Phil Goyette a pu exposer tout son talent ailleurs qu'à Montréal
Canadiens vendredi, 24 avr. 2020. 08:00 vendredi, 24 avr. 2020. 10:13MONTRÉAL – Malgré la pandémie qui paralyse le monde, Phil Goyette enfile les blagues une après l’autre. Ça nous rappelle à quel point ça devait être amusant de jouer pour le Canadien de Montréal dans ses années les plus glorieuses. Le plaisir ne venait pas qu’en gagnant au sein de ce groupe spécial.
Son sens de la répartie est aussi affûté que son coup de patins de l’époque. Il est si vif qu’on finit pratiquement par croire sa plaisanterie préférée : « Je rigole avec mon âge, j’inverse les chiffres et je dis que j’ai 68 ans! »
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Bien sûr, Goyette n’avait pas huit ans quand le Canadien a établi le record d’un cinquième triomphe consécutif de la coupe Stanley en 1960. Il était plutôt le troisième centre de l’équipe derrière nul autre qu’Henri Richard et Jean Béliveau.
« Il y avait tellement de bons joueurs avec le Canadien. J’étais sur la troisième ligne avec (Claude) Provost et (André) Pronovost. On jouait toujours contre les gros trios de l’adversaire pour les empêcher de compter. Ça faisait partie de notre réalité. Mais quand ils (les gros canons du club) étaient blessés, on prenait la relève quand même », a décrit Goyette qui s’acquittait très bien des différents mandats comme on le voit bien ici à 4:25 de ces archives.
Le calendrier 1959-1960 le démontre très bien alors que l’ancien numéro 20 a été le cinquième buteur de la formation avec 21 buts. Durant les séries, Goyette avait compté deux buts lors d’un match de la finale contre Toronto.
« J’ai gardé des écritures là-dessus. Je crois qu’on avait gagné huit parties de suite, qu’on n’avait pas perdu en éliminatoires. C’était de valeur, on leur disait ‘Excusez-nous’. Pour la première coupe (celle de 1956), j’étais en relève. J’étais là si quelqu’un se blessait, mais ce n’est pas arrivé. J’aurais pu dire que j’avais participé aux cinq championnats », a témoigné Goyette durant un entretien téléphonique fort sympathique.
On s’empresse de lui faire remarquer que ce n’est pas si mal d’avoir contribué à quatre titres d’affilée.
« C’est vrai, c’est passable, lance-t-il avec le sourire dans la voix. D’autres joueurs n’ont jamais eu la chance de gagner une coupe. »
Goyette porte encore fièrement la bague qui avait accompagné ce championnat. Auparavant, ce privilège n’existait pas.
« Avant, on recevait des cabarets en argent. Je ne pouvais pas les porter avec moi donc ça ramasse la poussière en bas dans la maison », s’est-il amusé à dire.
Alors que Goyette était dans la fleur de l’âge à cette époque, c’était plutôt le dernier droit de l’illustre carrière de Maurice Richard, un homme qu’il a continué de mieux connaître par la suite.
« C’était spécial, j’ai joué quatre ans avec Maurice et ensuite 13 ans dans les matchs des Anciens. Il était arbitre et je jouais. On faisait des tournées au Canada et aux États-Unis avec environ 70 à 75 matchs par hiver pour amasser des fonds. On s’amusait, on se taquinait en masse, on lui disait d’arrêter son cirque comme arbitre. Il était un bon ami, on a voyagé ensemble en auto quelques fois. J’ai vécu de beaux privilèges comme celui-ci, mais comme toute chose, il y a toujours une fin », a confié le gaucher qui a disputé 941 matchs réguliers dans la LNH avec 207 buts et 467 aides (674 points).
Il a pu étaler tout son talent à New York, St. Louis et Buffalo
Goyette a lui-même vécu une conclusion peu de temps après ce championnat, celle de son chapitre avec le Canadien.
« Même si ce fut l’une de mes bonnes années avec le Canadien et que j’en étais bien content, ils m’ont vendu deux ans plus tard », a-t-il rappelé sans hésiter.
Au départ, Goyette ne voulait rien savoir d’honorer cette transaction avec les Rangers de New York. Il avait été échangé en compagnie de Jacques Plante et Don Marshall. Sa famille avait fini par le convaincre et c'est là-bas qu’il a pu exposer la vraie nature de son talent. Ce potentiel offensif, il savait qu’il possédait durant ses années à Montréal.
