C'est dommage. On aurait souhaité que ça marche pour lui. Louis Leblanc, un garçon sympathique, répondait à de très beaux critères, tant sur la glace qu'à l'extérieur.

C'est un Montréalais avec une tête solide sur les épaules. Il a du talent, de la rapidité et de bonnes mains. Suffisamment de qualités pour justifier qu'on en ait fait un tout premier choix de l'équipe. Et comme si cela ne suffisait pas, il désirait ardemment porter ce chandail qui a toujours eu beaucoup d'attrait pour lui durant sa tendre enfance. Un Montréalais qui brûle du désir de jouer au Centre Bell, ce n'est pas si fréquent que ça.

Et Dieu sait qu'il a été désiré par les fans. Avant que Bob Gainey ne prononce son nom au 18e rang de la première ronde du repêchage en 2009, dans les gradins du Centre Bell, le public scandait déjà « Louis, Louis, Louis ». Sitôt repêché, il a eu droit à sa toute première ovation dans cet édifice. On espérait qu'elle soit suivie de plusieurs autres durant les 12 à 15 ans que durerait sa carrière avec le Canadien. N'est-ce pas le genre de longévité qu'on doit espérer d'un choix de première ronde?

À la table du Canadien, le président Pierre Boivin était aux anges. Selon ses dires, Trevor Timmins l'avait beaucoup plus haut sur sa liste. On a eu chaud à l'idée de le perdre. George Gillett, qui vivait son dernier repêchage à titre de propriétaire, s'est permis de dire dans un élan d'enthousiasme que l'acquisition de Leblanc lui permettait de laisser un bel héritage aux partisans de l'équipe.

C'est dire à quel point le Canadien le désirait. Pas seulement pour son talent de hockeyeur, cependant. Si Gillett parlait d'un précieux héritage, c'est sans doute qu'il comprenait à quel point une vedette francophone était cruciale pour l'avenir de l'organisation qui ne comptait que six Québécois dans ses rangs, dont le plus important était Alex Tanguay sur lequel Gainey a d'ailleurs rapidement levé le nez.

Bien sûr, les amateurs et les médias avaient exercé énormément de pression sur l'organisation pour qu'elle réclame ce jeune intellectuel patinant à l'Université de Harvard dont on disait beaucoup de bien. Il y avait si longtemps que l'organisation n'avait pas réclamé un Québécois en première ronde. Ça faisait 15 ans, en fait. Et la dernière fois, on s'était magistralement trompé. Éric Chouinard, qu'on avait préféré à Simon Gagné, n'a disputé que 13 matchs avec l'équipe.

Le Canadien n'avait donc pas gâté sa clientèle. Il l'avait même plusieurs fois déçue dans le cadre de l'encan amateur. Cette fois, les amateurs réclamaient un héros local qui lui permettrait d'espérer un meilleur avenir. L'organisation se sentait dans l'obligation de répondre à cette demande des plus légitimes. Un gars de chez nous sélectionné en première ronde à tous les 15 ans, ce n'était certainement pas trop demander.

Avec le retour de Leblanc dans les mineures, on assiste présentement à la fin d'un rêve qui n'a jamais vraiment pris naissance. Un premier choix au repêchage met habituellement deux ou trois ans avant d'atteindre la Ligue nationale. Or, cinq ans après avoir été réclamé, Leblanc ne démontre toujours pas la progression souhaitée. Son contrat tire à sa fin. Il serait très étonnant qu'on lui en offre un autre. Sa prochaine destination sera probablement l'Europe.

Son histoire ressemble beaucoup à celle d'Angelo Esposito qui n'a pas disputé un seul match dans la Ligue nationale après avoir été le 20e choix de l'encan 2007, par Pittsburgh, deux rangs devant Max Pacioretty. Au cours des mois précédant l'événement, Esposito avait même été considéré comme l'éventuel premier choix de la ligue.

Que s'est-il passé?

Durant cette saison qui est déterminante pour lui, on attend toujours que Leblanc explose ou qu'il fasse simplement une différence certains soirs. À ses 16 derniers matchs avec les Bulldogs et le Canadien, il a marqué un but.

Cet échec personnel est décevant pour tout le monde. Le Canadien n'a pas suffisamment de ressources pour ne pas en ressentir les effets à court ou à moyen terme. Que s'est-il passé pour que Leblanc n'arrive pas à se faire justice?

Peut-être s'est-il lui-même investi d'une mission si lourde que ses épaules n'ont pu la supporter? Après avoir été longtemps réclamé par les amateurs, après avoir reçu une ovation par des gens qui ne l'avaient jamais vu jouer, après avoir été pris d'assaut par les médias et encensé par le propriétaire de l'équipe, il s'est retrouvé bien malgré lui dans la peau d'un sauveur. Or, être un sauveur à Montréal n'est pas donné à tout le monde. N'est pas Guy Lafleur qui veut.

Peut-être aussi n'a-t-il pas eu le cheminement requis? Leblanc a 23 ans. Actuellement, chez le Canadien, un jeune attaquant est passé facilement devant lui. De deux ans son cadet, Michaël Bournival a disputé quatre saisons dans les rangs juniors. Leblanc n'en a joué qu'une seule avant de se retrouver à Hamilton. Le tremplin pouvant le conduire dans les majeures n'a pas été aussi complet que celui de Bournival et ça paraît.

Peut-être aussi est-ce une question de tempérament. Leblanc est calme, pas très démonstratif. S'il carbure à l'émotion, il le cache bien. S'il se chauffait du même bois que Brendan Gallagher, qui fonce tête première dans les défenseurs adverses du haut de ses cinq pieds et huit pouces, Leblanc jouerait devant Brian Gionta sans problème en ce moment.

Si je peux établir une comparaison avec un autre athlète que les Québécois ont beaucoup aimé, Leblanc me rappelle Lucian Bute. Les sports sont différents et leurs parcours respectifs n'ont pas produit les mêmes embûches, mais les points de comparaison sont assez similaires. Trop doux. Trop gentilhomme. On ne perçoit jamais d'étincelles dans son regard. Il ne joue pas le couteau entre les dents. Or, le hockey est un sport qui nécessite que ses athlètes aient du mordant, de la hargne et du courage à revendre.

Ses carences donnent ce qu'on voit, un bon petit joueur, honnête, mais sans éclat. Être un choix de première ronde à Montréal n'était sans doute pas la meilleure option pour lui. C'est devenu une responsabilité démesurée. Pourtant, il en avait beaucoup rêvé.