ANAHEIM – Parce que le Canadien se concentrera sur les expériences et les évaluations d’ici la fin de la saison, Mike Condon et Ben Scrivens risquent d’en prendre plein les jambières et les plastrons au cours des 19 dernières rencontres.

Ils risquent aussi d’encaisser des buts. Pas mal de buts. Beaucoup de buts même si l’on se fie à la domination complète des Sharks de San Jose qui ont enfilé six buts aux dépens de Condon lundi soir. Six buts sur 36 tirs dont plusieurs de très bonne qualité alors que les Sharks pouvaient foncer à leur guise sur le gardien du Canadien. Bien que la défensive du Tricolore ait souvent laissé son gardien en pâture, Mike Condon n’a pas aidé sa cause en accordant des retours généreux, en échappant des rondelles qu’il semblait pourtant avoir gobé avec sa mitaine et en se montrant un brin généreux sur le tir que Brent Burns. Un tir de bonne qualité oui, mais un tir qu’il aurait pu bloquer.

Condon n’a pas coûté le match au Canadien. Loin de là. Mais il n’a pas été en mesure de faire honneur à sa sélection à titre de troisième étoile de la dernière semaine dans la LNH. Un titre obtenu grâce à ses trois victoires et un revers encaissé en tirs de barrage en quatre rencontres la semaine dernière. Grâce aussi à quelques arrêts chanceux peut-être, mais ô combien spectaculaires.

« Les honneurs personnels me laissent complètement indifférents », que Condon a répondu après la dégelée encaissée à San Jose.

On veut bien. Mais cet honneur pourra servir de baume pour toutes les défaites encaissées malgré de bonnes sorties lorsque le Canadien s’est mis à piquer du nez en décembre et janvier dernier. Et pour les autres qui risquent de s’ajouter alors que Condon et Scrivens partageront le travail tant et aussi longtemps que Carey Price ne sera pas en mesure de reprendre son poste.

Moins en contrôle

L’ironie dans cette sélection à titre de troisième étoile, c’est qu’elle a récompensé une séquence au cours de laquelle Condon est loin d’avoir été aussi bon qu’il ne l’était en début de saison. Lorsqu’il s’est retrouvé devant le filet après la première chute de Carey Price – à Edmonton le 29 octobre dernier – Condon était solide. Il était en contrôle. Autant dans ses déplacements que dans sa façon de contrôler les retours.

Depuis les Fêtes, et peut-être un peu avant, Condon est plus brouillon. On le remarque plus souvent en déséquilibre. Des déplacements exagérés le sortent parfois du cadre de son filet au lieu de lui permettre de se donner en cible face aux adversaires. Il échappe des rondelles et se retrouve souvent obligé de plonger sur sa gauche ou sur sa droite afin de retrouver une rondelle perdue du regard ou dont il a perdu le contrôle.

Il faut dire que Mike Condon se retrouve dans une situation qu’il ne pouvait pas même imaginer en début de saison. Celui qui a délogé Dustin Tokarski pour remplacer Carey Price dans le cadre des séquences de deux matchs en deux soirs, et encore, disputait lundi sa 42e partie. À moins d’un retour-surprise de Carey Price ou d’un rappel de Zachary Fucale, il en ajoutera entre 10 et 15 d’ici la fin du calendrier.

Au lieu de disputer un match ici et là et de travailler sur sa technique et sa confiance dans les cadres des entraînements, c’est derrière une équipe en perdition que le gardien recru s’est retrouvé. Une manière bien ingrate d’apprendre sur le tas. Surtout à Montréal, où son mandat était de faire oublier, au moins en partie, l’absence du meilleur gardien de la LNH et de la pierre d’assise du Tricolore.

Chaque match demeure un privilège

J’ai demandé à Condon comment il entendait garder sa motivation et surtout sa confiance maintenant qu’il est clair que l’état-major enverra des jeunes sur la patinoire. Des jeunes remplis de bonne volonté, mais qui risquent de multiplier les erreurs défensives et de perdre des batailles à un contre un en raison de leur manque d’expérience, de vitesse ou simplement de talent.

« C’est un honneur de garder les filets du Canadien de Montréal. C’est un privilège d’évoluer dans la Ligue nationale. J’ai fait le saut cette année seulement et je considère chacun de mes départs comme un cadeau. J’ai longtemps espéré obtenir une chance dans la LNH avec les conséquences que cela pouvait avoir pour les autres membres de mon équipe. Je serais très mal placé de me plaindre maintenant que ce sont d’autres joueurs qui obtiennent cette chance. Mon travail ne change pas. Je dois être le meilleur possible tous les soirs. Je dois prendre les moyens pour effectuer les arrêts nécessaires pour permettre à mon équipe de gagner », assurait Condon dans le vestiaire silencieux du Canadien après la rencontre de lundi.

Congé salutaire pour le moral des troupes

Mardi dans le sud de la Californie, Mike Condon et ses coéquipiers ont profité d’un congé. On s’attend bien sûr à ce que les deux gardiens partagent le travail mercredi et jeudi. Parce que Scrivens a déjà défendu les couleurs des Kings, il sera intéressant de voir si Michel Therrien fera appel à ses services seulement à Los Angeles.

Une décision que l’entraîneur-chef confirmera lors de l’entraînement matinal mercredi au Honda Center.

Parlant d’entraînement, il serait facile de dénoncer le congé accordé par Michel Therrien au lendemain d’une raclée aussi sévère et à l’aube de deux matchs difficiles qui attendent le Canadien à Anaheim mercredi et Los Angeles jeudi. De fait, il serait trop facile de simplement critiquer pareille décision.

Dans l’état actuel des choses, l’état-major du Canadien n’a pas à fouetter une troupe déjà très mal en point. L’entraîneur-chef doit prendre les moyens pour trouver une façon de garder le moral des troupes à son niveau maximum en dépit des défaites qui s’accumulent et des chances d’accéder aux séries éliminatoires qui s’amenuisent chaque jour.

Quand ils encerclent les dates de leur voyage annuel en Californie, les joueurs de toutes les équipes – de l’Est surtout – souhaitent pouvoir profiter du soleil et des installations mises à leur disposition dans les chics hôtels où ils descendent. Bien que l’opinion populaire aurait préféré qu’il sorte le fouet et oblige ses joueurs à se défoncer sur la patinoire, Michel Therrien a pris une décision moins populaire avec les partisans, mais beaucoup plus populaire auprès de ses joueurs en les conviant simplement à une activité d’équipe au centre de villégiature où ils ont jeté l’ancre mercredi.

Il sera intéressant de voir de quelle façon ces joueurs remercieront leur entraîneur-chef. Non! Je ne crois pas que le Canadien a des chances réelles de gagner contre les Ducks ou les Kings. Bon! Il pourrait toujours les surprendre ou profiter d’un mauvais match de ces deux équipes qui gagnent bien plus souvent qu’elles ne perdent. Comme c’est arrivé à Washington dernièrement.

Mais au-delà de la victoire et de la défaite, c’est en jouant avec conviction, en offrant un effort soutenu, en minimisant les erreurs et en demeurant dans le coup peu importe le score final que les joueurs du Canadien remercieront un coach qui est peut-autre tout aussi soumis à un examen de la haute direction qu’ils le sont eux-mêmes.

D’où l’importance de tout faire pour garder l’équipe derrière lui et non contre lui.