« Oui, mais on était là pour d’autres raisons. Il y avait tellement de bons compteurs avec Maurice, Jean, Geoffrion, Moore, mon doux seigneur... Je n’étais pas si mal, j’ai déjà compté plus de 20 buts pour un troisième trio. Il n’y avait que six équipes donc on était chanceux d’être dans la LNH parce que d’autres joueurs auraient voulu être à notre place », a-t-il soupesé.
Alors que son utilisation restreinte lui avait permis d’établir un sommet de 46 points en une saison à Montréal, il a terminé cinq années avec des récoltes supérieures à 60 points incluant un calendrier de 78 points avec les Blues de St. Louis en 1969-1970.
« J’ai joué jusqu’à l’âge de 39 ans, ce n’est pas mauvais. Avec les Blues, j’avais 37 ans quand j’ai fini quatrième compteur de la LNH (derrière Bobby Orr, Phil Esposito et Stan Mikita). Personne ne s’en rappelle de ça », a soutenu Goyette avec la seule pointe de déception ressentie lors de l’entrevue.
Le souvenir qu’on conserve de Goyette ne serait pas le même s’il avait eu l’occasion de connaître ses meilleures années à Montréal. Les réussites collectives sont, cependant, très précieuses à ses yeux. Il en veut plutôt aux Blues qui ne l’avaient pas protégé au repêchage d’expansion après son année de 78 points.
« Ça m’a écoeuré, mais j’étais à la fin de ma carrière. Je me suis dit que j’allais jouer encore un peu. Je n’étais pas pour m’arrêter à 50 ans. Vers la fin, ça commençait à être difficile pour le corps », a noté Goyette qui avait été réclamé les Sabres de Buffalo.
Goyette a bien failli se retirer de la plus belle des façons. De retour avec les Rangers, il avait échappé une dernière coupe Stanley lors de la finale de 1972 contre les Bruins de Boston.
« J’ai taquiné pas mal le coach (Emile Francis) parce que je n’avais pas été habillé pour le dernier match vu que Jean Ratelle était de retour. Ça ne veut pas dire qu’on aurait gagné. On avait bien joué et on avait battu le Canadien aussi (au premier tour). Les gars étaient en maudit après moi! Je me faisais taquiner », a raconté Goyette qui avait fini les séries avec un but et trois aides.
Dégoûté par le traitement réservé à des personnes âgées
La beauté de la chose, c’est que le poids des années dans la LNH ne l’a pas trop amoché physiquement.
« Ils ne pouvaient pas me pogner, j’étais trop vite! Quand ils me frappaient, je tombais avant et je ne me faisais pas mal. J’ai été bien chanceux dans l’ensemble et j’essaie de maintenir la forme », a commenté celui qui se croise donc les doigts pour que le golf soit autorisé cet été.
« Je joue encore trois fois par semaine, avant c’était cinq jours et je marche les 18 trous », a-t-il répondu en nous épatant.
Pour le moment, il doit se contenter de marches autour de son terrain avec son petit chien et il communique avec sa famille par vidéo.
« J’ai une fille à Kirkland et une autre à Ottawa. Mon garçon, le plus vieux, est décédé à 56 ans et sa famille est à Edmonton par contre. J’ai sept petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Tout avance vite et je ne veux pas que ce soit le cas vu que je vieillis », a soutenu Goyette donc la femme est décédée il y a sept ans.
Il pense souvent à elle surtout en lisant le traitement ignoble qui est réservé à trop de personnes âgées.
« J’ai trouvé ça vraiment écoeurant surtout ici à Herron, à Dorval. Ils ne prennent pas soin des gens âgés. C’est dommage de voir qu’ils ne s’occupent pas mieux d’eux. J’avais été obligé de placer ma femme dans un centre spécial parce qu’elle était handicapée, mais elle n’est restée qu’un mois et demi parce qu’elle était malade. À quelque part, c’est une bonne chose probablement », a-t-il philosophé.
Ça ne lui ressemblerait pas de laisser son moral péricliter.
« J’aime taquiner, il faut rire dans la vie. Avec ce qu’il me reste à vivre, il ne faut pas être triste. Je dois être heureux et essayer de rendre les autres heureux. Je me souhaite un autre 20 ans. Ça va être plus difficile au golf, il va falloir qu’on me ramasse au sol après mon élan », a conclu Goyette avec une note à son image.