Dans l’oeil d’un as de la lentille
Sports divers mardi, 20 déc. 2016. 09:21 mercredi, 11 déc. 2024. 18:56J’ai toujours été un amant de la photographie sportive. Dès que mes yeux tombent sur une bonne photo, je m’attarde aux détails. On s’habitue au style des photographes montréalais qui sont, pour la plupart, des amis. Parfois, on est capable de dire au premier regard qui est l’auteur d’une photo spéciale.
Les vrais professionnels de la lentille ne font pas que saisir ce qui se déroule sous leurs yeux. Généralement, ils connaissent suffisamment le sport pour anticiper ce qui va se passer. Ils cherchent toujours à obtenir LA photo.
Les premiers photographes de sport que j’ai côtoyés ont été David Bier, dans les derniers moments de sa carrière, Denis Brodeur, Toto Gingras et John Taylor. Puis, Bob Fisher, longtemps attitré aux activités du Canadien, et Bernard Brault sont venus s’ajouter à la liste des collègues reconnus comme la crème de la crème. Brault a publié récemment une compilation des meilleures photos touchant 40 ans de carrière, avec la contribution de la plume experte du journaliste François Gagnon.
J’ai plusieurs fois croisé Bernard dans de grands évènements, notamment lors de quelques soirées mémorables de la coupe Stanley, et à quelques Jeux olympiques d’hiver où, chargé de caméras comme un mulet, il avançait lourdement dans la neige avec le sourire du gars qui n’aurait jamais voulu être ailleurs. Brault n’est pas du genre à se péter les bretelles. Quand il affichait un petit sourire en coin, en embarquant dans l’autobus à la fin d’une journée éreintante, je savais qu’il avait réussi LA photo.
Ses plus beaux Jeux ont été ceux de Lillehammer où il a eu l’occasion notamment de prendre Jean-Luc Brassard en plein envol durant l’exécution de son spectaculaire Kozac qui lui a valu de remporter la médaille d’or.
« C’est à ce moment que ma carrière a pris son plus grand essor », précise-t-il.
Brault s’est intéressé très jeune à la photo. Pour cette raison, il s’est abonné à Sports Illustrated dès l’âge de 16 ans. Il a acheté son premier appareil à 17 ans. Il a eu l’idée d’un boîtier Canon parce que dans la photo de Toto Gingras, qui ornait quotidiennement les pages centrales de son journal, il tenait ce type d’appareil à la main. Ça lui a coûté 300 $, mais ça valait le coup puisque ce premier appareil l’a lancé sur la voie d’une carrière qui lui a permis de remporter plusieurs prix prestigieux. Quand l’hebdomadaire Le Courrier du Sud a publié sa toute première photo, captée durant un match des Sieurs de Longueuil au Colisée Jean-Béliveau, c’est précisément ce jour-là qu’il a eu la piqûre pour ce métier.
À ses débuts, il a eu des idoles. D’abord l’ex-réputé photographe de La Presse, Antoine Désilets, qui a publié plusieurs livres sur l’art de la photographie; Denis Brodeur, qu’il a côtoyé durant plusieurs années, et deux Américains de Sports Illustrated, Neil Leifer et Walter Loos fils qui, selon lui, ont révolutionné la photographie sportive à leur époque.
J’ai parcouru avidement Les 40 ans de hockey. Il y a dans ce livre des photos qui parlent d’elles-mêmes. Aucune légende n’est nécessaire quand un joueur est surpris seul, perdu dans ses pensées, dans les gradins ou dans le vestiaire. Il y a évidemment des photos d’action inédites. Une image m’a particulièrement accroché. C’est celle du gardien Michel Bunny Larocque qui y va d’un clin d’oeil derrière son masque. C’était le 5 janvier 1981, pas moins de 12 ans avant celui de Patrick Roy qui s’était candidement moqué de l’attaquant Tomas Sandstrom, des Kings de Los Angeles, durant la finale de 1993. J’ignorais que cette photo existait.
Un autre cliché témoigne d’un curieux hasard. On y voit le flamboyant Pat Burns gesticulant derrière le banc du Canadien. Or, qui croyez-vous est assis dans la première rangée, tout juste derrière lui? Geoff Molson qui observe ce qui se passe avec beaucoup d’intérêt. Pour paraphraser un message commercial bien connu, Molson a tellement aimé ce qu’il a vu que, 18 ans plus tard, il a acheté la compagnie.
Par ailleurs, la réponse de Brault est plutôt étonnante quand je lui demande d’identifier la photo par excellence de sa carrière ou, du moins, celle qui lui plaît le plus. Tout de même curieux qu’après avoir photographié les plus grands athlètes dans l’histoire du Canadien et avoir couvert des évènements planétaires comme les Jeux olympiques, il classe bonne première celle qu’il a captée quand une marmotte a échappé de peu à un écrasement fatal sous les roues d’un bolide filant à 200 km/h sur le circuit Gilles-Villeneuve.
« C’était à l’occasion du Grand Prix de 1989. Je la préfère parce qu’elle a marqué l’imaginaire », explique-t-il.
En parcourant cet album couvrant quatre décennies de sport, si on demandait à 100 personnes de choisir la photo qu’il préfère, on aurait peut-être droit à autant de réponses différentes. La préférence pour une photo est bien personnelle. Elle dépend beaucoup du sujet ou de la personne qui la meuble.
Personnellement, ma préférée dans ce livre est celle de Jean Béliveau, dans le chandail rouge qui a marqué sa vie, malade et amaigri, brandissant bien haut le légendaire flambeau en bordure de la bande sous les yeux des joueurs de l’actuelle génération. Le Grand Jean a toujours su subtilement refiler ses messages.
À quand la 25e coupe?
Une autre publication qui mérite qu’on s’y arrête est celle qui raconte en détail les 24 coupes Stanley du Canadien, une réalisation des spécialistes de l’histoire et des statistiques sur le Canadien, Léandre Normand et Pierre Bruneau, dont c’est le troisième ouvrage.
Cette brique de 330 pages raconte en détail et en photos chacun de ces exploits, à partir de la première coupe remportée il y a exactement 100 ans.
Les sommaires de tous les matchs y apparaissent, ce qui constitue un travail de recherches assez exceptionnel.
Le duo Normand-Bruneau nous a habitués à des récits d’une grande précision et Les Canadiens et la coupe Stanley fait honneur à leur réputation.