Malgré tous les pépins qui sont survenus depuis le début de la saison, je ne crois pas que le Canadien soit descendu plus bas dans l’estime du public qu’à l’occasion de son dernier match. Et je ne parle pas uniquement du résultat de l’affrontement contre les Oilers d’Edmonton.

 

On s’attendait à beaucoup de ce match. Le joueur le plus électrisant de la ligue, Connor McDavid, était en ville. Les Oilers étant à peine plus mauvais que le Canadien, on prévoyait un affrontement entre deux formations quasi similaires. On anticipait donc un duel excitant: McDavid contre Carey Price. Comme le Tricolore ne possède pas le type de défense capable de contenir le jeune capitaine des Oilers, ça semblait assez évident que Price aurait son jeune et dangereux adversaire dans la face une bonne partie de la soirée.

 

Le scénario a été plus court que prévu puisque les Oilers n’ont mis que 23 minutes pour sortir le gardien du Canadien de la patinoire. Cette fois, Price s’est gardé une petite gêne en ne fusillant pas l’entraîneur du regard. Ç’aurait été le comble.

 

Ce qui a profondément déçu les amateurs, sur place comme à la télé, a été le manque d’effort et la piètre détermination d’une équipe qui, pour s’assurer d’une place en séries, ne pouvait absolument pas laisser filer une occasion comme celle-là. Samedi, le public a probablement eu l’impression d’être le seul à s’en faire pour le sort de l’équipe.

 

Après le match, la question a été posée aux principaux acteurs de cette autre défaite : comment le Canadien a-t-il pu encaisser trois défaites consécutives contre St Louis, Calgary et Edmonton après avoir remporté cinq victoires consécutives qui avaient laissé l’impression à beaucoup de monde que l’équipe avait enfin tourné le coin?

 

« Je n’ai pas d’explications », a mentionné Claude Julien.

 

« Je n’ai aucune réponse à ça », a dit Shea Weber, avec la mine d’un gars qu’on n’aimerait pas affronter au fond d’une ruelle, tard le soir.

 

« Je n’en sais rien, a ajouté Price. Nous étions flats. »

 

On aurait pu lui retourner la remarque. N’avait-il pas été lui-même le plus flat de tous les joueurs sur la glace? N’avait-il pas été à la base de cette débâcle en accordant quatre buts sur 14 tirs? En étant nonchalant dans ses déplacements, il avait donné le ton à ce qui allait suivre. Ses coéquipiers avaient compris dans son langage non verbal qu’il ne ferait pas la différence dans ce match.

 

Est-ce moi ou si Price semble de moins en moins heureux d’être là? Il apprécie peut-être les « Carey, Carey, Carey » quand ça va bien, mais on le sent très sensible aux huées. Il ne salue plus la foule avec le même enthousiasme. Face aux médias, il est expéditif; le ton qu’il emprunte est suffisant. Rarement agréable à côtoyer, l’athlète le plus riche du vestiaire.

 

C’est désolant tout ce qui se passe. On a un directeur général inactif, un entraîneur qui modifie rarement ses plans de matchs, un capitaine qui n’a rien d’un rassembleur et un Jonathan Drouin de qui on attendait beaucoup, mais qui semble étouffé dans le carcan défensif de l’équipe. Il doit s’ennuyer du Lightning certains soirs.

 

Le Canadien est passé maître dans l’art de générer de l’espoir. Ça fait un quart de siècle qu’on nous dit qu’il faut s’attendre à de belles choses au bout de la route. N’a-t-on pas qualifié Bob Gainey de génie quand il a pris les rênes de l’équipe? N’a-t-il pas cédé sa place à un homme, Pierre Gauthier, qui avait déjà été président d’une organisation et directeur général en deux occasions, et qui possédait le c.v. requis pour replacer le Canadien sur les rails? Or, il a justement été remercié parce que le train a déraillé sous sa gouverne. Marc Bergevin, chaleureusement recommandé par Serge Savard et généreusement rémunéré par Geoff Molson, ne devait-il pas faire déferler un vent de changement sur Montréal après avoir fréquenté des gagnants à Chicago? Claude Julien n’a-t-il pas créé la plus favorable des impressions en remplaçant Therrien?

 

Julien est un entraîneur crédible qui s’est bâti une réputation solide au New Jersey et à Boston. On avait même dit de lui qu’il avait été injustement congédié par Gainey. Calme, pondéré, en contrôle, il semblait l’homme tout désigné pour remettre de l’ordre dans un groupe d’athlètes qui en avaient peut-être assez du style corrosif de son prédécesseur. Malgré tout, je n’avais jamais imaginé qu’il accomplirait son rôle d’une façon différente de tout ce qu’on avait vu de lui jusque-là.

 

À Boston, où il a gagné la coupe Stanley en se foutant pas mal que sa tête soit mise à prix par le président Cam Neely, il était énergique derrière le banc. On le sentait alerte. Peu de choses lui échappaient.

 

À son retour à Montréal, il a hérité d’une formation qui avait besoin d’être motivée. Après la rapide élimination du printemps, énergiser l’équipe, lui dicter un système efficace et créer une ambiance propice à la victoire faisaient partie de son cahier de charge au camp d’entraînement. Jusqu’ici, la déception est majeure.

 

Après la gênante prestation contre les Oilers, le calendrier syndical des joueurs prévoyait un congé lundi. Julien avait donc tout le loisir de faire sentir son mécontentement en ordonnant un entraînement dès dimanche matin. On s’y attendait, surtout après qu’il se soit récemment élevé contre cette clause du contrat collectif des joueurs qui empêche parfois les entraîneurs de procéder à un exercice punitif au lendemain d’une défaite embarrassante. En adoptant une attitude nettement trop clémente dans les circonstances, Julien a raté une occasion d’asseoir solidement son autorité. Sans doute soulagés de tant de compréhension, les joueurs ont profité de deux journées complètes de repos au lieu d’une. Parions qu’ils s’attendaient à pire.

 

Plus rien n’est comme avant dans le hockey d’aujourd’hui. Les vrais patrons sont ceux qui ont des patins aux pieds. Quand l’entraîneur hausse le ton trois jours après une prestation indigne d’une équipe qui se bat pour sa survie, personne ne tremble de peur.

 

On en est là. Et ça ne risque pas d’être plus encourageant contre les étonnants Devils du New Jersey qui s’amènent en ville.