Lorsque le Canadien a limogé Paul Wilson dans la foulée du congédiement du directeur général Marc Bergevin qui était son patron, j’ai tout de suite pensé que Chantal Machabée pourrait assumer l’immense responsabilité de gérer les communications du Tricolore.

Cela dit, si j’étais convaincu qu’elle était la meilleure candidate pour rafraîchir et protéger l’image du Canadien, j’étais loin de croire qu’elle accepterait de passer du « côté obscur » de la force...

Pas que le défi soit trop gros pour elle. Au contraire. Si quelqu’un, au Québec, est capable de composer avec ce job de fou, de composer avec les journalistes fatigants et leurs questions interminables, de composer avec les rumeurs et spéculations qui sont plus contagieuses encore que le virus Omicron, c’est bien ma collègue depuis toujours.

Ou mon ancienne collègue que je dois maintenant écrire à regret.

Mais ça demeure un job de fou.

Gérer les communications du Canadien de Montréal, c’est bien plus que distribuer les questions lors des points de presse de Dominique Ducharme après les entraînements et les matchs du Canadien. C’est bien plus qu’ouvrir les portes du vestiaire – quand il est possible de les ouvrir – et de donner aux journalistes les joueurs qu’ils réclament après les entraînements, les victoires ou les défaites.

C’est de gérer l’image de l’équipe. C’est d’orchestrer le retour de Jonathan Drouin devant les caméras après la pause qu’il a réclamée et obtenue afin de se remettre des ennuis psychologiques qui l’ont mis K.-O. sur la glace et dans sa vie de tous les jours l’an dernier.

C’est de convaincre les joueurs et les dirigeants que toute vérité est bonne à dire, à écrire et à entendre. Que les vérités aident à comprendre. Que les vérités réduisent au minimum les risques de spéculations lancées à droite et à gauche par des gens qui croient savoir, mais qui ne savent rien... parce que le club ne dit rien.

Chantal hérite donc d’un job de fou.

Non seulement le Canadien traverse l’une des pires saisons de son histoire, mais l’équipe est en plein marasme alors que plusieurs joueurs seront sacrifiés au cours des prochaines semaines afin de faire le plein de choix au repêchage et d’espoirs susceptibles de faire miroiter des jours meilleurs.

Nouveau DG et retour de Price

Un des premiers mandats dont Chantal héritera sera de présenter et de défendre la sélection du prochain directeur général ou directrice générale de l’organisation. Un directeur — ou directrice — qui traîne, avant même d’avoir été nommé, le quolibet de faire-valoir francophone du vice-président des opérations hockey Jeff Gorton. Un Américain qui est, du moins pour l’instant, le responsable des opérations hockey.

À moins qu’il ne soit échangé d’ici là – ce qui me surprendrait beaucoup – c’est Chantal qui devra aussi préparer le retour de Carey Price. Pas sur la glace, mais devant les caméras. Un retour au cours duquel Price devra répondre à des questions qu’il n’aimera peut-être pas, mais qui viendront quand même.

C’est la qualité de sa préparation qui lui permettra de composer avec ces questions et d’offrir des réponses qui démontreront qu’il est remis à 100 % de tous les ennuis – peu importe leur nature – qui l’ont obligé à demander l’aide de la LNH et de son Association des joueurs et à quitter une équipe, des coéquipiers et des partisans qui auraient eu bien besoin de lui. Qui démontrera qu’il est prêt physiquement et mentalement à reprendre la défense de son but.

Ajouter à ça, les demandes d’entrevues de tout ce qui se fait de publications, de stations de radio et de télé aux quatre coins de la planète hockey, ajouter les offres de commandites, de publicités, de parrainages acheminées aux joueurs du CH et qui impliquent le Tricolore et ça vous donnent une idée du quotidien qui attend Chantal.

Et ça, c’est lors des petites journées.

« Dossier Mailloux »!

Car quand un joueur ou son épouse lance un commentaire négatif sur l’équipe, la ville, la province, le fait français, les hivers trop froids, les mesures sanitaires trop sévères, la tempête lève vite. Et elle fait rage...

Et ce n’est rien en comparaison avec la sélection mal avisée d’un jeune junior qui a eu la fâcheuse idée d’immortaliser sur son téléphone un moment intime avec une belle jeune Suédoise et qui s’est fait un « devoir » de montrer sa photo comme un beau trophée de chasse à ses coéquipiers.

Je parle bien sûr ici de Logan Mailloux et de l’erreur qu’il a commise. Je ne reviendrai par sur le geste du défenseur et sur le jeune homme en question. J’ai dit et j’ai écrit ce que j’avais à dire et à écrire sur lui.

Mais si Chantal avait été dans l’entourage du Canadien lorsque le nom de Logan Mailloux a circulé à titre de premier choix du dernier repêchage, peut-être que le Canadien ne se serait pas plongé dans pareil embarras.

Maître des communications de profession, Paul Wilson a fait son travail l’été dernier. Il a mis son patron Marc Bergevin en garde des contrecoups d’une telle sélection. Il a parlé aux recruteurs en leur faisant comprendre la volatilité de la situation. En leur illustrant les risques qu’une telle sélection puisse soulever le toit du Centre Bell.

