MONTRÉAL - Une heure à peine après que Gary Bettman eut confirmé que le Canadien croiserait les Penguins dans la ronde de qualifications qui lancera samedi la reprise des activités de la LNH, les premières analyses des forces en présence, projections et prédictions sont apparues.

Depuis, elles se sont multipliées.

 

Appuyées sur de savants calculs effectués en jonglant avec toutes sortes de statistiques, qu’elles soient avancées ou non, ou plus simplement sur des vues de nez, voire carrément des préjugés, toutes les analyses, projections et prédictions propulsent Pittsburgh vers une victoire aux dépens de Montréal dans le cadre de la série trois de cinq opposant les deux équipes.

 

Les projections vont de faciles à simples formalités.

 

Je n’ai pas vu, du moins pas encore, de prédictions osées lançant que le Canadien surprendra les Penguins et le monde du hockey. Le genre de prédictions que mon ami Réjean Tremblay aime faire pour s’en glorifier si elle s’avère et plaider qu’il fallait bien que quelqu’un ne suive pas la meute en cas de défaite. C’est pour ça qu’on l’aime notre créateur de Lance et Compte… et pour quelques autres raisons aussi. Mais bon!

 

La dernière fois que j’ai vu une si grande unanimité à la veille d’une série c’était il y a un peu plus d’un an alors que le Lightning devait ne faire qu’une bouchée des Blue Jackets. Dix jours plus tard, Columbus avait balayé Tampa en quatre petites parties.

 

L’avant-dernière fois, c’était en 2010 lorsque, après avoir fait mentir la LNH au grand complet en battant les Capitals de Washington en sept matchs, le Canadien s’était payé les Penguins de Pittsburgh en sept parties également.

 

Malgré ses 39 victoires et 88 points au classement, le Canadien avait trouvé une façon de faire mentir tout le monde en éclipsant des Caps champions de la saison régulière forts de leurs 54 victoires et 121 points récoltés, avant d’anéantir Crosby, Malkin, Letang, Fleury et des Penguins qui avaient fracassé la barre des 100 points (101) en saison régulière.

 

Un an après le balayage du Lightning par les Blue Jackets, dix ans après le printemps Halak, c’est à mon tour d’y aller avec mes prédictions.

 

Crosby en santé

 

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’ajouter mes projections aux 10, 20 100 autres qui vous ont été proposées?

 

Parce qu’au-delà de toutes les statistiques avancées ou non qui doivent être prises en considération lorsque vient le temps de faire des prédictions, des facteurs bien plus terre à terre motivent les miennes.

 

À commencer par l’état de santé des joueurs des deux camps.

 

On savait depuis longtemps que Jake Guentzel et le défenseur Drian Dumoulin étaient remis des blessures qui ont miné leur dernière saison. Mais aussi bons soient Guentzel et Dumoulin, c’est l’état de santé de Sidney Crosby qui m’importait.

 

Après un brin d’incertitude dans le cadre du camp d’entraînement, Crosby semble non seulement de retour, mais semble de retour pour de bon. Et j’ai trouvé qu’il a bien paru dans la défaite de mardi aux mains des Flyers en match préparatoire.

 

Sans Crosby, les Penguins auraient quand même pu battre le Canadien. De fait, c’est quand le «Kid» n’est pas à son poste qu’Evgeni Malkin semble le plus en mesure de démontrer toute l’injustice qu’on lui a réservée en l’excluant de la liste des 100 meilleurs joueurs de l’histoire de la LNH. Mais avec Crosby, avec son talent, son expérience et surtout le leadership qu’il sait imposer sur sa troupe, les Penguins sont bien meilleurs.

 

Surtout qu’il retrouvera son complice Jake Guentzel qui devrait rudement mettre Carey Price à l’épreuve une fois, ou deux, ou trois par partie à compter de samedi.

 

Parlant de Price, il semble en bonne santé et en grande forme. Deux «must» pour au moins considérer la possibilité que le Canadien puisse surprendre les Penguins dans un match, peut-être deux ou ô miracle dans le cadre de la série.

 

Murray : le talon d’Achille des Penguins

 

Mais il restait quelques variables importantes à mes yeux à clarifier avant de compléter le portrait.

