OTTAWA – Sidney Crosby compatit avec Carey Price. Et contrairement à bien des partisans du Canadien, le capitaine des Penguins demeure convaincu qu’une fois remis de sa blessure, Price redeviendra le gardien qu’il est : l’un des meilleurs gardiens de la LNH.

 

Pourquoi Crosby ne laisse pas les statistiques atroces qu’affiche Price – une trop généreuse moyenne de 3,77 buts alloués par match et une efficacité défiante de 87,7 % – miner la confiance qu’il affiche à l’endroit d’un rival qui a aussi été un coéquipier avec Équipe Canada aux Jeux olympiques et qui est devenu un ami?

 

Parce qu’il est passé par là.

 

« Les statistiques de Carey ne font que démontrer qu’il traverse une mauvaise passe. Ce qu’il a accompli au cours des dernières années devrait peser plus lourd dans l’analyse complète de son jeu. Ça arrive à tout le monde de traverser des passes difficiles. Il faut simplement se donner le temps et prendre les moyens pour s’en sortir. Pour le moment, il est blessé. Quand il sera rétabli, je suis certain qu’on reverra le vrai Carey », m’a expliqué Crosby croisé, jeudi matin, près du vestiaire occupé par les Penguins au Centre Canadian Tire.

 

Crosby sait de quoi il parle.

 

Non seulement a-t-il eu à composer avec les contrecoups de commotions cérébrales qui ont miné sa carrière et qui auraient pu lui mettre fin, mais Crosby a lui aussi traversé des périodes léthargiques. Mardi, contre Buffalo, il a marqué un but et ajouté une passe pour mettre un terme à une séquence de 11 rencontres au cours de laquelle il n’avait pas marqué et s’était contenté de quatre passes.

 

Carrière en péril!

 

Il y a deux ans, Crosby a amorcé sa saison sur les talons. Non seulement n’avait-il pas marqué après cinq matchs, mais il n’avait pas récolté le moindre point.

 

Plus la saison avançait, plus les ennuis de Crosby étaient remarqués. Les doléances des amateurs, les analyses des observateurs, les doutes soulevés sur ses chances de s’en sortir et même les spéculations sur le fait qu’il était peut-être rendu au bout du rouleau et que sa carrière était sur le déclin se sont accentués au fil des 30 premiers matchs de la saison, séquence au cours de laquelle le capitaine des Penguins n’a marqué que six buts et ajouté 13 timides passes.

 

Malgré ce très long passage à vide, son plus long en carrière, Sidney Crosby n’était pas fini. Et sa carrière était loin d’être terminée.

 

Il l’a prouvé en enfilant 30 buts et récoltant 66 points dans ses 50 autres matchs disputés. Une production qui lui a permis de terminer au troisième rang des marqueurs de la LNH derrière Patrick Kane et Jamie Benn.

 

Mieux encore, Crosby a guidé ses Penguins jusqu’à la coupe Stanley soulevant au passage le trophée Conn-Smythe remis au joueur par excellence des séries.

 

Histoire de prouver que son éveil de deuxième moitié de saison 2015-2016 n’était pas seulement le fruit du hasard, Crosby a marqué 45 buts en 75 matchs l’an dernier (89 points) pour obtenir le trophée Maurice-Richard remis au meilleur franc-tireur de la Ligue. Il a aussi soulevé la coupe Stanley et obtenu une fois encore le Conn-Smythe.

 

Pas mal pour un gars qu’on disait fini.

 

Comment Crosby a-t-il composé avec sa période creuse qui s’est prolongée sur les 30 premiers matchs de la saison 2015-2016?

 

« Ce n’est pas évident. Nous sommes les premiers à savoir que les choses vont mal. Car tu peux être blanchi pendant une certaine période, mais être content de ton rendement parce que tu joues bien. L’inverse est aussi vrai. Mais ça attire moins l’attention, parce que la production est là. Quand les choses n’allaient pas, je m’en suis remis à mes coéquipiers. À mon entourage. Tu dois rester le plus calme possible, tu dois éviter de trop te tracasser, car tu empires les choses. Pour un joueur, c’est plus facile parce que tu as des compagnons de trio qui t’aident, tu as le reste de l’équipe qui continue à produire et à aider le club à gagner pendant que tu te cherches. Mais pour un gardien, c’est bien plus difficile parce qu’il n’y a personne derrière toi pour te sauver. Mais je connais assez Carey pour savoir que c’est un gars solide, qui a du caractère et la confiance nécessaire pour s’en sortir. Je suis convaincu qu’il s’en sortira très bien lui aussi », m’a expliqué Crosby.

