J'ignore si les Sénateurs vont revoir leur plan de match ou peaufiner leur exécution, mais une chose est certaine, même si le Canadien n'a pas été parfait, loin de là, il a donné à ses rivaux du matériel à réflexion en vue du match numéro 2.

Le Canadien a gagné même s'il a été privé des services de son meilleur marqueur Max Pacioretty, même si Andreï Markov a marqué dans son propre filet et même si P.K. Subban a été chassé à mi-chemin dans la partie. Petit détail qui a aussi son importance, il est parvenu à marquer quatre buts contre Andrew Hammond, dont c'était seulement la deuxième défaite en temps réglementaire depuis son étonnante entrée dans la Ligue nationale.

Tout cela contre la formation par excellence du circuit au cours des dernières semaines. Une équipe qui, disait-on, possédait tous les éléments pour ennuyer le Canadien et peut-être causer une surprise dans ce premier match à l'étranger.

Dans l'analyse des forces en présence avant la série, on a fait remarquer avec raison que les Sénateurs alignent peut-être le défenseur par excellence de la ligue en Erik Karlsson, mais que le Canadien, de son côté, profite d'un duo comme Ottawa n'en a pas, celui formé de Subban et Markov. Or, il est peu probable que ces deux défenseurs se distinguent une nouvelle fois par d'aussi criantes maladresses durant cette bataille qui ne sera pas de tout repos.

Le geste irréfléchi de Subban est impardonnable. Quand un coup de hache est donné sur le poignet du franc-tireur de l'heure de l'équipe adverse, difficile de ne pas imaginer un geste calculé de sa part. Subban, dont la pénalité majeure a coûté deux buts, connaissait parfaitement l'identité de sa victime qu'il semblait chercher depuis un bon moment avant l'incident.

Par ailleurs, il a joué un jeu plutôt dangereux quand il est revenu dans le corridor pour tempêter contre la décision de l'officiel après avoir été expulsé. Un joueur chassé de la sorte ne peut pas ressortir du vestiaire pour afficher ainsi son mécontentement. Chanceux s'il s'en tire sans une amende ou une réprimande de la ligue.

Quant à Markov, le public n'a pas maugréé quand il a poussé le disque derrière Carey Price pour placer Ottawa en avant dans le match parce que le vétéran est d'habitude d'une grande fiabilité. On est très loin de la bourde du défenseur  Ryan O'Byrne qui avait lancé la rondelle dans son filet alors que le gardien avait été retiré à la faveur d'un coéquipier, il y a quelques années. On avait presque sorti le pauvre O'Byrne de la ville à la suite de cette bévue survenue dans une partie régulière au cours de laquelle les joueurs du Canadien ne se battaient pas leur peau comme c'était le cas hier. S'il avait fallu que le responsable de cette gaffe soit un autre défenseur que Markov, il n'aurait certainement pas eu droit à la même clémence du public et des médias.

Comme le Canadien, malgré l'absence de Pacioretty, la moitié de match disputée par Subban et la bourde de Markov a quand même trouvé une façon de gagner, il est plus facile de passer l'éponge sur tout cela pour mieux s'attarder sur la précieuse contribution de trois plombiers réunis au sein du quatrième trio, Prust-Mitchell-Flynn, qui sont sortis de là avec une contribution de deux buts et trois passes. On a sans doute été témoin d'une première quand les seuls joueurs du Canadien impliqués dans le choix des trois étoiles ont été des joueurs de quatrième trio, en l'occurrence Mitchell et Flynn.

Le flair de Bergevin

Marc Bergevin, qui est à l'écoute de ses hommes de hockey qui parcourent toutes les villes du circuit pour pouvoir lui offrir de précieuses informations au moment de transiger, a toutefois vu sa patience être soumise à rude épreuve quand les deux joueurs les plus en évidence dans ce match avaient été quasi invisibles depuis leur arrivée. Sur un total combiné de 23 parties, Flynn et Mitchell n'avaient récolté qu'une passe.

Dans une seule période, la deuxième, Flynn a amassé ses trois premiers points en carrière dans les séries, dont le but gagnant. Si on veut aller un peu plus loin dans l'importance de sa performance, on peut ajouter qu'elle assure l'organisation d'un troisième match à domicile et d'une recette additionnelle avoisinant les trois millions de dollars. Flynn n'accomplirait plus rien dans cette série que le choix de cinquième ronde sacrifié pour l'obtenir constituerait encore toute une aubaine.

De son côté, Mitchell, qui avait raté une occasion en or d'ébranler Hammond en se présentant seul devant lui dès le départ, est celui qui a sorti le Canadien de sa torpeur a nivelant les chances au second engagement.

Peut-être que le directeur-général était déterminé à patienter davantage avec ses nouveaux venus parce que ses décisions visaient d'abord à donner un peu plus de profondeur à l'équipe en vue des séries.

On lui a reproché d'avoir joué dangereusement avec la chimie d'une équipe gagnante en ajoutant quatre joueurs à la formation alors que tout allait déjà très bien. Ils ont tous joué un rôle important dans cette victoire. Outre Flynn et Mitchell, le défenseur Jeff Petry a donné plus de 24 minutes de qualité à Michel Therrien tandis que Devante Smith-Pelly, qui a touché le poteau tard dans le match, a distribué les coups d'épaule et ennuyé Hammond par sa présence régulière devant le filet.

Bergevin n'est pas du genre à se péter les bretelles, mais comme cela s'est produit l'an dernier dans le cas de Dale Weise, qui est devenu un joueur polyvalent capable de dépanner le Canadien dans diverses situations, il semble avoir vu juste cette fois encore.

Pour justifier toutes ces décisions heureuses, il faut remonter loin en arrière quand, à l'heure de sa nomination par Geoff Molson, il a recommandé l'embauche de solides soldats pour le seconder. C'est ainsi que Rick Dudley et Scott Mellanby sont venus se greffer à celui qui occupait déjà le rôle d'adjoint au directeur général, Larry Carrière. Ne cherchez pas ces trois-là sur la passerelle du Centre Bell durant la saison de hockey. On ne les voit pratiquement jamais d'octobre à juin puisqu'ils sont occupés à voyager de ville en ville à la recherche du type de joueurs que Bergevin recherche pour aller au plus pressant dans certains cas.

Le prochain match s'annonce captivant. Les Sénateurs ont de quoi réfléchir en ce moment puisqu'ils ont été battus par des joueurs de soutien sans que Carey Price ne fasse vraiment une différence dans la victoire. Rien de tout cela n'avait été prévu.