Samedi, Marc Bergevin a profité de la présence de Carey Price, de Max Pacioretty, de Tomas Plekanec et d'Andrei Markov au Complexe de Brossard pour les rencontrer individuellement et leur expliquer la décision qu'il avait prise conjointement avec Michel Therrien au sujet du statut de capitaine.

P.K. Subban, qui n'était pas encore arrivé à Montréal, a reçu un coup de fil du directeur général dimanche l'invitant à le rencontrer vers 8h15, au club de golf de Laval-sur-le-Lac, le lendemain matin. J'ignore comment Subban a interprété cette démarche, mais il s'est présenté au club dès 7h30.

Mettons cela sur le compte de la nouvelle image de maturité qu'il tente de présenter ou d'une tentative pour se faire remarquer par celui qui lui a accordé un contrat mirobolant qui, à 25 ans, assure déjà ses vieux jours. Si Bergevin ne semble pas lui avoir concédé 72 millions de gaieté de coeur, dans son for intérieur, il savait très bien que son défenseur aurait été irremplaçable si les choses avaient mal tourné. Pas un incontournable comme capitaine, Subban. Surtout un joueur sans qui il faudrait oublier la coupe Stanley s'il n'était pas là.

Comme quoi il y a un monde de différence entre un statut de joueur étoile et celui de capitaine. Comme quoi les grands joueurs ne représentent pas toujours les meilleurs traits d'union entre le vestiaire et le bureau de l'entraîneur.

Un capitaine digne de cette responsabilité doit avoir de l'envergure et de la prestance, comme joueur et comme homme. Il doit avoir du jugement, de la maturité et du vécu. Subban, qui aurait été un choix populaire, n'a pas la maturité voulue et encore moins le vécu en ce moment. Même chose pour Pacioretty sur l'aspect du vécu.

Quand on élabore les qualités requises pour obtenir pareil vote de confiance, on pense notamment à l'ultime capitaine, Jean Béliveau, dont les joueurs allaient sonder le jugement quand ils faisaient face à divers problèmes, y compris matrimoniaux. Quand ses coéquipiers passaient par lui pour faire part de leurs doléances à la direction, leurs messages transmis par le Gros Bill ne tombaient pas dans de sourdes oreilles en haut lieu. Il était un leader et un chef de file d'un charisme et d'une classe exceptionnelle.

Bob Gainey a été un joueur dont les statistiques personnelles ne s'approchaient pas de celles des grands Glorieux de l'organisation. Il était juste un gars sérieux, pondéré et humain. Il avait l'écoute de tous les joueurs sans exception. Il les inspirait notamment en jouant en dépit des pires blessures. Entre les périodes, quand les choses n'allaient pas trop bien pour l'équipe, il prenait la parole. On m'a raconté que dès qu'il se levait devant son casier, les joueurs interrompaient leurs conversations. C'était assez évident qu'il ne parlerait pas pour ne rien dire.

Serge Savard était un autre capitaine qui avait du coffre. Il était un homme renseigné et cultivé. Si on lui faisait entièrement confiance pour un tuyau à la bourse, il était aussi une personne-ressource à divers égards. Larry Robinson, Guy Lapointe et lui ont été parmi les défenseurs les plus remarquables de leur époque, mais le sénateur avait l'allure d'un chef dans ce Big Three. Peut-être parce que Robinson, considéré avec Doug Harvey comme le meilleur défenseur dans l'histoire du Canadien, n'a lui-même jamais été capitaine.

Qui de Plekanec, Markov, Pacioretty ou Subban a des traits de ressemblance avec les trois capitaines que je viens d'identifier. Aucun d'eux, bien sûr. Plekanec et Markov, deux introvertis, n'ont pas la personnalité requise pour s'acquitter de ce mandat. Pacioretty et Subban, deux jeunots, s'appuieraient sur quoi pourA conseiller des coéquipiers en difficulté sur le plan personnel? À cet âge-là, les athlètes ont déjà du mal à veiller sur leur propre personne.

On dira peut-être que le sport a beaucoup changé et que le comportement des athlètes dans le vestiaire a suivi la même tendance, de sorte que les capitaines n'exercent plus le même impact entre les quatre murs de la chambre. Néanmoins, il y a un aspect qui ne changera jamais. Un capitaine doit être un rassembleur. Il doit faire l'unanimité parmi les siens. Il doit être celui vers qui on peut se tourner quand on est en quête d'une solution. Or, le seul porte-couleurs du Canadien qui se rapproche de cette description n'a pas de lettre sur son chandail: Carey Price.

Dans cette histoire de capitaine, le Canadien semble un peu victime de son virage jeunesse. On met tellement d'emphase sur ceux qui vont transporter le Canadien au cours des années à venir que les candidats au titre de capitaine n'ont actuellement pas ce qu'il faut pour succéder à Brian Gionta. Trop tôt. Trop jeunes.

On exagère sur les leaders

Par ailleurs, c'est assez paradoxal d'entendre l'entraîneur affirmer qu'il y a plusieurs leaders dans son équipe. Une formation comptant sur plusieurs leaders, mais qui jouera une saison complète sans capitaine, c'est plutôt bizarre.

Par contre, même si l'an prochain, les joueurs auront tous vieilli d'un an, même si en principe il devrait y avoir davantage de leadership dans la chambre, on ne leur fera pas confiance pour choisir leur propre représentant. Les jeunes seront devenus des hommes, mais des hommes qui ne seront pas libres de prendre la plus personnelle des décisions dans leur propre vestiaire, celle d'identifier leur capitaine.

On peut mieux comprendre pourquoi aucune décision n'a été prise cette saison. S'il avait fallu, par exemple, que Bergevin et Therrien arrêtent leur choix sur Pacioretty, qui compte plus d'alliés que Subban dans l'équipe, le Canadien se serait donné un capitaine pour les 10 prochaines années. Un Subban qui aurait grincé des dents et qui aurait peut-être fait la baboune aurait indisposé l'équipe en ce début de saison qui s'annonce positif.

Pour l'instant, tout le monde est heureux. Ils ont tous un A sur leur chandail et Price sait que ses patrons le considèrent comme le capitaine sans le C. Pour une petite friction interne à l'heure du choix définitif, il faudra patienter jusqu'à l'an prochain.