 

La plus importante du côté des Penguins: qui de Matt Murray ou de Tristan Jarry obtiendra le mandat d’amorcer la série contre le Canadien?

 

Les Penguins connaissent déjà la réponse. Mais la confirmation viendra samedi seulement. À la lumière du match préparatoire de mardi, face aux Flyers, Matt Murray semble avoir la pole. Pas un nez, un court nez, mais il semble avoir la pole quand même.

 

Si le Canadien trouve une façon de faire mentir tout le monde, ce sera à cause des gardiens des Penguins. Matt Murray a deux coupes Stanley à son actif. Il a chassé Marc-André Fleury de Pittsburgh. Deux exploits dignes de mention.

 

Mais depuis ces deux conquêtes, il n’a pas été en mesure d’assurer une saine stabilité devant la cage des Penguins. Du moins pas assez. Tristan Jarry n’a pas le pedigree de celui à qui il tente de ravir le titre de numéro un. Mais cette saison, c’est lui qui a sauvé les meubles en venant en relève à Murray. Au-delà des statistiques très similaires, c’est le jeune qui a le plus assumé de stabilité devant le filet.

 

Il en a d’ailleurs fait la démonstration dans le match préparatoire contre Philadelphie. Oui c’est Jarry qui a encaissé le but décisif en prolongation. Mais dès son entrée dans le match, à mi-chemin en période médiane, il a affiché beaucoup plus de stabilité et de contrôle tout en suscitant plus que confiance que ne l’avait fait Murray en première moitié de rencontre.

 

D’où ma prétention selon laquelle c’est lui qui devrait amorcer le premier match contre le Canadien.

 

Pour que le Canadien fasse mentir tout le monde, il faudra que Carey Price vole un match et que les gardiens des Penguins en laissent bêtement filer un.

 

Bon! Je sais tout comme vous que l’attaque du Canadien est loin d’être menaçante. Que ce soit à cinq contre cinq ou en avantage numérique. Alors, que ce soit Matt Murray devant le filet, ou Tristan Jarry, voire Casey DeSmith, les gardiens des Penguins ne sont pas trop sérieusement en péril.

 

Ce qui rend plus grave encore les conséquences d’un ou de mauvais buts accordés. Car ce ou ces mauvais buts donnent en général des ailes aux équipes qui les obtiennent et minent le moral des joueurs qui les encaissent. Ces mauvais buts ouvrent toute grande la porte à des surprises. Ils rendent possible ce qui n’aurait jamais dû l’être.

 

On l’a d’ailleurs vu en 2010 lorsque le Canadien a surpris les Penguins après avoir éliminé les «Caps» en première ronde. Des arrêts miraculeux de Jaroslav Halak combinés à quelques cadeaux offerts par Marc-André Fleury ont changé le cours de l’histoire.

 

Alors : si Murray amorce la série et qu’il échappe le premier, ce pourrait être fatal pour Pittsburgh. Car dans une série trois de cinq, Price pourrait alors acculer la bande à Crosby au pied du mur en volant la deuxième rencontre. Ce qui est pleinement capable de faire. L’arrivée de Jarry en relève confirmerait la fluctuation à la hausse du niveau d’incertitude chez les Penguins et avant de vraiment comprendre ce qui leur arrive Crosby et sa bande seraient chassés de la bulle.

 

Je sais. Ça fait tout plein de si. Il n’est pas acquis que Murray fera cadeau d’une victoire au Canadien. Il n’est pas impossible non plus que Jarry pourrait se rendre coupable d’un même excès de générosité.

 

Mais j’ai tendance à avoir plus confiance en Jarry qu’en Murray.

 

Manque criant de profondeur

 

Peu importe le choix de gardien du côté de Pittsburgh, il faudra que Montréal se donne les moyens de gagner au lieu de mousser ses chances de défaites en se rendant coupable de gaffes monstrueuses comme celles qui ont été multipliées au cours de la saison et encore mardi dans le cadre du match préparatoire contre Toronto.

 

Bien que j’aimerais offrir au Canadien et à ses partisans une chance de battre les Penguins sans avoir à compter sur l’effondrement de l’un ou de tous leurs gardiens, à compter sur des blessures à des joueurs importants, ou à une éclosion de cas de Covid-19 qui obligerait la LNH à les disqualifier, ne je peux me rendre jusque-là.

