MONTRÉAL - Tout va bien dans le meilleur des mondes chez le Canadien depuis le début du camp. De fait, je ne me souviens pas du dernier camp d’entraînement qui s’est déroulé dans un contexte aussi positif.

 

Tout le monde est beau. Tout le monde est gentil. Les espoirs sont au plafond. On entend parler des séries, du carré d’as et même de la coupe Stanley sans que ces mots soient suivis de rires sarcastiques.

 

Le seul nuage qui flotte pour le moment dans un ciel bleu, blanc et rouge du Canadien s’appelle Phillip Danault.

 

Non! Le centre québécois ne connaît pas un vilain camp d’entraînement. Même qu’il semble toujours très à l’aise entre Tomas Tatar et Brendan Gallagher. Le seul trio que Claude Julien a décidé de garder intact. Une décision qui allait de soi considérant tout ce que ce trio a accompli au fil des deux dernières saisons. Un trio qui très souvent, trop souvent même, été le seul à vraiment pouvoir rivaliser avec les trios adverses. À sauver les meubles, ou tenter de le faire, soir après soir.

 

Mais Danault est plus discret qu’il ne l’a jamais été depuis que Marc Bergevin est allé le « voler» aux Blackhawks de Chicago – avec un choix au repêchage qui a permis de réclamer Alexander Romanov – en retour de deux joueurs finis à l’os – Dale Weise et Tomas Fleischmann – le 26 février 2016.

 

Discret sur la glace alors que toute l’attention – et c’est normal – est concentrée sur les Romanov, Suzuki et KK de même que sur Josh Anderson, Tyler Toffoli et les autres nouveaux venus.

 

Discret aussi avec les médias desquels le Canadien l’a épargné depuis le début du camp.

 

La seule fois que le nom de Phillip Danault a été mentionné, c’est avant le point de presse de dimanche dernier alors que le Tricolore a indiqué que Marc Bergevin refuserait de répondre à toute question reliée à la situation contractuelle de Danault, de Tomas Tatar et de Joel Armia. Les trois seuls joueurs du Canadien qui amorceront, mercredi prochain, à Toronto, la saison et la dernière année de leur contrat.

 

Réglons une chose tout de suite : j’adore Phillip Danault.

 

J’aime le joueur de hockey efficace, sans prétention, qui se donne corps et âme à la cause de son équipe, qui est solide aux cercles des mises en jeu, plus solide encore en jeu défensif et qui, en prime, a su orchestrer les attaques du meilleur trio du Canadien depuis deux ans.

 

Ce n’est pas rien.

 

J’aime davantage l’homme vers qui les médias, francophones comme anglophones, convergent toujours après les matchs, dans la victoire comme dans la défaite, pour obtenir des commentaires honnêtes et réfléchis. Pas le genre de phrases toutes faites que nous servent trop souvent les grandes vedettes en espérant que leurs litanies finiront pas garder les « méchants journalistes » à distance après les matchs et les entraînements.

 

Je l’ai écrit plus haut, je l’écris encore : Phillip Danault est un joueur important chez le Canadien. Autant sur la glace que dans le vestiaire. Il l’est plus encore parce que c’est un des rares francophones de l’organisation. Une denrée rare à Montréal. Une denrée qui se fait de plus en plus rare aux quatre coins de la LNH.

 

Situation perdante

 

Cela dit, autant j’aime le joueur de hockey et l’homme qui se trouve sous le chandail qu’il endosse fièrement tous les jours, autant je déteste la situation dans laquelle il se trouve.

 

Ce n’est pas de sa faute. Pas plus que la faute de ses agents qui voient grand pour un client qui jouit d’une très bonne réputation aux quatre coins de la Ligue et qui sera convoité s’il se retrouve au marché des joueurs autonomes l’été prochain. Ce n’est pas même la faute du Canadien qui, pendant que Marc Bergevin concluait des ententes avec plusieurs de ses anciens et nouveaux coéquipiers, doit maintenant se montrer prudent dans la gestion des salaires en vue des années prochaines.

 

Mais Danault se retrouve dans une situation très inconfortable. Inconfortable parce que tout ce qu’il fera sera non seulement épié comme avant. Mais tout ce qu’il fera sera associé à son prochain contrat.

 

S’il joue bien et marque des buts, aide ses coéquipiers à en marquer tout en contribuant aux succès de l’équipe avec la qualité d’ensemble de son jeu qui le caractérise, Danault surfera par une vague positive.

 

S’il connaît des ennuis, ce sera le contraire. La vague ne lui permettra pas de surfer, mais risquera de le couler. Avec les conséquences en spirale que cela pourrait emporter.

 

Phillip Danault a mille et une bonnes et belles qualités. Il lui manque la qualité supplémentaire – remarquez que c’est peut-être aussi un défaut – de demeurer imperméable aux critiques et de ne pas être affecté par un passage à vide plus ou moins long. Surtout dans le cadre d’une saison dont les résultats auront un impact mirobolant sur son avenir financier.

