Le chat est enfin sorti du sac : au lendemain d’une 65e partie ratée cette année par Carey Price en raison d’une blessure « au bas du corps » et surtout parce qu’il est maintenant acquis qu’il ratera aussi les deux dernières de la saison, la direction du Canadien a finalement confirmé que Carey Price a subi une entorse au ligament collatéral interne du genou droit le 25 novembre dernier à New York.

Alléluia!

Cette blessure était différente de la première subie à Edmonton plus tôt en saison. Blessure qui l’avait contraint à rater une première séquence de huit parties avant d’effectuer un retour au jeu. Elle n’était pas de même nature non plus que les autres que le gardien a subies au cours des dernières années : aux Jeux olympiques et en finale de l’Association Est lorsque Chris Kreider, des Rangers de New York, a percuté Price violemment après une chute devant le filet du Canadien.

Parce qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, on va dire un « gros merci » au Canadien pour finalement avoir décidé d’abroger sa loi du silence.

Maintenant qu’on lui a dit merci, on va lui demander pourquoi diable avoir attendu aussi longtemps avant de dévoiler un élément d’information aussi banal dans les faits, mais qui était si important pour permettre aux partisans de comprendre la durée élastique de la convalescence de la pierre d’assise de l’équipe? Du joueur sans lequel le Canadien n’a pas la moindre chance de gagner sur une base régulière, pas la moindre chance d’accéder aux séries comme les derniers mois en ont d’ailleurs fait la preuve par 100.

Parce que la direction craignait qu’un adversaire ne vise le genou droit de Price avec des rondelles? Parce que la direction craignait qu’un joueur décide d’imiter Kreider et de se transformer en kamikaze afin de le blesser à nouveau et d’ainsi anéantir les chances de victoire du Tricolore?

La gestion de l’information dans le dossier de la blessure de Carey Price est à l’image de la saison qui se termine : une catastrophe.

En voulant éviter une vérité qui était toute simple, le Canadien a lui-même incité les marchands de rumeurs à les multiplier. Et il y en a eu des rumeurs. Des folles, des très folles, des absurdes. Mais parce que le Canadien se réfugiait dans un mutisme profond, les diseurs de bonne aventure avaient beau jeu de continuer.

Par moments, c’était la cheville qui était touchée. Par moments, c’était la hanche. On a eu des épisodes où l’aine était touchée. Il y a eu les arthroscopies fantômes que Price a subies à New York dans le cadre de visites éclair effectuées à Manhattan tantôt à bord d’un jet privé, tantôt à bord d’un avion de ligne, tantôt en voiture, en train, en autobus. Parce que Carey est un cowboy de l’ouest, il ne manquait plus que la rumeur selon laquelle il a fait le trajet à dos de cheval. Remarquez qu’elle a peut-être été lancée quelque part, mais je ne l’ai pas entendue.

Pas plus tard qu’en fin de semaine, une « source » qui se disait bien informée m’assurait que je réaliserais bientôt que le Canadien m’avait menti lorsqu’il m’avait assuré que Price n’avait pas subi la moindre forme d’intervention chirurgicale.

Bin coudonc!

Le pire dans ce tsunami de rumeurs, c’est que des personnes sérieuses se sont ajoutées aux colporteurs de rumeurs rendant encore plus confuse une situation qui l’était déjà beaucoup.

Tout ça pourquoi? Parce que le Canadien a décidé de cacher une vérité toute simple.

Toute vérité est bonne à dire

Si l’état-major de l’équipe avait levé le voile sur la blessure de Price comme le gros bon sens aurait dû lui dicter de le faire, les partisans auraient compris qu’un gardien qui doit se jeter sur la glace 100 fois par match, voire 500 fois par entraînement et qui doit se relever aussi souvent met plus de temps à se remettre d’une blessure à un genou qu’un coéquipier attaquant, qu’un défenseur, qu’un citoyen ordinaire.

Les médecins de l’équipe, que ce soit David Mulder, Vincent Lacroix ou le chirurgien orthopédique Paul Martineau, auraient pu expliquer, graphique à l’appui, ce qu’il en était. Il aurait pu expliquer pourquoi une intervention n’était pas prescrite. Il aurait pu expliquer pourquoi la blessure a pris bien plus de temps à guérir qu’ils ne le croyaient initialement.

Les partisans auraient ainsi mieux compris – tout en étant bien sûr déçus – pourquoi l’absence initiale est passée de quatre semaines, à six, à huit, à dix; pourquoi elle s’est ensuite étirée à une période indéterminée et que finalement on apprend aujourd’hui que sa saison est non seulement gâchée, mais qu’elle est terminée.

