C’est une saison totalement perdue qu’on pourra difficilement oublier. Dans la très longue histoire de plus de 100 ans du Canadien, si cela était possible, on l’effacerait de la mémoire collective de ses fans qui sont les seuls à s’être donnés soir après soir en ces temps difficiles.

 

La gêne s’est installée par moments. Parfois même la honte, comme on l’a ressentie la semaine dernière dans cette claque à la fierté servie par la 31e formation au classement, les Coyotes de Phoenix.

 

Je me demande comment Geoff Molson a réagi dans son salon ce soir-là. Les Brasseries Molson et les membres de cette illustre famille, qui détiennent des intérêts dans l’équipe pour une 54e année et qui sont fiers de la tradition qu’ils ont instaurée dans le hockey, ont rarement été aussi humiliés, je présume. Je me demande si Marc Bergevin a reconnu dans son for intérieur qu’il est l’un des grands responsables de cette débâcle, lui et ses nombreux super conseillers. Quand viendra le moment d’évaluer le degré de responsabilité de chacun, le directeur général sera un incontournable, s’il est toujours là pour procéder à son mea culpa.

 

Claude Julien peut manifester une colère occasionnelle, il peut faire allusion aussi souvent qu’il le désire à la tenue inacceptable de ses joueurs, mais force est d’admettre qu’il fouette un cheval mort en ce moment. Ses joueurs ont le moral dans les talons. Le coeur n’y est plus. Devant l’incapacité de la direction à trouver des éléments capables de mieux les appuyer au cours des derniers mois, on a fini par saboter la confiance générale de l’équipe.

 

Cette campagne désastreuse a pris naissance aussi tôt qu’au dernier camp d’entraînement durant lequel la direction de l’équipe a paru aussi désorganisée que l’ensemble de ses joueurs. Des jeunes auraient dû se défoncer pour saisir l’occasion qu’on leur offrait de faire leur place dans l’équipe. Seul Victor Mete, à la surprise générale, l’a fait. Michael McCarron, Nikita Scherbak et l’ineffable Jacob De La Rose sont repartis vers Laval, faute d’effort.

 

À la ligne bleue, contrairement aux prévisions surréalistes de Bergevin, le cafouillis a été si général qu’à la suite d’un long processus pour identifier le partenaire assidu de Shea Weber, il a fallu s’en remettre à un joueur d’âge junior pour lequel on n’avait sans doute pas de plans précis cette saison. La défense semblait si pitoyable que la pire déclaration de la carrière de Bergevin le hantait quasi quotidiennement. C’était tellement évident que le corps défensif du Canadien ne serait pas meilleur que celui de la saison précédente, comme on a tenté de nous en convaincre.

 

Il n’y a pas eu beaucoup d’enthousiasme durant ce camp. Il a d’ailleurs fallu attendre au septième match préparatoire pour être témoin d’une première victoire. Malgré tout, personne n’a semblé s’alarmer. On croyait sans doute pouvoir tourner la switch à « ON » en ouverture de saison pour que les choses changent. On a peut-être commencé à s’inquiéter quand l’équipe a perdu sept de ses huit premiers matchs, dont six avec Carey Price devant la cage.

 

Bergevin avait les moyens financiers de changer les choses et de démontrer à ses leaders qu’il allait leur accorder le soutien offensif et défensif nécessaire. L’aide n’est jamais venue. Avec le temps, les défaites se sont accumulées à un rythme effarant. La confiance s’est effritée, si bien qu’elle est quasi nulle en ce moment. Quand les attaquants se retrouvent face aux gardiens, ils doutent de leur capacité à pouvoir marquer. Degré de confiance zéro. Price, lui, sait que les défenseurs ne lui apporteront pas le support qu’il est en droit d’attendre de leur part. Ça donne un gardien désabusé qui a hâte d’en finir et qui donne parfois l’impression de vouloir aller cueillir ses 84 millions ailleurs.

 

Des leaders? Où ça?

 

Quand la saison s’est amorcée, on a identifié trois grands leaders : Weber, dont l’acquisition a coûté à l’organisation l’un des athlètes les plus en vue dans la ligue; Max Pacioretty qu’on souhaitait voir s’imposer comme capitaine, et Price qui, disait-on, était le capitaine sans porter le C sur sa poitrine. Les vrais leaders sont des gens reconnus pour leur force de caractère. Des athlètes qui, peu importe les problèmes, ont le tempérament pour se lever et rallier les troupes. Or, une blessure sérieuse a empêché Weber de jouer pleinement son rôle, Pacioretty a démontré qu’il n’a pas la carrure pour remplir la responsabilité que ses coéquipiers lui ont confiée en le préférant à tous les autres pour être leur capitaine. Price n’a sûrement pas fait la preuve qu’il est de la trempe des grands. Le prétendu meilleur gardien de but au monde, à sa 11e saison à Montréal, n’a toujours pas démontré qu’il est dans la classe des Plante, des Dryden et des Roy. Nonchalant, souvent indifférent, il est même devenu une source d’inquiétude.

 

Le Canadien, qui est loin d’avoir le talent annoncé, n’a pas reçu, par la voie de transactions majeures, le coup de pouce qui aurait pu changer beaucoup de choses. L’organisation en avait les moyens pourtant avec ses 9 millions $ d’espace dans sa masse salariale. Au début de la saison, on comprenait fort bien la difficulté de transiger pour Bergevin puisque durant les premières semaines du calendrier, personne ne ressent l’urgence d’apporter des changements. Toutefois, de là à laisser l’équipe perdre tout espoir d’une participation aux séries dès la mi-saison, sans faire quoi que ce soit pour changer les choses, il y avait une limite que le directeur général a pourtant franchie.

 

Bergevin n’a pas fait faux bond qu’à ses joueurs. Claude Julien s’est comporté en bon citoyen corporatif en ne faisant jamais la moindre allusion au fait qu’il aurait apprécié recevoir des munitions qui auraient pu faire de lui un entraîneur plus efficace. Il ne s’est même pas permis une remarque subtile là-dessus. Il a pris des décisions que nous n’avons pas toujours comprises, mais peut-être a-t-il agi en désespoir de cause certains soirs.

 

On verra avant la date limite pour les transactions si le d.g. posera un geste fracassant susceptible de le consolider dans son rôle maintenant fragilisé d’architecte de l’équipe. Une chose est certaine, peu importe l’importance de la transaction qu’il pourrait compléter, elle arrivera trop tard pour faire oublier tout ce qu’on a fait endurer aux amateurs au cours des derniers mois.

 

Que dira Bergevin pour expliquer son immobilisme? Osera-t-il seulement reconnaître qu’il a lui-même bousillé la saison en restant assis sur ses mains?

 

Une remarque savoureuse

 

Un homme d’affaires français, qui vient de s’établir à Montréal en permanence avec sa famille, observe ce qui se passe chez le Canadien et n’y comprend pas grand-chose. Concernant Carey Price, il y va d’une remarque plutôt candide: «Je me dis que lorsque le Canadien trouvera un meilleur gardien de but, il va vraiment coûter cher», dit-il.