 

À mes yeux, Phillip Danault est simplement trop un bon gars et trop un gars d’équipe pour se contenter de penser à lui et à ce qui sera bon pour mousser ses chances de toucher le gros lot l’été prochain.

 

C’est pour cette raison que j’étais convaincu que le Canadien et son agent Don Meehan prendraient les moyens pour éviter que la situation actuelle ne mine le centre de 28 ans et n’enraye un brin ou deux l’engrenage de l’équipe. J’étais convaincu que les deux camps s’entendraient en cours de camp d’entraînement malgré leurs prétentions d'être prêts à disputer la saison et à négocier après.

 

Il semble maintenant acquis que c’est ce qui arrivera.

 

Et c’est dommage. Dommage pour Danault, pour ses coéquipiers, pour le Canadien et ses partisans.

 

Plus utile que Drouin?

 

Quelle est à la valeur de Phillip Danault?

 

La réponse à cette question varie selon que vous vous assoyez dans les sièges de Don Meehan et de Stéphane Fiset son associé au Québec qui chaperonne Danault ou dans ceux occupés par Marc Bergevin et Geoff Molson.

 

Si vous êtes l’agent de Phillip Danault, vous n’avez qu’à lancer un nom pour établir les cadres du jeu : celui de Jonathan Drouin.

 

Phillip Danault est-il aussi utile au Canadien que Jonathan Drouin?

 

La réponse devrait être non. Mais en attente d’une saison à la hauteur des attentes de la part de Drouin, la réponse doit être oui.

 

Phillip Danault remplit – ou remplissait depuis deux ans – un rôle plus important que Drouin chez le Canadien. Que ce soit sur la patinoire, dans le vestiaire où Danault est beaucoup plus actif que Drouin dans les relations médiatiques, et dans l’opinion publique où Danault est vénéré alors que Drouin y est souvent lapidé de critiques.

 

Danault a marqué 33 buts et récolté 125 points au fil des 204 matchs qu’il a disputés au cours des trois dernières saisons.

 

Au cours de la même période, Drouin a marqué cinq buts de plus (38), mais récolté 11 points de moins (114).

 

Vrai que Drouin a disputé 19 matchs de moins. Ce qui le désavantage.

 

Mais attention! Drouin a obtenu beaucoup de minutes de qualité lors d’attaques massives. Un bonbon dont Danault n’a pratiquement jamais pu profiter.

 

En plus d’afficher des statistiques offensives similaires, Danault s’est tué à l’ouvrage en désavantage numérique et lors de mises en jeu importantes. Deux facettes où il excelle.

 

Jonathan Drouin encaisse un salaire de 5.5 millions $. Le même salaire que le Canadien a accordé pour les sept prochaines années à Josh Anderson.

 

Si vous êtes l’agent de Phillip Danault, vous avez toutes les raisons au monde de croire que votre client mérite un contrat à long terme qui lui rapportera 5.5 millions $ par année. Surtout que vous pouvez appuyer vos prétentions sur le fait que Danault a été le principal complice de Brendan Gallagher que la direction de l’équipe vient de récompenser avec gros lot de 39 millions $ - 6,5 millions $ de ponction annuelle sur la masse salariale de l’équipe - qui s’étendra sur six ans dès la saison 2021-2022.

 

Marché défavorable

 

Si vous décidez de vous mettre dans la peau de Marc Bergevin, les arguments sur lesquels vous vous appuierez pour freiner les demandes du clan Danault seront valables.

 

À commencer par la situation économique actuelle de la LNH. Une situation difficile qui risque de se traduire par un marché très défavorable l’été prochain pour les joueurs autonomes.

 

Un marché qui pourrait être plus difficile encore que celui de l’automne dernier.

 

Il est important de rappeler ici que Taylor Hall, la plus grande vedette disponible, s’est résigné à signer un contrat d’un an (8 millions $) avec les Sabres de Buffalo parce que les clubs étaient loin de se battre pour obtenir ses services.

 

Mike Hoffman, un marqueur de 30 buts, a dû se replier sur l’essai professionnel que les Blues de St.Louis lui ont présenté il y a quelques semaines alors qu’aucun autre club ne semblait prêt à lui ouvrir les portes de leur vestiaire. Encore moins leur coffre-fort.

 

Avec un plafond salarial qui stagnera autour de 81,5 millions $ l’an prochain encore et sans doute pour quelques années supplémentaires, la situation ne sera donc pas plus avantageuse pour Phillip Danault et les autres joueurs qui croyaient pouvoir profiter de leur autonomie complète pour gagner la loterie.

 

Et si les agents de Phillip Danault dressent, avec raison, des comparaisons entre le rapport qualité/prix de leur client et celui de Jonathan Drouin, le Canadien pourrait sortir de nom de Sean Couturier en guise de contre-attaque.

