Ça fait un an qu'on nous casse les oreilles avec le fait que les choses se seraient probablement déroulées différemment si le Lightning de Tampa Bay avait pu compter sur son gardien  numéro un, Ben Bishop, dans sa série contre le Canadien, le printemps dernier. Le Canadien a lessivé Tampa en quatre matchs pendant que Bishop était tenu à l'écart du jeu par une blessure.

Durant la saison, Bishop avait disputé 63 parties. Il avait remporté 37 victoires. On aurait aimé pouvoir compter sur lui pour faire toute la différence contre le Canadien, mais une blessure est venue contrecarrer les plans du Lightning.

Durant la série qui s'amorcera vendredi entre les deux mêmes équipes, devinez de quoi il sera question? Certes, il y a des joueurs étoiles des deux côtés. Dans un camp : Carey Price, Max Pacioretty, P.K. Subban et Andreï Markov. Dans l'autre: Ben Bishop, Steven Stamkos, Tyler Johnson, Nikita Kucherov et Victor Hedman. Toutefois, sur qui va-t-on s'attarder au cours des heures qui vont précéder le début de cette série? Sur les deux gardiens, bien sûr.

Price est celui qui a battu le Lightning en quatre matchs de suite durant la dernière série entre ces deux formations. Cette saison, Bishop a savouré cinq victoires en autant de matchs contre le Canadien, dont l'une par jeu blanc. Ces deux-là vont donc vouloir régler ça au cours des deux prochaines semaines.

Price est sans conteste l'atout numéro un du Canadien tandis que Stamkos et Johnson, qui ont totalisé huit buts contre Montréal cette saison, constituent une très dangereuse force de frappe. Price doit être à son mieux pour une autre raison. Quand un gardien appartient à une équipe qui marque si peu de buts, sa marge de manoeuvre est quasi inexistante.

Ce qui nous ramène à un inévitable duel de gardiens de but, comme on en voit dans presque toutes les séries. Bishop a gagné de justesse son duel contre Petr Mrazek, des Red Wings de Detroit. Price a eu le meilleur contre les deux gardiens utilisés par Ottawa. À moins d'un effondrement inattendu, on s'attend à ce que Price et Bishop prennent part à tous les matchs car les entraîneurs qui sont forcés de faire un choix entre leurs deux gardiens sont ceux qui ne comptent pas une valeur sûre entre les poteaux.

D'ailleurs, quand une organisation remporte la coupe Stanley, elle y arrive habituellement en ne faisant appel qu'à un gardien. Au cours des 10 dernières années, la Coupe a été remportée à sept occasions par des gardiens qui ont obtenu les 16 victoires requises. Un gardien en a gagné 15 et un autre en a remporté 14. C'est la confirmation que la coupe Stanley est souvent l'affaire d'un seul gardien. Juste pour vous dire, quand Patrick Roy a gagné ses quatre coupes Stanley, il a remporté les 16 victoires en trois occasions. Pour sa toute première, en 1986, il a en obtenu 15, puisque la première série était un 3-de-5 contre Boston. C'est dire que sur un total possible de 63 victoires par le Canadien et l'Avalanche, Roy en a engrangé 63. Ken Dryden en a fait tout autant en gagnant tous les matchs de ses six coupes Stanley. Voilà le genre de genre de performances individuelles dont une formation a besoin pour remporter la coupe.

Dans les présentes séries, cinq gardiens ont remporté le maximum de quatre victoires jusqu'ici: Price, Bishop, Devan Dubnyk (Minnesota), Henrik Lundqvist (Rangers) et Frederik Andersen (Anaheim).

Comment entrer dans la légende du Canadien?

À la suite de l'élimination des Sénateurs d'Ottawa, Max Pacioretty a déclaré qu'il n'a jamais connu durant sa carrière un compétiteur du calibre de Price. S'il est vrai que Price connait une saison de rêve, il lui faudra toutefois remporter quelques coupes Stanley avant de pouvoir entrer dans la légende des grands gardiens d'une organisation qui a fait appel à sa large part de gardiens de but étoiles dans son histoire.

Je n'ai pas été témoin des six coupes méritées par Jacques Plante, mais il est bien possible qu'il en ait volé une ou deux à lui seul. Ken Dryden, qui a gagné six coupes en huit ans, a sûrement volé celle de 1971. Enfin, sans Patrick Roy, il n'y aurait pas eu de championnats à Montréal en 1986 et 1993, ce qui veut dire que le Canadien n'aurait rien gagné au cours des 36 dernières années. De son côté, si Price entre un jour dans la légende, c'est durant les séries qu'il devra y arriver.

Déjà, il y a des facteurs qui rapprochent Roy et Price. Leur solidité sur le plan technique, leur force mentale et leur capacité à briller sous la pression sont des qualités qui leur ont valu beaucoup de succès.

Après avoir échangé Roy en 1995, le Canadien a payé un prix très élevé pour cette catastrophique erreur de parcours. Pendant près de deux décennies, l'équipe a connu des années noires en ratant notamment les séries éliminatoires à six occasions, dont quatre fois en cinq ans. Une vingtaine d'années plus tard, je pense qu'on peut dire qu'on lui a finalement trouvé un digne successeur en Price. Toutefois, la confirmation de cela doit venir de Price lui-même.

À 27 ans, le temps est venu pour lui de graver son nom sur la coupe même si, malheureusement pour lui, le Canadien ne possède par encore tous les éléments pour gagner. Plante a mérité sa première coupe au même âge et Ken Dryden avait 25 ans lors de son premier triomphe. Roy, pour sa part, a réussi un rare exploit en la gagnant à 20 ans.

Il appartient maintenant à Price de joindre ce groupe sélect. Plante et Dryden ont fait la preuve qu'il n'est pas trop tard, dans la mi-trentaine, pour se hisser parmi les grands.