En acquérant les services de Jordie Benn des Stars de Dallas en retour de Greg Pateryn, qui souhaitait quitter la métropole, et d’un choix de quatrième tour, tout porte à croire que Marc Bergevin a réalisé un très bon échange. D’accord, Jordie Benn ne sera jamais une supervedette, mais sa présence a certes stabilisé la ligne bleue du Canadien de Montréal. De même, Benn semble profiter au maximum de chaque occasion qui lui est donnée d’enfiler le chandail tricolore, répondant présent tous les soirs de match. Indéniablement, il se plait à Montréal, ce qui ne semblait pas être le cas de Pateryn, qui ne fut employé qu’à quatre reprises par les Stars depuis son acquisition, affichant un différentiel de moins-4.

En se séparant de Pateryn, le Canadien a fait d’une pierre deux coups. Il s’est soulagé d’une potentielle source de distraction, le mécontentement de Pateryn en raison de sa faible utilisation aurait pu finir par se faire ressentir au sein du vestiaire. La formation montréalaise a de surcroit acquis un joueur qui est complètement dédié à sa cause en Jordie Benn. Le CH en sort gagnant sur et hors glace.

Bien qu’il n’ait pas les habiletés offensives pour faire trembler la LNH, Benn a tous les atouts pour devenir un favori de la foule, chose qu’il semble être en voie d’accomplir. À l’image de Steve Bégin ou de Francis Bouillon, il n’a pas besoin de noircir la feuille de pointage pour qu’on le chérisse, car il donne tout ce qu’il a à offrir. La beauté d’évoluer dans un marché comme Montréal, c’est que les gens connaissent le hockey et seront toujours reconnaissants à l’égard d’un joueur qui se dévoue soir après soir.

Dans le cas de Benn, l’un de ses principaux charmes est qu’il n’a pas froid aux yeux, il ne recule devant rien, ni personne. Il est le premier à s’interposer entre les joueurs adverses et son gardien, il n’hésite pas à se jeter dans les escarmouches entre les sifflets, sans pour autant faire preuve d’indiscipline. À 6 pieds 2 pouces et 200 livres, sa simple présence semble suffisante pour refroidir les ardeurs de ses adversaires, ce qui est d’ailleurs au centre de la nouvelle philosophie que tente d’implanter l’entraîneur Claude Julien au sein du club. Le Canadien ne se laissera plus dominer physiquement et Benn ouvre la marche en ce sens.

Tableau Jordie Benn

Malgré son physique avantageux, ce n’est pas en distribuant un grand nombre de mises en échec soutirant le disque à l’adversaire que Benn est le plus utile à son club lorsqu’il est sur la glace, ne réalisant cette action qu’à 0,3 reprise pour chaque tranche de 20 minutes jouées à forces égales, ce qui est bien en deçà de la moyenne de l’équipe chez les arrières (0,6).

Cela ne fait pas de Benn un joueur moins efficace, il semble plutôt que le défenseur compte sur une autre arme pour rendre de précieux services au Canadien : son intelligence.

Benn est le deuxième défenseur complétant le plus de jeux défensifs proportionnellement à son temps d’utilisation à égalité numérique chez les arrières du Tricolore, n’étant devancé que par Jeff Petry à ce chapitre. Il arrive à accomplir pareil fait d’armes en bloquant un grand nombre de passes, ce qui est signe qu’il est toujours bien positionné en zone défensive, étant en mesure de bien lire et anticiper le jeu. De même, seul Plekanec réalise plus de harponnages que Benn, ce qui indique que ce dernier couvre bien ses adversaires et qu’il est en mesure de maintenir une bonne distance entre lui et le porteur du disque.

Bien qu’ils ne seront jamais du lot des faits saillants de la soirée, une passe bloquée et un harponnage réussi mènent au même résultat qu’une mise en échec percutante : l’adversaire perd possession de la rondelle. À ce moment, la menace est contrée et le Canadien peut espérer repartir en contre-attaque.

Ce qui est intéressant dans le cas de Benn, c’est que contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas à l’aide de son physique qu’il parvient à neutraliser l’adversaire, c’est plutôt sa lecture du jeu qui est la clé de son efficacité.

Un autre facteur confirmant cette tendance se veut que Benn soit le deuxième défenseur récupérant le plus de rondelles libres en zone défensive pour chaque tranche de 20 minutes de jeu passé à égalité numérique. Encore une fois, pour afficher de tels chiffres, le joueur en cause se doit de bien lire le jeu pour anticiper où se trouvera la rondelle, ce qui lui permettra d’arriver en premier au point X.

Au moment de son acquisition, Benn s’est lui-même présenté comme un défenseur à caractère défensif. Or, depuis son arrivée à Montréal, il affiche déjà deux buts au compteur, mais ce n’est pas tout. Benn est le défenseur tentant le moins souvent de dégager son territoire au moment d’orchestrer une sortie de zone, soit 11,1% du temps, depuis son arrivée à Montréal et il est l’arrière régulier du Canadien complétant avec le plus de constance ses passes en pareilles circonstances.

Ceci est encore une fois imputable à la bonne vision du jeu de Benn, alors qu’il est en mesure de repérer ses coéquipiers s’étant démarqués. Par le fait même, il dégage son territoire que lorsque cela est strictement nécessaire. Conséquemment, le Canadien conserve plus longtemps la possession de la rondelle et effectue un plus grand nombre de contre-attaques. Ultimement, chacune de ces poussées offensives peut se solder par un but. Ainsi, Benn contribue indirectement à l’attaque du Canadien via ce procédé.

Ce qu’il faut retenir dans le cas de Benn, c’est qu’il en offre davantage que le client en demande. Il est l’un des défenseurs les plus efficaces du Canadien au moment de contrer l’adversaire, mais il s’en tire aussi très bien pour organiser les sorties de zone, ce qui est un bonus inattendu dans son cas.

Comme les moindres faits et gestes de chaque membre du Tricolore sont scrutés à la loupe dans La Mecque du hockey, Benn est en voie de se faire son propre nom. Lorsqu’un joueur s’impose dans un marché aussi médiatisé que Montréal, cela a inévitablement des échos partout à travers le circuit Bettman. Benn ne sera plus que le simple frère de Jamie Benn, comme ce fut jadis le cas. Il sera plutôt reconnu pour la qualité de son jeu et peut-être que de ne plus évoluer dans l’ombre de son frère s’avérera la meilleure chose qui pouvait arriver à sa carrière.