Plusieurs changements ont été apportés à la formation du Canadien cette saison. Sept nouveaux visages ont été greffés à l'équipe si on inclut les jeunes Jarred Tinordi et Nathan Beaulieu, qui ont fait quelques percées timides l'an dernier. Jusqu'ici, Pierre-Alexandre Parenteau, Manny Malhotra  et Dustin Tokarski (un match spectaculaire qui lui a permis de voler une victoire) ont eu un impact dans cet étonnant début de saison. Pour ce qui est des deux autres, Jiri Sekac et Tom Gilbert, ça reste à voir.

Ça semble inévitable, chaque équipe de la ligue traîne des passagers. Par exemple, demandez à la direction des Oilers d'Edmonton si elle apprécie ce qu'elle obtient de Benoit Pouliot après lui avoir consenti 16 millions pour les quatre prochaines années. Pour le moment, c'est zéro plus une barre.

À Montréal, on attend toujours que Rene Bourque et Lars Eller sautent dans le train. On sait que Eller le fera éventuellement, mais c'est loin d'être sûr dans le cas de son ailier gauche. Quand le gros attaquant a été obtenu des Flames de Calgary, il traînait déjà la réputation d'un joueur irrégulier, pas toujours porté sur l'effort. Il a fait peu de choses pour modifier l'impression négative qu'on avait de lui.

Le Canadien serait une formation plus menaçante encore si Bourque était le joueur qu'il devrait être. On en a eu une preuve éloquente durant les dernières séries quand il s'est glissé dans la peau d'un chef de file. Il ne s'est pas contenté d'être gros. Il a joué gros. Tout juste assez pour justifier le fait qu'il soit encore là.

Même si Marc Bergevin pose parfois des gestes étonnants, il aurait été surprenant qu'il se départisse de Bourque dans les circonstances. Durant les séries, cet attaquant intrigant a faussement donné l'impression qu'il était en train de débloquer. On a eu l'impression qu'il prenait goût à jouer un rôle important au sein d'une formation qui s'en allait dans la bonne direction.

Malheureusement, le bonhomme est vite redevenu lui-même. Il peut avoir un ou deux soubresauts dans un match, mais l'ensemble de son jeu est toujours aussi décevant. Peut-être aurait-on pu trouver preneur pour lui immédiatement après les séries, mais en saison régulière, qui voudrait d'un gars qui devra empocher cinq autres millions de dollars au cours des deux prochaines années?

Les Flames de Calgary ont été chanceux de pouvoir le refiler à Pierre Gauthier qui, lui, cherchait à se débarrasser du poids financier que représentait le contrat de Mike Cammalleri.

Une transaction pas trop banale si on considère que le choix de deuxième ronde obtenu de Calgary dans l'échange a permis au Canadien de repêcher Zachary Fucale. Pour le reste, Calgary e eu le meilleur. Cammalleri a donné 50 buts aux Flames. Bourque, 21 au Canadien.

Des excuses, des excuses…

J'ai été étonné des excuses cousues de fil blanc que Bourque a offert au collègue Richard Labbé, de La Presse. Rien de ce qui lui arrive n'est vraiment de sa faute. « Les séries, c'est vraiment mon style de jeu, a-t-il raconté. Ça frappe; c'est plus agressif. Je dirais que je m'ajuste mieux à ce style-là. »

Le Canadien s'est mesuré aux Maple Leafs de Toronto, aux Capitals de Washington et aux Bruins de Boston en ce début de saison. Ça ne manquait sûrement pas d'agressivité contre ces trois adversaires qui vendent toujours chèrement leur peau contre le Canadien. N'était-ce pas le genre de rivaux faits sur mesures pour lui? Bilan de ces trois matchs : une mention d'assistance, un différentiel de moins 2 et trois tirs au but. Pour l'ensemble des sept premiers matchs, il a obtenu 10 tirs. Son différentiel est de moins 7.

Vous voulez un autre excuse? Pour lui, compléter un trio avec les Européens Lars Eller et Jiri Sekac nécessite des ajustements. « Je dois souvent ralentir en arrivant en zone adverse, a-t-il expliqué. Eux, ils tentent de patiner est-ouest pour aller le long des bandes. Je dois arrêter à la ligne bleue en attendant qu'ils arrivent ». Encore une fois, c'est pas de sa faute.

Je me demande si Bourque aurait le cran de s'exprimer de cette façon devant son directeur général qui a vu neiger. Sans chercher une excuse à Eller, qui n'est guère plus brillant en ce moment, peut-être serait-il plus productif si son ailier gauche patinait et s'impliquait comme il l'a fait durant les séries. On ne peut quand même pas demander à Sekac, dont ce sont les premiers coups de patins dans la ligue, de faire fonctionner les deux autres. Encore moins à Dale Weise qui l'a remplacé contre Detroit.

Bourque représente une patate chaude dans le budget salarial de Bergevin et un boulet dans le système de Michel Therrien. Quand on essaie de bâtir une équipe championne, comment fait-on pour relancer un joueur talentueux dont la contribution en dents de scie fait rarement la différence? Comment arrive-t-on à le faire produire? Même Therrien, un dur pas très tolérant, n'y arrive pas.

Il y a toujours eu plein d'interrogations concernant Bourque. Pourquoi n'a-t-on jamais repêché un gars de sa stature et de sa rapidité? Pourquoi les Blackhawks de Chicago ont-ils abandonné dans son cas deux ans après lui avoir offert son premier contrat professionnel? Pourquoi Calgary s'est-il départi de lui malgré deux saisons de 27 buts? Pourquoi Bergevin est-il incapable de trouver preneur quand il sonde l'intérêt de ses homologues à son sujet?

Si vous posiez toutes ces questions au principal intéressé, il serait incapable d'y voir des explications. Pourquoi? Parce qu'à ses yeux, il est loin d'être le joueur irrégulier que tout le monde dépeint. Il dit même se foutre de l'étiquette du joueur qui manque de constance qui lui colle à la peau.

« On m'a attribué cette réputation quelque part durant ma carrière. Je trouve que c'est exagéré », a-t-il dit sans rire.

Un athlète, qui croit n'avoir rien à se reprocher, ne peut pas ressentir la nécessité de changer d'attitude. Ça donne ce qu'on voit dans ce cas bien précis.

Bourque n'a pas le talent d'un Alex Galchenyuk qui, avec beaucoup d'acharnement, a sauvé les meubles contre les Red Wings, mais s'il avait sa détermination et sa fougue, il serait un joueur d'impact dans une équipe qui aurait bien besoin de sa contribution.