Marc Bergevin a bien des problèmes à régler s’il veut faire du Canadien un club qui ne se contente pas de gagner en saison régulière, mais qui peut aussi gagner en séries éliminatoires.

Avec l’acquisition de Jonathan Drouin et sa mise sous contrat pour une période de six ans – son salaire global de 33 millions $ entraîne une ponction annuelle de 5,5 millions $ sous le plafond – il en a réglé un. Du moins en partie.

Jonathan Drouin est capable de marquer des buts dans la Ligue nationale et en séries éliminatoires. Il l’a prouvé avec le Lightning de Tampa Bay.

Jonathan Drouin est capable de préparer des buts comme le démontrent des dizaines et d’autres dizaines de buts enfilés par ses coéquipiers du Lightning qui ont profité de ses passes savantes.

Jonathan Drouin est un joueur spectaculaire capable de garder les amateurs sur le bout de leurs sièges et de leur offrir des faits saillants qui feront souvent contrepoids au prix des billets, de la bière et du stationnement lorsqu’ils quitteront le Centre Bell après un revers de leurs favoris.

Jonathan Drouin est aussi un petit gars de la place. Ce qui est bien plus important qu’on peut le croire. Le premier attaquant de premier plan qui est de la place depuis… Mike Ribeiro. Mais je crois que les perspectives d’avenir de Drouin dans la LNH sont meilleures qu’elles ne l’étaient pour Ribeiro qui cela dit a connu une très belle carrière quand même.

Jonathan Drouin en entrevue au 5 à 7

Avec Drouin dans la formation, le Canadien sera donc meilleur offensivement l’an prochain qui ne l’était l’an dernier. Mieux encore, parce que Drouin s’est distingué lorsqu’il est allé en séries avec Tampa Bay, on peut prétendre qu’il donnera au Canadien quelques buts qui ont si cruellement fait défaut en première ronde des séries contre les Rangers de New York. Un manque à gagner qui a contribué à envoyer le Tricolore en vacances bien trop tôt au goût de ses fans.

Tout cela est bien beau.

Sergachev laisse un grand vide

Mais parce qu’il faut donner pour recevoir, le Canadien a donné gros pour mettre la main sur Drouin en cédant son meilleur espoir à la ligne bleue, son meilleur espoir tout court, en Mikhail Sergachev.

« Ce sera difficile de remplacer Sergachev »

La perte de Sergachev crée un vide dans la relève à la ligne bleue. En fait, elle pourrait créer un vide dès la saison prochaine alors que plusieurs croyaient – et surtout espéraient – que le jeune russe puisse faire le saut dans la LNH pour venir donner un brin de profondeur à une brigade défensive qui en a pas mal besoin à Montréal.

On voyait en Sergachev, avec raison, un successeur à Andreï Markov. Sous la gouverne du vieux et valeureux Markov, Sergachev aurait pu se développer lentement et devenir le défenseur phare que plusieurs voient en lui.

Ce n’est donc pas à Montréal, mais à Tampa Bay que Sergachev se développera. Et s’il devient aussi bon dans la LNH que les spécialistes en matière de recrutement et de développement croient qu’il le deviendra, le Lightning aura tout un atout à ajouter à Victor Hedman sur sa ligne bleue.

Mais ça, c’est l’avenir. L’avenir à court et à moyen terme. Et l’avenir c’est important, on en conviendra tous, mais le Canadien a des solutions à trouver, des brèches à colmater, dans le présent.

Et si on conjugue cette transaction au présent, le Canadien fait un très bon coup en obtenant Jonathan Drouin en retour de Mikhail Sergachev.

Oui Sergachev est talentueux. Très talentueux même.

« On ne pouvait pas rater cette occasion »

Mais Drouin l’est tout autant. Peut-être plus.

Oui Sergachev est promis à une belle carrière.

Mais Drouin connaît déjà une belle carrière. Il compte déjà parmi l’élite de la LNH dans la meute des jeunes prêts à prendre la relève.

Et Radulov et Galchenyuk maintenant ?

Jonathan Drouin fait donc du Canadien un meilleur club aujourd’hui qu’il ne l’était hier.

Mais attention, le défi imposant qui attend Drouin à Montréal pourrait prendre de l’ampleur au cours des prochaines semaines, des prochains mois.

Car si le jeune Québécois de 22 ans a tout le talent au monde, des mains agiles, un front de bœuf et un petit caractère qui est nécessaire pour distinguer les bons des meilleurs, il deviendra peut-être celui qui devra remplace et faire oublier Alexander Radulov et même Alex Galchenyuk si les deux attaquants ne sont pas de retour la saison prochaine.

Il est trop tôt pour signer leur arrêt de mort à Montréal.

J’en conviens.

Mais les six ans et 33 millions $ consentis à Drouin ne sont plus disponibles pour Radulov et Galchenyuk qui reluquent des contrats certainement aussi riches. Peut-être même plus encore…

« C'est irréel, c'est un choc »

Malgré sa politique de fermeture en matière de stratégie contractuelle, Marc Bergevin a donné une idée très claire de l’allure de la négociation qui a cours avec Radulov pour le garder à Montréal. «La durée du contrat est très importante pour moi», a convenu le DG du Canadien lors du point de presse qu’il a tenu au Centre Bell flanqué de sa nouvelle acquisition.

