Parce que le Canadien et les Sénateurs se croisaient pour la première fois depuis le duel en séries éliminatoires le printemps dernier, parce que les deux équipes devaient gagner pour stopper une série de revers ou amorcer une série de victoires, je m’attendais à un bien meilleur match. À un match serré, émotif, intense.

J’attends toujours…

Le match s’est ouvert sur une bévue de P.K. Subban qui a perdu la rondelle en sortie de zone. Erik Karlsson l’a imité quelques secondes plus tard à l’autre bout de la glace.

Comme s’ils s’étaient donnés comme mission d’imiter les deux derniers récipiendaires du trophée Norris, les joueurs des deux équipes ont ensuite multiplié les erreurs, les mauvaises passes, les tirs ratés.

Une pénalité bête écopée par Jason Spezza pour un double-échec complètement inutile a permis au Canadien d’inscrire le premier but.

Andrei Markov a tiré de la pointe. La rondelle a dévié sur le bâton d’un joueur des Sénateurs – je croyais initialement que Max Pacioretty avait touché le disque – et le vétéran défenseur donnait les devants à son équipe avec son deuxième but de la saison. P.K. Subban a récolté une 13e passe sur ce but.

Le Canadien a gaspillé cette avance. Et vite à part ça…

Car dès la reprise du jeu, les Sénateurs se sont portés en attaque. Comme ils l’ont souvent fait au cours de la rencontre, les Sénateurs ont convergé vers le but pour compliquer le travail de Carey Price en lui voilant la vue.

Cette stratégie a rapidement payé. Car 28 secondes après le but de Markov, Bobby Ryan créait l’égalité.

Ryan n’a pas eu à décocher un boulet pour inscrire son 9e de la saison. Avec Kyle Turris qui se bataillait avec Josh Gorges devant Carey Price qui ne voyait que les numéros des deux joueurs et non la rondelle, Ryan a simplement eu à viser la lucarne avec un bon tir des poignets.

Une fois le score égal, les deux équipes ont levé le pied, offrant du hockey moche, terne, désolant.

Par chance, le Canadien a relancé la rencontre en deuxième. Plus agressif, plus rapide, plus impliqué, il a plusieurs fois frappé à la porte du filet des Sénateurs. Malheureusement pour Michel Therrien, ses joueurs et leurs partisans, le Canadien s’est soit buté à Robin Lehner – excellent dans la victoire avec 33 arrêts, dont quelques-uns vraiment pas commodes – et a bousillé des occasions en or.

Il en a d’ailleurs bousillé beaucoup trop.

Lars Eller, Raphael Diaz, Brendan Gallagher avaient des filets déserts – ou presque – devant eux, mais ils ont raté la cible ou carrément raté leur tir.

À ce gaspillage en règle, il est important d’ajouter que le Canadien a annulé deux attaques massives en écopant de pénalités mineures – Gallagher et Bourque sont les coupables – et un but alors que la collision de Brendan Gallagher avec le gardien Robin Lehner a annulé un but.

Sénateurs opportunistes

Inversement, les Sénateurs ont su maximiser les rares occasions dont ils ont profité.

Marc Méthot a donné les devants en milieu de deuxième période sur une passe parfaite dans l’enclave d’Andrei Markov. Le défenseur russe a récupéré la rondelle après un solide arrêt de la jambière droite de Carey Price aux dépens de Jason Spezza. Espérant un retour, Méthot a foncé vers le but. Au lieu d’un rebond, le défenseur a reçu la passe parfaite de Markov qui a eu la vilaine idée de tenter un dégagement par l’enclave.

Dès la reprise du jeu, oui encore, les Sénateurs ont répété le même genre de jeu que sur leur premier but. Kyle Turris, encore lui, s’est retrouvé devant Carey Price. Il s’est encore chamaillé, cette fois avec Subban et Markov, et le défenseur Mark Borowiecki a inscrit son tout premier but en carrière avec un tir que Carey Price n’a jamais vu venir.

Avec l’intention de secouer son équipe après le deuxième but des Sens, Michel Therrien a décidé d’envoyer son quatrième trio sur la patinoire.

La stratégie lui a sauté au visage.

Profitant de l’avantage de la patinoire et donc du dernier changement, l’entraîneur-chef des Sénateurs a réagi à la présence du 4e trio du Canadien en envoyant ses meilleurs éléments en attaque : Turris flanqué de MacArthur et Ryan.

Est-ce que Therrien aurait dû garder son 4e trio au banc? C’est très facile de répondre oui après coup. Trop facile même.

Le 4e trio doit jouer de temps en temps. Sa mission était évidente, et comme le Canadien ne tirait de l’arrière que par un but et qu’on était en mi-période, le moment n’était pas vraiment mal choisi.

Paul MacLean a simplement démontré que sa grosse moustache ne l’empêchait pas de voir clair et il a vite réagi en donnant ainsi du mordant à l’avantage de la patinoire.

Avec trois buts accordés sur 23 tirs, Price a été la cible de critiques sur les réseaux sociaux après la rencontre. Des critiques aussi injustes qu’injustifiées. Mais bon! Comme ils ont dû serrer les dents trop souvent à leur goût depuis le début de la saison en raison des performances solides du gardien numéro un du Canadien, les anti-Price avaient de toute évidence bien hâte de se faire entendre.

Ils ont raté une belle occasion de se taire.

Subban à profusion

Tous ceux, et Dieu sait qu’ils sont nombreux, qui ont hurlé au loup après le match de mardi en raison de l’utilisation bien trop timide de P.K. Subban ont bien dormi cette nuit et seront heureux aujourd’hui.