 

Le manque de profondeur m’oblige à m’y résigner.

 

Déjà que les deux premiers trios ne sont pas à la hauteur des deux premiers des Penguins, je suis plus que sceptique quant aux chances de voir Jesperi Kotkaniemi s’imposer au centre du troisième.

 

Et que dire du quatrième : rien à voir avec la décision d’y camper Max Domi. Mais quand tu es obligé de garder Dale Weise dans ta formation, ça devient difficile de croire aux chances de victoire.

 

Je sais. Il n’est que le 12e attaquant. Mais une chaîne est aussi forte que le plus faible de ses maillons. Et Weise est faible en simonac. Il a connu une belle carrière. C’est un bon gars d’équipe et tout et tout. Mais sur le plan hockey, il a donné ce qu’il avait à donner.

 

Je crois encore que la présence de Weise à la gauche du 4e trio est un écran de fumée. Que samedi soir, pour le premier match contre les Penguins, on verra Jake Evans, Ryan Poehling, peut-être même Charles Hudon à la place de Weise.

 

Mais si le Canadien considère que Weise est plus efficace qu’eux, ce sera pratiquement un aveu d’impuissance.

 

En plus de la faiblesse ou plus poliment de la vulnérabilité des troisième et quatrième trios, que dire des quatrième, cinquième et sixième défenseurs.

 

Carey Price a besoin d’être prêt. Car avec leur vitesse, leur fouge et l’efficacité de leur attaque, les Penguins risquent de lui tomber sur le dos comme une pluie en pleine période de mousson.

 

Tout ça pour dire que je donne les Penguins gagnants en quatre parce que je crois Price capable de voler un match.

 

À moins que les gardiens des Penguins ne flanchent. Si ça arrive, nous aurons droit à un match sans lendemain. Mais si Murray – ou Jarry – est aussi efficace que Price devant sa cage, le Canadien ne fera que trois petits tours et puis s’en ira…

 

Ailleurs dans la ronde de qualification…

 

New York Rangers - Caroline: Caroline en 5

 

J’adore la vitesse et le talent de l’offensive des Hurricanes. Oui ils sont vulnérables devant le filet, mais leur défensive est l’une des meilleures de la LNH…

 

Floride – New York Islanders: Floride en 4

 

Il est difficile de tourner le dos à Barry Trotz, à la qualité de son système et à la vitesse des Islanders. Mais je me laisse emporter par le talent de Barkov et de Huberdeau tout en comptant sur le fait que lorsqu’il est top niveau, Bryzgalov est imbattable. Le sera-t-il? La réponse dictera l’issue de cette série.

 

Columbus - Toronto: Columbus en 5

 

Les Leafs ont le talent nécessaire pour marquer des buts, mais les lacunes défensives pour en accorder plus encore. Je fais davantage confiance à Tortorella et son équipe qu’aux Leafs qui en mettent plein la vue, mais se retrouvent trop souvent les poches vides…

 

Chicago - Edmonton: Edmonton en 4

 

C’est peut-être la seule série aussi à sens unique que celle opposant le Canadien aux Penguins…

 

Arizona - Nashville: Nashville en 4

 

Les Predators ont plus de choses à prouver que les Coyotes qui sont encore plongés dans un vaudeville administratif. Rick Tocchet a fait un travail colossal depuis son arrivée, mais il lui en reste autant à accomplir pour faire de ce groupe de joueurs ne serait-ce qu’une bonne petite équipe de hockey…

 

Minnesota - Vancouver: Vancouver en 4

 

Les Canucks forment le club d’avenir dans la LNH. Mais le Wild est tellement vulnérable que dans cette série, le futur se conjuguera au présent.

 

Winnipeg - Calgary: Winnipeg en 4

 

Je le sais : je suis toujours très sévère avec les Flames. Sans doute trop. Mais si je ne sais pas trop ce qui clochera cette fois, je demeure convaincu que quelque chose clochera encore et que les Flames devront encore se contenter du fait que leur ramage est beaucoup moins spectaculaire que leur plumage…

 

Bonnes séries à tous et à toutes.

 

Bons matchs!