Ça veut dire que le Canadien est prêt à donner beaucoup d’argent à Radulov, peut-être même trop, mais qu’il sera plus exigeant en matière d’année. Ça revient à ce que je vous suggère depuis plusieurs mois. Radulov pour trois ans à un salaire de fou, oui. Radulov pour cinq ou six ans, à un salaire moins fou bien que fou quand même, jamais.

L’ennui pour le Canadien c’est que quelqu’un, ailleurs qu’à Montréal, sera assez fou pour donner trop d’argent trop longtemps à Radulov.

Et c’est pour cette raison que j’ai déjà commencé à faire une croix sur lui.

Dans le cas de Galchenyuk, c’est moins évident.

Des rumeurs soutiennent que le Canadien l’a mis en vitrine. Qu’il «l’offre activement» à tous les clubs qui seraient intéressés.

Je veux bien.

Mais avant de perdre un gars capable de marquer 30 buts presque facilement dans la LNH, il faut être prudent. Ou obtenir en retour une valeur aussi sûre que le Lightning a obtenue en retour de Jonathan Drouin.

Je crois depuis la fin de la saison que le prochain contrat de Galchenyuk se décidera en arbitrage. Dimanche à Nashville, où j’ai croisé son agent Pat Brisson – qui est aussi un très proche ami de Marc Bergevin – l’agent de Sidney Crosby m’a mis en garde quant à ma conclusion trop hâtive reliée à l’arbitrage comme solution dans le dossier Galchenyuk.

On verra.

Remarquez que ce serait une très bonne nouvelle pour le Canadien et les fans de Galchenyuk si le contrat se règle avant l’arbitrage. Car l’arbitrage est une procédure dont la seule certitude est qu’elle amorce le divorce entre le joueur et le club qu’il affronte devant un arbitre.

Bergevin a encore du travail à faire

En ce 15 juin, le Canadien avec Jonathan Drouin est donc meilleur qu’il ne l’était hier.

Mais Marc Bergevin qui ajoute un autre gros coup à ses nombreux autres – acquisition de Shea Weber en retour de P.K. Subban, embauche d’Alexander Radulov, acquisition d’Andrew Shaw et Phillip Danault, congédiement de Michel Therrien en embauche de Claude Julien – devra continuer à trimer dur au cours des prochaines semaines parce qu’il doit renflouer encore davantage son équipe pour qu’elle soit une équipe à prendre au sérieux une fois aux portes des séries.

De fait, si Bergevin perd Radulov et Galchenyuk et qu’il demande à Jonathan Drouin de combler ces deux départs à lui-seul, ce sera non seulement injuste pour le petit gars qui arrive de Tampa, mais ça pourrait miner les chances du Canadien d’accéder aux séries.

D’accord! On est juste le 15 juin.

Le repêchage d’expansion et toutes les transactions qui en découleront, le marché des joueurs autonomes et les mois d’été permettront à Bergevin de continuer à améliorer son club.

Mais on doit lui donner tout le crédit qui lui revient d’avoir su négocier avec Steve Yzerman pour obtenir Jonathan Drouin.

Et si Sergachev devient très bon?

On devra dire tant mieux pour lui et pour le Lightning tout en espérant que Drouin fera la même chose à Montréal avec le Canadien.

Et comme Drouin a tout le talent pour réussir et qu’à 22 ans, il est à peine plus vieux que Sergachev, on peut être d’ores et déjà convaincu que le Tricolore ne se sera pas rendu coupable d’une bourde semblable à celle qu’il a commise en acceptant de donner Ryan McDonagh pour obtenir un Scott Gomez en toute fin de carrière.

On pourra dresser les conclusions que l’on voudra sur les bons et moins bons coups de Bergevin, on pourra lui en vouloir éternellement ou non pour le départ de P.K. Subban, mais on ne pourra jamais condamner Marc Bergevin pour son immobilisme.

Depuis qu’il est en place, il a brassé le Centre Bell et a fait bien des changements dans le vestiaire. Il est temps maintenant d’obtenir des résultats.

En rafales

  • -      Marc Bergevin a confirmé qu’il ne procédera à aucun rachat de contrat afin de faciliter l’ébauche de sa liste de protection en vue du repêchage d’expansion…

 

  • -      Le Canadien s’est entendu pour deux ans avec Charles Hudon. L’attaquant québécois a reçu un contrat de Ligue américaine en vue de la saison prochaine, mais sera éligible à un contrat de la LNH dans deux ans. La grande question dans le cas de Hudon, les deux en fait sont : sera-t-il inscrit sur la liste de protection du Tricolore? S’il est disponible, sera-t-il acquis par Vegas à moins que le Canadien et les Golden Knights aient signé un pacte de non-agression?

 

  • -      Marc Bergevin a indiqué hier qu’en marge du départ de Clément Jodoin à la fin de la dernière saison, les autres adjoints – Kirk Muller, Jean-Jacques Daigneault et Daniel Lacroix en plus de Stéphane Waite bien sûr – seront de retour pour épauler Claude Julien la saison prochaine…

 

  • -      Avec le départ de Mikhail Sergachev, Noah Juulsen devient le premier en lice dans la relève du Tricolore à la ligne bleue. L’état-major a beau croire en Juulsen – choix de première ronde (26e sélection) en 2015 –, mais les rapports sont loin d’être éloquents à son sujet. On garde espoir qu’il puisse se tailler une place au sein d’un deuxième duo à titre de défenseur à caractère défensif, mais il n’est pas dans la même catégorie que Sergachev…