Lorsque Geoff Molson a annoncé la nomination de Marc Bergevin à titre de 17e directeur général de l’histoire du Canadien, le 2 mai 2012, le propriétaire a pris une chance. Il a parié sur un gars qui comptait sur une solide expérience de 20 saisons dans la LNH à titre de joueur, mais qui n’avait aucune expérience à titre de directeur général.

Trois ans et demi plus tard, la mise de Geoff Molson a rapporté beaucoup sur la patinoire d’abord, mais aussi au niveau de l’image du Tricolore qui a repris une grande partie du lustre qu’il avait perdu lors des règnes successifs de Bob Gainey et Pierre Gauthier.

Le Canadien n’a pas encore soulevé la coupe Stanley. C’est vrai. Et au-delà les succès multipliés par le Tricolore depuis le début du règne de Bergevin, il est impossible de promettre que la 25e coupe défilera dans les rues de Montréal le printemps prochain, dans deux ans, ou d’ici la fin de la saison 2022 lorsque prendra fin la prolongation de contrat de cinq ans qu’il a signée tard mardi soir.

Mais contrairement à l’équipe désorganisée, sans âme et sans identité dont il a hérité après la saison désolante et désastreuse de 2011-2012 – 78 points seulement au classement, 27e place au classement général et bien sûr exclusion des séries – le Canadien est maintenant un prétendant logique à la coupe.

Les 141 victoires du Canadien sous l’œil vigilant de son directeur général (141-68-25) hissent le club au 3e rang dans la LNH au chapitre des gains.

Ses 34 matchs disputés en séries éliminatoires hissent le Canadien au 2e rang dans l’Association Est derrière les Rangers de New York qui en ont disputé 56.

Crédibilité retrouvée

Marc Bergevin n’a pas relancé le Canadien à lui seul. Certainement pas. Non seulement a-t-il entouré son entraîneur-chef Michel Therrien d’une solide équipe d’adjoints – l’embauche de Stéphane Waite pour aider Carey Price à atteindre son apogée vient certainement en tête de liste – mais il s’est doté lui aussi d’un groupe de conseillers et d’espions-recruteurs de premier plan.

Bergevin profite bien sûr de la complicité de tous ses hommes de hockey. Et c’est lui qui récolte le fruit des décisions très positives qu’il a prises bien guidé qu’il était par ses conseillers.

C’est toutefois lui et lui seul qui dicte le rythme. Qui donne le ton. L’élan qu’il a donné et qu’il s’assure de maintenir en s’impliquant à fond dans toutes les facettes de la gestion de son équipe oblige d’ailleurs tout son monde – joueurs et membre de l’état-major inclus – à être réveillé, éveillé, aiguisé. Ça donne les résultats qui ont relancé l’espoir des partisans et qui ont redonné de la crédibilité à une organisation qui en avait beaucoup perdu au fil des cinq, sept, dix dernières années.

Pas surprenant que plusieurs directeurs généraux de la LNH aient répondu à l’invitation de mon collègue Pierre Lebrun et accepté de commenter la nouvelle de la prolongation de Marc Bergevin. D’avoir couvert de compliment le d.-g. du Canadien.

L’élan dicté par Bergevin est aussi bénéfique aux guichets. Vrai que le Canadien faisait salle comble avant l’arrivée de Bergevin. Mais la grogne généralisée sous Bob Gainey et Pierre Gauthier empêchait le Tricolore de maximiser ses revenus et ses profits.

Les succès sur la glace et les espoirs qu’ils ont ravivés ont moussé les revenus au point de placer le Canadien au deuxième rang du palmarès du magazine Forbes au chapitre des équipes les plus riches de la LNH. Les Rangers sont premiers avec une valeur au livre estimée à 1,2 milliard devant le Canadien à 1,18 et les Maple Leafs de Toronto qui, minés par des ennuis autant sur la patinoire que dans l’opinion publique depuis quelques années, ont glissé au troisième rang avec une valeur de 1,15 milliard.