Du moins je l’espère.

Car dans le cadre d’un match au cours duquel les Sénateurs ont offert cinq attaques massives au Canadien, la pierre angulaire de l’attaque à cinq a passé 27:09 sur la patinoire.

Si ses coéquipiers n’avaient pas écopé cinq pénalités, Subban aurait sans doute flirté avec les 29 minutes. En quête des buts nécessaires pour effectuer une remontée, Michel Therrien a multiplié les présences de Subban. Ce qui était tout à fait normal.

Comme quoi la tempête des derniers jours sur les minutes de jeu accordées ou retirées à P.K. Subban était confinée à un verre d’eau…

En passant, Erik Karlsson, qui est aussi important pour les Sénateurs que P.K. l’est pour le Canadien, a terminé sa soirée de travail avec 24:28. Il n’a passé que cinq secondes sur la patinoire en désavantage numérique.

Du bon et du mauvais…

À 3-1, le Canadien a eu des chances de revenir dans le match. Il les a toutes gaspillées.

Je peux comprendre que l’entraîneur-chef Michel Therrien et ses joueurs assuraient qu’ils auraient mérité un meilleur sort hier. Que n’eût été des gros arrêts de Robin Lehner, ils auraient pu rouler le cœur léger en direction de Montréal après une victoire au lieu de ruminer un revers entre Kanata et Rigaud.

Plusieurs statistiques leur donnent d’ailleurs raison :

Les sept tirs du trio Eller-Galchenyuk-Gallagher, le meilleur trio du Canadien hier soir, auraient pu donner un ou des buts.

Tout comme les 9 tirs cadrés de P.K. Subban – il en a tenté 15 – les 5 d’Andrei Markov, les 34 au total qui donnent l’impression que le Canadien a bel et bien dominé le match.

Il ne faut toutefois pas se laisser berner.

Oui le Canadien a dominé les tirs, oui il aurait pu sortir gagnant d’Ottawa en profitant de ses belles occasions de marquer au lieu de les gaspiller.

Mais à l’exception du trio des jeunes qui semblaient bien heureux de se retrouver après une séparation d’un match, les autres trios n’ont pas été convaincants.

Pas assez pour le trio de Plekanec flanqué de Pacioretty et Gionta. J’aime l’idée de réunir ces trois joueurs au sein d’un même trio. Pacioretty devrait marquer avec la complicité de l’excellent Plekanec et Gionta devrait être en mesure de jouer au goéland en récupérant des rondelles libres autour du but pour marquer.

Mais hier, Pacioretty semblait jouer sur le bout du bâton au lieu d’afficher sa carrure habituelle.

On s’est surpris à quelques occasions de vouloir revoir le jeune Michaël Bournival avec les vieux Plekanec et Gionta.

Ça viendra peut-être plus vite qu’on le pense.

Car muté à la gauche de David Desharnais et Rene Bourque, Bournival n’a pas été bien visible hier. Est-ce sa faute? Celle de ses compagnons de trios?

La deuxième raison me semble la meilleure.

Après une partie suivie de la galerie de presse, David Desharnais n’a pas affiché la conviction, la hargne, la rage qu’on attendait. Il n’a pas mal joué. Non! Mais il s’est simplement contenté de jouer. Au lieu de se défoncer.

Rien pour aider, il s’est contenté de 2 mises en jeu gagnées sur les 10 qu’il a disputées.

Avec le retour imminent de Daniel Brière qui a patiné à fond la caisse jeudi à Ottawa, Desharnais est bien mieux de comprendre qu’il doit se défoncer pour connaître du succès, sinon il retournera rapidement sur la galerie de presse.

Remarquez qu’à mes yeux, il aurait dû y être confiné deux ou trois matchs pour faire le vide de frustrations, le plein d’énergie et ainsi s’assurer de rebondir pour vrai une fois l’occasion venue.

Mais bon : ce n’est pas moi qui coache!

Le match en chiffres

Brendan Gallagher a écopé quatre pénalités mineures au cours du match de jeudi, dont trois au cours de la seule première période…

S’ils ont perdu la bataille des tirs au but, les Sénateurs ont gagné la guerre des mises en échec. Non seulement ont-ils pris le contrôle devant le filet de Carey Price, tout en s’assurant de chasser les joueurs du Canadien devant leur gardien Robin Lehner, mais les Sens ont dominé les batailles le long des bandes également en assénant 38 mises en échec. Dix-huit de plus que le Canadien…

Autre domination des Sénateurs : les batailles aux cercles de mises en jeu. Dominé 16-5 au premier tiers, le Canadien a fait un peu mieux en deuxième (11-7) pour terminer la rencontre avec 23 mises en jeu gagnées sur les 61 disputées. Le Canadien s’est contenté de 38 % d’efficacité dans les mises en jeu à ses deux derniers matchs. Quand tu perds autant de mises en jeu, tu passes beaucoup trop de temps à tenter de récupérer la rondelle pour amorcer une attaque au lieu de la lancer dès la reprise du jeu…

Pour un sixième match de suite, les spécialistes du désavantage numériques chez le Canadien ont été parfaits, écoulant les cinq attaques massives des Sénateurs. Le Tricolore a écoulé avec succès les 18 désavantages numériques lors de ses six dernières rencontres et 25 des 26 écoulés lors des ses neuf derniers matchs…

Le Canadien profite d’un congé vendredi. L’entraînement reprendra samedi en vue du match de dimanche (18 h) alors que les Islanders de New York seront les visiteurs au Centre Bell…