Le Canadien a réalisé son premier coup d’éclat lors du marché des joueurs autonomes, et ce ne fut pas en prolongeant le séjour d’Alexander Radulov ou en s’entendant sur les modalités d’un contrat avec Andrei Markov, mais en accordant un pacte de cinq ans à Karl Alzner ayant une valeur annuelle de 4,625 millions de dollars. Ce ne fut pas seulement le seul contrat accordé à l’ouverture du marché ayant une durée aussi longue que cinq ans, et franchement le salaire n’est pas si mal, mais cette décision en soi est incroyablement mélangeante.

Je gagerais que la majorité des gens ayant regardé toutes les parties du Canadien la saison dernière, surtout lors des séries éliminatoires, ne diraient pas que le principal besoin de l’équipe à la ligne bleue était de dénicher un défenseur à caractère défensif, ce qu’est assurément Alzner. En réalité, avec le départ de Nathan Beaulieu et la perte possible d’Andrei Markov, le seul joueur meilleur que la moyenne de la ligue pour faire circuler la rondelle à la ligne bleue du Canadien est Jeff Petry.

Ainsi, vous vous attendiez peut-être à ce que le Canadien soit désespéré afin d’améliorer l’habileté de son groupe de défenseurs à faire circuler la rondelle, puisqu’il compte sur un corps défensif essentiellement composé d’arrières physiques ayant tendance à se fier sur les autres au moment de faire circuler le disque. C’est le cas de Shea Weber, Jordie Benn, Brandon Davidson et maintenant Karl Alzner. Chacun de ces joueurs apporte quelque chose, mais comme unité défensive, il s’agit d’un groupe assez unidimensionnel pour la LNH d’aujourd’hui.

De l’extérieur, il semble que le Canadien tente de créer une muraille autour de Carey Price, de manière à ce que les rondelles ne soient pas décochées à proximité de lui, ce qui peut sembler être une bonne idée pour certains. Cependant, en examinant tout cela logiquement, il s’agit d’un gaspillage surprenant de ressources.

Carey Price est le meilleur gardien de la LNH. Quand vous comptez sur un tel joueur, cela vous procure l’avantage de pouvoir prendre plus de risques pour générer de l’attaque. Construire un système défensif autour de Price vous donnera des dividendes moindres, car cela minera votre puissance offensive, cela seulement dans l’optique de gonfler son pourcentage d’arrêts.

Pour être honnête, le contrat d’Alzner ne menotte pas le Canadien maintenant. Il lui reste 16,4 millions sur la masse salariale, s’il ne conclut pas de transaction. Ce montant pourrait être suffisant pour ramener Radulov (ce dernier s'est depuis entendu avec les Stars, NDLR) et Markov au bercail, ainsi qu’Alex Galchenyuk. Toutefois, il y a certaines facettes qui me préoccupent avec ce pacte.

Pas assez d’impact positif

Alzner n’est aucunement un mauvais joueur, mais ces sept dernières saisons, alors qu’il fut un joueur régulier dans la LNH, son équipe a légèrement moins bien performé lorsqu’il était sur la patinoire, quant aux différentiels de buts et de tentatives de tir. La différence fut d’environ 1,5 % à égalité numérique. Cela signifie que si une équipe compte 50 % des buts lorsqu’Alzner n’est pas sur la glace, vous pouvez vous attendre à ce qu’elle marque 48,5 % des buts lorsqu’il est sur la glace.

AlznerCe n’est pas la fin du monde, mais avec un contrat tel que celui accordé à Alzner, vous vous attendez à un impact positif. Peu importe qu’Alzner se soit frotté aux meilleurs éléments adverses ou joue d’une manière qui n’est pas à risque, la réalité est que son impact sur le jeu de son équipe ne fut pas incroyable. À 4,625 millions pendant cinq saisons, c’est payé beaucoup pour quelqu’un qui ne fait que jouer beaucoup de minutes sans être mauvais.

L’effet des coéquipiers

Il est important de mentionner qu’Alzner a connu des ennuis à la suite d’une blessure à l’aine la saison dernière, bien qu’il n’ait pas manqué une seule partie lors du calendrier régulier. Cela a certainement affecté sa mobilité. Cependant, nous pouvons éviter de nous fier à des données biaisées en se fiant à un échantillon plus important, soit les trois dernières années. Un problème que j’ai dénoté avec Alzner, lors de cette période, est qu’il fit aussi bien que la moyenne de l’équipe quant à la possession du disque, mais seulement lorsqu’il évolua avec Matt Niskanen.

Alzner a joué 4092 minutes à cinq contre cinq ces trois dernières saisons. De ces minutes, 2931 furent en compagnie de Niskanen. Lors de ces minutes, il a maintenu un différentiel de tirs respectable de 51 %. Toutefois, sans Niskanen, ce chiffre chute à 45,6 %. Pendant ce temps, ce chiffre grimpe à 55,5 % pour Niskanen lorsque celui-ci n’évolua pas en compagnie d’Alzner. À partir de ceci, nous pouvons interpréter que le style de jeu d’Alzner a significativement freiné Niskanen qui est un défenseur élite au moment de faire circuler la rondelle.