À l’image de Geoff Molson et du Canadien, les propriétaires de Maple Leafs ont d’ailleurs amorcé un virage pour redorer leur lustre – qui n’a jamais égalé celui du Canadien il est vrai – en confiant la relance à Brendan Shanahan qui s’est tourné vers Lou Lamoriello et Mike Babcock comme directeur général et entraîneur-chef.

On verra si les Leafs suivront les traces du Canadien et retrouveront le chemin de la victoire et surtout celui de la respectabilité au cours des deux ou trois prochaines années.

« Je suis heureux aujourd'hui »

Millions $ bien dépensés

S’il s’est retrouvé à la tête d’une organisation en plein désarroi, Marc Bergevin a malgré tout hérité d’un noyau de joueurs intéressants.

Un noyau qu’il a solidifié avec des contrats à long terme qui lui ont permis de garder les Max Pacioretty, Carey Price et autre Brendan Gallagher à bon prix.

Max Pacioretty est une aubaine avec son salaire moyen de 4,5 millions jusqu’en 2019.

Carey Price aussi puisque son contrat de 6,5 millions sous le plafond valide jusqu’en 2018 est bien en deçà de sa valeur réelle dans la LNH.

Marc Bergevin a accepté de passer outre les contrats de transitions qu’il impose à ses jeunes joueurs autonomes sans compensation depuis son arrivée à Montréal dans le dossier Brendan Gallagher. Mais le fait d’avoir Gallagher à 3,5 millions par année sur sa liste de paye jusqu’en 2021 est un solide coup pour le directeur général.

Après un début un brin ou deux timide, David Desharnais donne aujourd’hui raison à Marc Bergevin de lui avoir consenti un contrat de 3,5 millions qui prendra fin au terme de la saison prochain.

P.K. Subban à 9 millions de salaire moyen coûte très cher c’est vrai. Il coûte peut-être même plus cher que s’il l’avait mis sous contrat à long terme sans lui imposer un contrat de transition. Mais les 9 millions $ qu’il reçoit du Canadien, Subban les rembourse avec intérêts grâce à une incroyable valeur de mise en marché qui permet de maximiser son image.

Bergevin a eu la main heureuse en signant un contrat de deux ans avec le vieil Andrei Markov et la main plus heureuse encore en obtenant Jeff Petry des Oilers d’Edmonton à la date limite des transactions le printemps dernier (contre un choix de 2e ronde) et en le gardant à Montréal au coût très raisonnable de 5,5 millions $ par année jusqu’en 2021.

Emelin coûte cher à 4,5 millions $ par année sous le plafond pour encore deux ans. Mais c’est le seul contrat un brin trop généreux – à mes yeux – offert par Bergevin depuis son arrivée.

Quand on pense aux millions qui sont gaspillés autour de la LNH, le fait que l’on retrouve un seul contrat simplement généreux chez le Canadien est une indication de plus du bilan financier très positif du d.-g. du Canadien.

En attendant la coupe

Parce que la coupe Stanley fait foi de tout dans la LNH, il est bien évident que tout ce que Marc Bergevin a accompli de bien et de bon pour le Canadien de son arrivée, et tout ce qu’il accomplira au fil d’un règne qu’il voudrait sans doute voir se prolonger bien au-delà de la prolongation de contrat signée lundi, ne sera jamais suffisant s’il ne peut rapatrier la grosse coupe Stanley à Montréal.

Après avoir multiplié les bonnes embauches, les bonnes transactions et les bonnes mises sous contrat, Marc Bergevin trouvera-t-il le moyen de conclure une mégatransaction ou une embauche d’un joueur autonome de premier plan qui rapprocheraient son club de la coupe Stanley ?

Les prochaines semaines, mois, années nous le diront.

Mais ce qui semble acquis, et il l’a lui-même confirmé lors de son point de presse avant la rencontre face aux Rangers à Madison Square Garden, c’est que Marc Bergevin ne posera pas d’actes impulsifs qui pourraient sourire à son équipe à court terme, mais qui mettraient l’avenir de l’organisation en péril.

Et c’est peut-être là la plus grande des nombreuses qualités qu’on doit défiler lorsque vient le temps d’analyser le travail de ce directeur général qui était peut-être vert lors de son embauche en mai 2012, mais qui s’est depuis hissé parmi les meilleurs de sa profession.