Une fois mis au courant des « vraies affaires » les partisans auraient alors fait la sourde oreille aux hallucinations des marchants de rumeurs. Et tout le monde, sauf les diseurs de bonne aventure, aurait été content. Ou presque…

Mais non! Le Canadien a cultivé le silence. Ce faisant, il a fertilisé les rumeurs avec les conséquences qu’on a connues. Qu’on connaît encore. Et qu’on connaîtra longtemps en raison du fait que les partisans ne semblent plus faire confiance aux versions officielles de l’équipe.

J’insiste ici sur un point important : le Canadien n’a pas menti aux journalistes et donc par ricochet à ses partisans dans le dossier de Carey Price. Il a simplement maintenu une politique du silence qui l’a très mal servi.

Bergevin fait le point durant la tempête

Car si l’état-major du Canadien avait su que la blessure à Carey Price s’éterniserait comme elle s’est éternisée, il aurait vite placé son nom sur la liste des blessés à long terme. Ce faisant, il aurait pu soustraire son salaire de la masse imposée par la LNH. Et une fois cette procédure administrative complétée, Marc Bergevin aurait pu partir à la chasse d’un vrai gardien pour aider la cause de Mike Condon au lieu de se contenter d’un Ben Scrivens qui a lamentablement failli à la tâche.

On fait quoi avec Price maintenant? On l’empêche d’aller à cheval cet été? On l’empêche d’aller à la chasse? On l’empêche d’aller à la Coupe du monde?

En attente de la réponse du Canadien, je vous suggère celle-ci : on s’assure qu’il soit bien guéri. Et une fois qu’il l’est, qu’il l’est vraiment avec des preuves à l’appui, on le laisse reprendre sa vie normale. Eh oui! On le laisse aller à la Coupe du monde. Car après une saison, ou presque, ratée, Carey aura tout à gagner de ce camp d’entraînement à très grand déploiement.

Et s’il se blesse encore? Il pourrait de blesser dans sa douche en posant le pied sur un savon. Il pourrait se faire frapper en traversant la rue. Carey Price est un gardien de but. Il est le meilleur au monde ou l’un des meilleurs au monde. Il ne le restera pas en demeurant dans un gymnase ou sur une table de traitement. Il doit être sur la glace. Il doit jouer. Et ce sera en se mesurant aux meilleurs qu’il reprendra sa place parmi les meilleurs.

Au tour de P.K.

Le pire dans la gestion de désinformation que le Canadien a maintenue dans le cas de Carey Price, c’est qu’elle n’a pas eu que des conséquences négatives que dans le dossier du gardien. Elle en a eu sur tous les autres « affaires » qui ont miné la saison du Canadien. Et vous savez aussi bien que moi qu’il y en a eu beaucoup.

En cultivant le silence ainsi et en ouvrant la porte à toutes les spéculations, le Canadien a lui-même créé des tempêtes qui autrement auraient pris beaucoup moins d’ampleur. Voire pas d’ampleur du tout.

Le partisan est aujourd’hui tellement désabusé qu’il aime mieux croire les rumeurs les plus folles au lieu de croire les versions officielles de l’équipe comme on le voit maintenant dans le dossier P.K. Subban.

P.K. ne joue plus depuis que sa tête a heurté légèrement les grosses fesses d’Alexei Emelin. Parce qu’on ne prend jamais de chance avec une blessure à la nuque, et c’est tout à fait normal, P.K. est sorti de la patinoire attaché à une civière. Il est sorti du Centre Bell en ambulance.

Heureusement, la blessure n’était pas sérieuse selon les premières informations. On disait même dans les coulisses du vestiaire qu’il aurait pu rapidement revenir au jeu.

Mais non. Il est demeuré loin de la glace. Lorsqu’il a repris l’entraînement, il portait le chandail bleu poudre réservé aux joueurs qui ne peuvent être frappés. Mais depuis une bonne semaine, il s’entraîne normalement. Il donne des coups. Il en reçoit. Il a un chandail de régulier.

Mais non seulement n’a-t-il pas encore joué, mais il ne jouera plus cette saison. À cause de la blessure, oui, mais aussi parce qu’il n’a pas le moral suffisant pour le faire comme P.K. l’a indiqué mercredi matin.