Dans cette situation, le problème pour Montréal est que le seul joueur qu’il a pouvant faire circuler la rondelle aussi bien que Niskanen est Petry. Si Alzner neutralise le jeu de transition de Petry, cela mettra beaucoup de pression sur Shea Weber. Si Alzner joue avec Weber, alors Weber est encore une fois coincé avec un partenaire qui ne fera pas ressortir le meilleur de son jeu à forces égales. Alzner est un meilleur hockeyeur qu’Alexei Emelin, mais est-il une amélioration suffisante pour s’engager quatre saisons supplémentaires? Probablement pas.

Les implications à long terme

En m’attardant sur la carrière d’Alzner, je n’ai pas pu m’empêcher d’identifier deux joueurs ayant une carrière et un style de jeu extrêmement similaires au sien : Josh Gorges et Dan Girardi.

Ces trois joueurs sont reconnus pour leur haut niveau de combativité. Ces trois joueurs n’ont pratiquement jamais raté une partie lors de leur vingtaine, jouant avec robustesse et punissant physiquement leurs opposants. Ces trois joueurs virent leurs habiletés défensives être vantées, malgré des statistiques ordinaires quant à la possession du disque. Ces trois joueurs ont joué malgré plusieurs blessures, ce qui leur a valu la réputation de guerrier.

Gorges et Girardi ont tous les deux vu leur niveau de performance chuter vers l’âge de 30 ans. À un certain point, ils ne furent même plus en mesure de s’imposer à titre de l’un des quatre meilleurs défenseurs de leur équipe. Alzner aura 29 ans lorsque la saison débutera.

Peut-être qu’Alzner est meilleur que les deux autres. Sa feuille de route est certainement plus intéressante, mais il a également joué avec des coéquipiers de meilleure qualité.

Même si le jeu d’Alzner ne décline pas au même rythme que celui des deux autres, le Canadien est dans une situation où il s’est engagé à long terme avec un défenseur de deuxième paire à caractère défensif. Ce n’est tout simplement pas une utilisation intelligente de l’espace qui sera disponible dans le futur sur la masse salariale. Dans un an, Carey Price touchera significativement plus d’argent. Dans deux ans, la même chose vaudra pour Max Pacioretty. De plus, il est probable qu’aucun de ces deux joueurs ne devienne meilleur que ce qu’il est aujourd’hui.

Le contrat d’Alzner ne paralyse pas le CH, mais il réduit la marge de manœuvre de l’équipe. Vous devez vous demander où il trouvera l’espace sur la masse salariale pour s’améliorer au poste de centre dans l’avenir.

Le bon côté des choses

Il y a beaucoup de choses pour lesquelles il faut s’inquiéter avec Alzner, mais la plupart n’ont rien avoir avec son jeu. Comme joueur, il est correct. Ce sont les circonstances avant tout qui font en sorte qu’il est difficile de comprendre cette décision.

AlznerCependant, la gestion de la rondelle est probablement la raison principale voulant que le Canadien tenait tant à ses services. Il est extrêmement rare de dénicher un joueur faisant mieux que la moyenne de son équipe pour le taux de passes complétées, le taux de revirements (il est ici inversé de façon à ce qu’un taux positif soit bien) et les taux de jeux complétés dans chaque zone.

Une partie de l’explication voulant qu’Alzner soit aussi efficace dans toutes ces actions est qu’il ne tente pas réaliser de jeux à haut coefficient de difficulté comparativement à ses coéquipiers. Il réalise moins d’actions pour chaque minute jouée que la plupart des défenseurs, mais il est indéniable qu’il ne commet que très peu d’erreurs. Ceci a de quoi charmer plusieurs équipes.

La nature de son jeu sera peut-être suffisante pour compenser sa participation médiocre au jeu collectif, le faisant passer d’un défenseur numéro cinq à un défenseur numéro quatre. Toutefois, une chose que vous devez vous rappeler en observant Alzner, c’est que lorsqu’il est sur la glace, les résultats ne penchent pas fortement dans la colonne des plus.

Une chose à noter quant à Alzner est qu’il semble connaître ses propres limites, ce qui rappelle Weber avec tout respect. Il sait ce qu’il peut et ce qu’il ne peut pas faire, ne franchissant pas souvent cette ligne. Cela fonctionne si votre objectif est de jouer du hockey qui n’est pas à risque, mais au moment d’obtenir des résultats positifs à partir de ce style de jeu, cela revient souvent à tenter de faire saigner une pierre. Tout ce que vous faites véritablement c’est d’éviter les résultats négatifs. Comme il est dit : qui ne risque rien n’a rien.

Il y a des aspects positifs à son jeu, mais il a besoin d’évoluer avec un excellent joueur au moment de faire bouger la rondelle. C’est une amélioration significative comparativement à Alexei Emelin, mais il ne peut aucunement remplacer Andrei Markov. Par conséquent, le Canadien a encore du travail sur la planche.