergies d'un homme rendu au bout de la route. Si bien que son décès a été constaté en après-midi, le jour même.
La bonne dose de courage qu'il lui a fallu pour acheminer le dernier texte de sa vie ne nous étonne pas quand on apprend que Kelley a été amené lentement vers son incontournable destin par nul autre que Pat Burns. Même combat, même fin prévisible, même sérénité face à la mort.
Kelley a été confronté à l'impitoyable verdict d'un médecin, lui aussi. Cancer du pancréas. Après avoir encaissé le choc, il a eu besoin d'aide. Il a appelé Burns, un coach avec lequel il avait eu ses différends. Burns a tenté de l'aider au meilleur de ses connaissances sur le sujet. Il lui a expliqué ce qui l'attendait au cours des mois à venir. Il lui a parlé de l'impact que ce cancer aurait sur lui. Il lui a précisé à quel point il était important pour lui de vivre cette épreuve à sa manière.
Il lui a aussi mentionné qu'il ne lui servirait à rien de s'apitoyer sur son sort. Il allait devoir se lever chaque matin en faisant face à la situation. Il allait devoir se regarder dans le miroir en s'adressant à son cancer. Pas ce matin, fallait-il lui dire. Tu ne m'auras pas aujourd'hui. Certaines journées, les choses allaient bien se passer. D'autres jours, le cancer allait le torturer. Mais chaque matin, il allait devoir recommencer le même manège jusqu'à ce que sonne l'heure du départ.
Kelley s'est livré à ces confidences dans la chronique qu'il a rédigée le jour où Pat Burns a rendu l'âme. Il a expliqué qu'à l'occasion de leur dernière conversation téléphonique, Burns lui avait avoué qu'il était résigné à son sort. Il avait vendu sa toute puissante Harley Davidson à son ami Larry Robinson, mais seulement après avoir eu l'assurance d'une façon certaine qu'il ne pourrait plus jamais l'enfourcher. Et avec son humour habituel, il avait mentionné à Robinson qu'il obtenait toute une moto à un prix d'ami et que s'il n'en prenait pas grand soin, il allait revenir le hanter.
Kelley et Burns avaient sensiblement le même âge. Le premier reconnaissait son parcours dans celui du second. Ils étaient tous les deux issus d'un milieu modeste. Kelley provenait d'une banlieue de Buffalo qui offrait peu de possibilités d'emploi. Tout en étant aux études, il avait décroché un job dans la salle de nouvelles du Buffalo News avant de se voir confier la couverture des Sabres et du hockey de la Ligue nationale.
Burns, natif de Saint-Henri, avait fait son chemin à la dure dans la police tout en apprenant les rudiments du métier d'entraîneur dans le hockey mineur, ce qui allait éventuellement le mener chez les juniors, puis dans la Ligue américaine, puis avec le Canadiens et trois autres formations de la Ligue nationale.
Par un curieux détour de la vie, Burns a rendu un dernier grand service à ce journaliste grisonnant qu'il avait maintes fois croisé durant sa carrière. Il lui enseigné à faire face à un monstre qui détruit tout sur son passage. Il l'a incité à le combattre de toutes ses forces. Et il l'a finalement guidé vers une mort sereine et digne.
Des remarques qui ont aidé Kelley à vivre sa passion jusqu'à la toute fin, ce qu'il a fait en siphonnant ce qui lui restait d'énergie pour rédiger sa dernière chronique. Une chronique dans laquelle il n'a jamais laissé transpirer la douleur qui le tenaillait.
Ces deux hommes fiers, qui avaient atteint la Ligue nationale chacun à leur façon, sont aussi partis de la même manière.