« Ils auraient dû en parler avant »

Le Canadien a beau donner sa version officielle des faits, cette version ne convainc plus personne. Le partisan ne sait plus faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Flottant dans l’incertitude, il s’accroche à tout ce qui est lancé et qui peut parfois avoir du sens, mais qui plus souvent n’a carrément aucun bon sens.

Est-ce que P.K. feint une blessure? Au-delà le fait que chaque athlète ait un seuil différent de tolérance à la douleur – et P.K. m’a toujours semblé en avoir un très élevé – je ne croirai jamais qu’un joueur soit capable de feindre une blessure.

Jamais!

Est-ce donc qu’il est sous le coup d’une sanction? Qu’on le garde loin de la patinoire parce que les matchs ne comptent pas et qu’on veut faire subir une cure à son ego démesuré?

Est-ce que P.K. lui-même reste loin de la patinoire afin de prouver à ses coéquipiers et au reste de la planète hockey que sans lui – il ne faudrait pas oublier que Carey n’est pas là non plus – le Tricolore ne peut pas gagner?

Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Ce que je sais, c’est que quand on te dit toujours la vérité – ou qu’on te fait comprendre la situation quand la vérité doit être mise un brin de côté pour des raisons qui sont parfois valables – tu ne mets pas en doute la véracité de la parole de celui ou celle qui te dresse le portrait de la situation.

Et ce n’est malheureusement plus le cas du Canadien qui écope maintenant les pires contrecoups de la loi du silence qu’il a imposée au cours des dernières années.

La grande séduction

Marc Bergevin, nouveau DG du CH

Lorsque Marc Bergevin a été nommé directeur général du Canadien de Montréal, on a eu droit à un beau chapitre de la grande séduction.

Jeune, un brin excentrique dans sa tenue vestimentaire, toujours souriant en public, ricaneur, joueur de tour, Bergevin tranchait au couteau avec les images rétrogrades de ces prédécesseurs Bob Gainey et Pierre Gauthier. Après l’austérité de l’ancienne direction qui nous avait habitués aux « monsieurs » que Pierre Gauthier lançait chaque fois qu’il voulait nous parler des Price, Subban, Plekanec et autre joueur de l’organisation, Bergevin déridait tout le monde en parlant de « Pricy », de P.K. et de « Pleky ».

Tout un contraste.

Derrière cette grande séduction, cette ouverture apparente, cette image moderne qui annonçait des changements rafraichissants, Marc Bergevin cachait une politique du silence qui l’a très mal servi lui et son équipe.

J’espère qu’il le réalisera.

Car parmi les grands travaux qu’il devra réaliser pour relancer une équipe et une organisation qui a plongé bien bas cette année – et pas seulement en raison de la blessure de Carey Prive – Marc Bergevin devra revoir sa façon de garder les partisans mieux informés.

Pas besoin de tout leur dire. Ça non.

Mais il est essentiel qu’ils comprennent ce qui arrive à leurs joueurs favoris. À leur équipe. Qu’ils comprennent ce que l’organisation fait lorsqu’elle échange un joueur, lorsqu’elle décide de lever le nez sur un autre, lorsqu’elle décide de faire une fleur à un John Scott qui n’aura fait que passer dans l’organisation au lieu de le faire avec des jeunes qui triment dur dans les filiales depuis des années.

Des grosses décisions attendent Marc Bergevin.

Il devra jongler entre congédier ou garder Michel Therrien à la barre de son équipe. Il devra sacrifier quelques joueurs pour faire de la place à de meilleurs. Il devra décider si Galchenyuk jouera au centre une fois pour toutes. Il devra partir en quête de renfort pour donner à son équipe deux vrais bons trios d’attaquants. Il devra peut-être aussi se résigner à « gaspiller » de l’argent au marché des joueurs autonomes.

Il devra tout faire ça et ensuite expliquer pourquoi il l’a fait en espérant que des résultats positifs suivent. Et s’ils ne viennent pas, il devra expliquer encore. Car ça fait partie de son travail.

Et si un de ses joueurs phares se blesse l’an prochain – souhaitons d’abord à Carey Price et au reste de l’équipe et à ses partisans ensuite que le gardien restera en santé – j’espère que la grande confusion qui a régné cette année autour de son équipe en marge de la blessure de Price et qui règne encore avec les doutes soulevés dans le dossier de P.K., l’incitera à revenir au principe de grande séduction et adoptera une politique d’ouverture au lieu d’imposer une loi du silence.

On devrait avoir une bonne idée des ajustements que Marc Bergevin entend apporter lors de son bilan de la saison, bilan qu’il devrait effectuer lundi.

Ça promet!