Ils ne l’ont pas écouté. Avec les conséquences qu’on connaît. La sélection de Mailloux a coûté le job de Trevor Timmins. Elle a aussi très certainement contribué aux congédiements de Bergevin et Wilson.

Est-ce que Chantal aurait pu empêcher cette sélection et éviter à Geoff Molson l’odieux de défiler devant les journalistes pour s’excuser et assumer la responsabilité de « l’Affaire Mailloux »?

Je ne sais pas.

Ce que je sais toutefois, c’est qu’à titre de femme, Chantal aurait pu faire comprendre aux recruteurs, à Marc Bergevin, leur patron et même à Geoff Molson que cette sélection était non seulement une mauvaise idée, mais carrément un non-sens. Ce que Paul Wilson a certainement tenté de faire. Mais il lui manquait une qualité importante pour se faire plus convaincant encore.

Respectée de tous

Pour relever des défis quotidiens déjà imposants et les tempêtes médiatiques un brin folles et parfois deux brins démesurées, Chantal Machabée compte sur des qualités importantes.

La première : elle est respectée de tous. Par les dirigeants du Canadien et des autres équipes de la LNH. Par les joueurs du Tricolore et des autres formations du circuit.

Les Québécois évoluant aux quatre coins de la LNH connaissent Chantal Machabée depuis qu’ils ont donné leurs premiers coups de patin. Comme leurs parents, comme leurs amis, ils l’ont toujours appelé Chantal. Et ça n’a rien à voir avec un manque de respect.

Au contraire!

Chantal est non seulement le visage de RDS depuis qu’elle il y a lu – avec Serge Deslongchamps – le tout premier bulletin qui a lancé l’histoire de la station, elle est l’un des visages les plus connus et reconnus au Québec. Et je ne parle pas ici seulement des visages connus et reconnus par les partisans du Canadien, par les amateurs de hockey ou les amateurs de sports en général. Je parle de tous les visages.

Pas surprenant alors que les joueurs, leurs parents et les amateurs qui la croisent depuis des années l’appellent par son prénom.

Ce qui est vrai avec les joueurs, avec les partisans, avec les auditeurs et les téléspectateurs l’est aussi avec les collègues journalistes.

Au-delà les rivalités normales qui opposent les journalistes de toutes les plateformes qui sont appelés à couvrir les activités du Canadien, des rivalités qui ouvrent parfois la porte à un peu de « coltaillage », Chantal a toujours su maintenir des relations harmonieuses avec tous et toutes.

Ce qui n’est pas évident dans notre milieu.

Ce respect que tout le monde lui affiche des deux côtés de la clôture l’aidera, j’en suis convaincu, à réussir ce qu’elle tient à réussir à titre de vice-présidente aux communications du Tricolore.

Elle veut revoir la façon de faire.

Elle veut s’assurer d’offrir aux partisans, autant que faire se peut, des informations justes et précises sur les réalités de l’équipe et de ses joueurs. Le haut du corps et le bas du corps, ce n’est pas de l’information juste et précise. Ça n’aide pas les amateurs à comprendre pourquoi un joueur en arrache sur la glace.

Garder loin des questions, un gars qui a écopé une mauvaise pénalité, qui a commis une erreur qui a coûté le match ou qui est susceptible d’être suspendu par le bureau de la sécurité des joueurs, ce n’est pas de l’information juste et précise.

Avec le respect dont elle profite des deux côtés de la « force » Chantal pourra faire comprendre à un joueur, ou aux responsables des opérations hockey qui veulent le protéger, qu’il vaut mieux affronter quelques questions difficiles que de se cacher à l’infirmerie.

Et lorsqu’un joueur ne sera vraiment pas en mesure de venir répondre, elle pourra l’expliquer et ses explications seront acceptées et non balayées du revers de la main par les journalistes.

Avant d’accepter le job prestigieux qui lui a été offert deux jours seulement après le congédiement de Paul Wilson, Chantal Machabée a beaucoup réfléchi. Elle a posé des questions. Elle a dressé une liste de stratégies qu’elle entend implanter pour améliorer une image que le CH et ses joueurs doivent améliorer.

Si elle a dit oui, c’est qu’elle a en mains les moyens pour réaliser ses plans.

Et c’est tant mieux.

Tant mieux pour les amateurs qui pourront être mieux informés par les journalistes, tant mieux pour les journalistes qui auront quelqu’un pour expliquer aux joueurs qu’ils ne sont pas des ennemis, tant mieux pour les joueurs qui seront plus enclins à expliquer ce qu’ils ont fait de bien et de mon bien sur la glace.

Tant mieux pour tout le monde.

Je perds une collègue estimée et appréciée, mais le CH, ses joueurs et leurs partisans gagnent une alliée qui les aidera à ragaillardir leur image au fil des prochaines années.

Encore une fois bravo Chantal.

Bravo et Bonne chance afin de relever ce défi imposant qui se dresse devant toi.