 

Attentes élevées

 

Sidney Crosby s’est contenté de sourire lorsque je lui ai demandé s’il avait parfois envie de brandir ses deux dernières conquêtes de la coupe Stanley aux yeux de ses détracteurs pour les faire mal paraître. Ou, pour citer Patrick Roy, de lancer qu’il ne peut entendre les critiques, car il a les oreilles bouchées par ses bagues commémorant ses coupes Stanley.

 

Il a aussi souri lorsque je lui ai dit qu’à l’image des doutes dirigés à son endroit il y a deux ans, Price était aujourd’hui l’objet de critiques acerbes à Montréal, critiques qui diminuaient, voire effaçaient, ses performances des dernières années.

 

« Ça vient avec le travail. Si tu es un fer-de-lance de ton équipe, si tu es considéré comme l’un des meilleurs joueurs à ta position dans la Ligue nationale, les attentes sont élevées. C’est normal. Alors si tu performes (sic) en deçà de ces attentes, tu dois t’attendre à être remis en question. J’étais resté sourd devant toutes les critiques et remises en question. C’est là que ton entourage est important. Car c’est ton entourage qui te protège de ce tourbillon. Qui t’empêche d’y accorder de l’attention au risque d’être affecté. Il ne faut pas oublier une chose : si les amateurs ont des attentes élevées à mon endroit, tu peux être certain qu’elles le sont aussi pour moi. Je n’ai pas parlé avec Carey, mais c’est certainement la même chose pour lui », a conclu Crosby qui revendique six buts en 15 points après 20 rencontres cette année.

 

Entraîneur adjoint avec les Penguins de Pittsburgh, Jacques Martin a vécu la léthargie de Sidney Crosby il y a deux ans et l’éveil qui l’a suivie. Il était aussi l’entraîneur-chef du Canadien lorsqu’en 2009-2010, il a amorcé une transition devant le filet du Canadien pour finalement faire confiance à Jaroslv Halak en séries plutôt qu’à Carey Price. « Nous savions tous dans l’organisation que Carey était un meilleur gardien que Jaro et qu’il aurait une meilleure carrière. Mais en deuxième moitié de saison, Halak était meilleur que Price. Nous avons donc pris des décisions au quotidien qui favorisaient Halak sans pour autant remettre en cause l’avenir de Price. »

 

On connaît la suite : une fois la saison terminée, le Canadien a échangé Jaroslav Halak aux Blues de St Louis en retour de Lars Eller et Ian Schultz. Une transaction qui a lancé un grand débat Price-Halak, débat auquel Price a mis un terme rapidement en multipliant des performances sensationnelles au fil des dernières années. Un débat qui est maintenant relancé, mais qui l’oppose à son dauphin Charlie Lindgren en raison des ennuis de Price et aussi du contrat de 84 millions pour huit ans qui entrera en vigueur l’an prochain.

 

« C’est normal au cours d’une saison et encore plus au cours d’une carrière d’avoir à composer avec des séquences plus difficiles. C’est là que la confiance entre en ligne de compte. Il faut qu’elle reste intacte pour aider un gars à s’en sortir. Peu importe la position », a conclu Jacques Martin.

 

Pas question ici de prétendre que Price imitera Crosby et qu’il guidera le Canadien vers deux coupes Stanley et qu’il obtiendra deux trophées Conn-Smythe une fois remis de sa blessure et de retour devant le filet.

 

Mais il est clair que si Crosby a pu survivre au passage à vide qui a marqué le début de la saison 2015-2016 – le congédiement de Mike Johnston qui a été remplacé par Mike Sullivan a certainement joué un rôle également – et est redevenu le joueur qu’il était, il est tout aussi possible, voire probable, que Carey Price pour l’imiter une fois sorti de l’ombre où il se trouve depuis le début de l’année.