 

Comme Danault, Sean Couturier est un joueur très complet. Un joueur aussi important aux Flyers que Danault l’est pour le CH.

 

Si Phillip Danault a reçu des considérations très méritées dans la course au trophée Selke remis au joueur défensif par excellence dans la LNH l’automne dernier, Sean Couturier a reçu le trophée.

 

En prime, il a franchi la barre des 30 buts (31 et 33) deux fois lors des trois dernières saisons et totalisé 76 points lors de ces saisons. L’an dernier, il s’est « contenté » de 22 buts et 59 points en 69 rencontres. Des statistiques nettement supérieures à celles de Danault.

 

Tout ça pour un salaire de 4,333 millions $ pour la saison qui commence et la saison 2021-2022.

 

Si vous vous placez dans le rôle du Canadien et que vous décidez de jouer plus dur encore, vous pourriez ajouter que Danault a bel et bien assumé le rôle de premier centre au fil des dernières saisons, mais que l’équipe a été évincée des séries à chacune de ces campagnes.

 

Vous pourriez vous servir de cet argument pour dire que Danault est un bon centre de deuxième trio peut-être, mais un excellent centre de troisième unité.

 

Je sais : ce serait un coup bas.

 

Mais je vous l’assure : quand vient le temps de négocier et de négocier serré, ce qui sera le cas dans toutes les négociations en raison de la situation économique actuelle, tous les coups seront permis… ou presque.

 

C’est pour cette raison que je trouve déplorable le fait qu’on en soit rendu là dans le dossier Danault. Ce joueur a donné trop au Canadien au fil des dernières années pour essuyer des attaques comme celles qu’il risque d’essuyer dans le « crunch » des négos.

 

C’est pour ça qu’il paye chèrement ses agents. Je le sais. Mais les joueurs ne sont pas dupes. Surtout pas Danault qui est plus brillant que la moyenne des ours. Il n’a pas besoin de savoir tout ce qui se dit autour de la table pour comprendre ce qui s’y passe.

 

À Montréal ou ailleurs?

 

Alors : où se situe la vérité? Quel salaire serait juste et bon pour Danault?

 

Bien que je convienne que Danault est pour l’instant plus utile que Drouin chez le Canadien, je ne crois pas qu’il soit possible de lui verser le même salaire.

 

Un salaire de cinq millions $ qui pourrait être un peu plus haut dans le cadre d’un contrat à court terme et plus bas dans le cadre d’un contrat à long terme serait logique, il me semble.

 

Sans que les deux camps aient de grandes raisons de célébrer, ils s’entendraient sur un contrat juste selon moi.

 

Mais bon!

 

En raison des impondérables qui dépassent les cadres de la patinoire, en raison de ce que Danault représente, du fait qu’il est francophone, du fait qu’il a toujours non seulement respecté, mais fait briller l’image du Canadien, Marc Bergevin pourrait se montrer un brin plus généreux.

 

Il faudrait qu’il se départisse d’autres contrats. Ce qu’il devra faire de toute façon – c’est pour cette raison que Tomas Tatar ne sera pas de retour l’an prochain – pour payer les hausses que toucheront bientôt les Kotkaniemi, et Suzuki et celle qui suivra avec Romanov.

 

Mais pour une question d’image, Le Canadien doit prendre les moyens pour satisfaire Danault. Il ne peut se permettre de le laisser partir.

 

Surtout s’il tient vraiment à jouer à Montréal.

 

Alex Radulov était un mercenaire. On savait tous qu’il recherchait le gros lot. Que ce soit à Montréal où ailleurs. À tort ou à raison, on l’a laissé partir.

 

Mais Danault, c’est tout sauf un mercenaire. C’est aussi un petit gars de la place. On ne peut pas simplement lui montrer la porte. Ce serait trop bête. Eh oui! Le fait d’être un petit gars de la place, ça vaut quelques dollars de plus. Pas des millions. Mais certainement quelques centaines de milliers.

 

Et s’il décide d’aller voir ailleurs?

 

Danault recevra des offres. C’est clair. Seront-elles supérieures à celle du CH? Je ne crois pas. Bon! Elles pourraient l’être au sein d’un club qui offrirait un rôle important à Danault, mais peut-être pas l’opportunité de gagner que le Canadien semble en voie de lui offrir.

 

J’insiste encore sur ce point : en raison du joueur et surtout de l’homme qu’il est, je crois vraiment que c’est à Montréal que Phillip Danault recevra la meilleure offre de contrat, et surtout les meilleurs paramètres pour jouer.

 

Parce que les deux camps se sont tourné le dos, il faudra attendre avant d’obtenir la réponse à toutes ces questions.

 

Tout ce qu’on puisse souhaiter à Danault, au Canadien et à ses partisans, c’est que le petit nuage qui flotte au-dessus de l’équipe en ce moment ne devienne pas plus gros et plus menaçant. Ce serait non seulement dommage, mais ça deviendrait absurde.