Gallagher : le corps vieillit, mais le cœur reste jeune

TORONTO - À 31 ans, les bras et le corps meurtris par des blessures qui se sont multipliées au fil des dernières saisons et par plus encore de coups, légaux ou pas, encaissés le long des bandes et devant les filets adverses, Brendan Gallagher amorcera ce soir, à Toronto, sa douzième saison avec le Canadien.

« Déjà! » que Gallagher réplique avec un mélange de fierté et de retenue.

Avec ses allures de gamin et le sourire espiègle qu'il affiche depuis la toute première présence, de la toute première journée de son tout premier camp d'entraînement avec le Tricolore, Gallagher tente de défier le temps et le poids grandissant de l'usure associée aux années qui passent. 

D'autres réalités lui remettent sur le nez le fait qu'il soit très difficile de ne pas être rattrapé par toutes ces années.

De tous les joueurs qui partageaient le vestiaire du Tricolore lors de sa première saison – la saison écourtée de 48 matchs en 2012-2013 en raison d'un conflit de travail – Gallagher est le seul à être toujours actif. 

Patrick Langlois, aujourd'hui gérant de l'équipement, Pierre « Steamer » Ouellette l'un de ses adjoints, quelques gardiens et gardiennes de sécurité sont les seuls qui, comme Gallagher, gravitent toujours autour du vestiaire et du Centre Bell.

Le casque blanc qu'il portera, ce soir, face à ses ennemis jurés à Toronto, et le bleu qui lui protège la tête lors des matchs disputés au Centre Bell camouflent la calvitie qui s'étend.

Mais Gallagher ne peut plus camoufler une perte de vitesse qui s'accélère depuis deux ou trois ans.

Conscient que ces réalités le rattrapent, qu'elles le ralentissent un peu aux yeux de certains, trop aux yeux de bien d'autres, Gallagher assure qu'il entend prendre tous les moyens à sa disposition pour maximiser ses performances.

Il est même prêt à mettre en pratique les conseils, voire exigences, de l'entraîneur-chef Martin St-Louis qui tient à ce que son vétéran soit plus efficace dans la gestion de son énergie, de sa fougue de sa passion sur la patinoire.

« Martin veut que je trouve une façon de jouer qui sera moins dure à encaisser pour mon corps », reconnaît Gallagher en lâchant un petit soupir.

Lorsque je lui fais remarquer que les mots « facile et Gallagher » sont aussi opposés dans une même phrase que des joueurs des Leafs et du Canadien le sont sur une même patinoire, Gallagher acquiesce.

« Il est hors de question de tomber dans la facilité. Je suis qui je suis. Je me suis rendu dans la LNH et j'ai traversé mes 11 premières saisons avec le Canadien en jouant de la seule façon que je connais. En me donnant corps et âme pour mes coéquipiers. Pour mon équipe. Il n'est pas question de changer. Je serai toujours fidèle à la personne que je suis. Au joueur de hockey que je suis. Mais peut-être qu'une adaptation m'aidera à donner ce que je tiens à encore donner à mon équipe. Je sais très bien que les années passent. Mon corps me le rappelle aussi. Mais mon cœur et ma passion sont à la même place depuis que j'ai commencé à jouer au hockey », défile Gallagher.

Déjà papa... dans le vestiaire

Fiancé depuis l'été dernier à Emma Fortin, Brendan Gallagher n'est pas encore papa. Du moins dans la vraie vie.

Quand je lui suggère qu'à titre de plus vieux membre actif du Canadien dans le vestiaire, il est déjà, un brin ou deux, le père de ses coéquipiers dans le vestiaire, Gallagher se permet quelques secondes de réflexion avant de répondre.

« Cette image me fait sourire. Mais elle est loin de la réalité. Comprends-moi bien : je tiens à redonner à mes coéquipiers, surtout les plus jeunes, tout ce que j'ai reçu des vétérans quand je suis arrivé. Je suis là pour aider, pour conseiller, pour encourager n'importe quel coéquipier qui me demande de l'aider. Mais je ne suis pas du genre à m'imposer. »

C'est Josh Gorges qui a joué le rôle de père ou de parrain de Gallagher lorsqu'il est arrivé avec le Canadien.

« Je ne connaissais rien de la réalité de la LNH. Je ne connaissais pas grand-chose de la vie, tout court. J'ai passé ma première saison chez Josh où lui et son épouse (Maggie) m'ont vraiment pris sous leur aile. Ils m'ont tellement aidé et j'y étais tellement bien que je leur ai demandé s'ils me reprendraient pour une deuxième année la saison suivante », se rappelle Gallagher. 

En santé pour mieux progresser

Les prédictions les plus optimistes laissent le Canadien loin des séries. Très loin! En fait, elles les placent devant les Red Wings de Detroit au septième et avant-dernier rang de la division Atlantique.

Ces prédictions laissent Gallagher de marbre. Il se refuse même à tomber dans le cliché habituel en lançant que lui et ses coéquipiers prendront les moyens pour faire mentir ceux et celles qui les larguent vers le bas.

« Ce qui compte le plus à mes yeux à la veille du premier match de la saison c'est que nous formons une équipe très unie. Nous comptons sur plusieurs gars qui sont des leaders. On se tient. On s'aide. On a confiance en nous. » 

Est-ce à dire que le vétéran croit à la possibilité d'une présence surprise en séries?

« Je ne veux pas me lancer dans ce jeu. J'insiste seulement sur le fait que, tout en restant honnête et en respectant notre réalité, notre groupe croit plus en ses chances que le reste du monde. Et ça, c'est important. Car c'est de sa façon de faire face à l'adversité qu'on reconnaît la vraie valeur d'un club. J'espère qu'on ne revivra pas le cauchemar de l'an dernier en fait de blessures, car il faut demeurer en relativement bonne santé pour s'offrir une chance de réussite. Mais à compter de demain, nous aurons comme mandat de nous consacrer sur le moment présent et non de faire des projections sur un avenir lointain. La valeur de la saison qui commence sera déterminée par les pas en avant que nous ferons autant individuellement que collectivement. »

Un contrat qui le hantera?

Samedi prochain, Brendan Gallagher « célèbrera » le 3e anniversaire du contrat de six ans d'une valeur de 39 millions $ que Marc Bergevin lui a consenti après des négociations très ardues. Des « négos » tellement difficiles que plusieurs échos laissaient entendre que Gallagher était sur le point de quitter Montréal.

« Les négociations sont rarement faciles, mais j'ai toujours assuré à mon agent – Gerry Johansson qui est aussi l'agent de Carey Price et de Kirby Dach entre autres joueurs du Tricolore – que je tenais à demeurer à Montréal. Mon cœur est avec le Canadien depuis toujours. Montréal est ma ville. Je suis fiancé à une femme d'ici. Il a fallu plus de temps que j'anticipais, mais tout s'est finalement réglé pour le mieux », raconte Gallagher.

Ses détracteurs ne seront pas d'accord.

Alors qu'il amorce la troisième saison d'un contrat qui prendra fin en 2026-2027, un contrat qui l'assure d'un salaire de 8 millions $ cette année, de 9 millions $ l'an prochain, un contrat qui occupe annuellement 6,5 millions $ sur la masse salariale du Canadien, Gallagher est déjà considéré par plusieurs comme un boulet financier.

Un boulet qui prendra du poids au lieu d'en perdre au fil des prochaines années alors que la production offensive de Gallagher décline et qu'il a raté plus d'une saison complète (92 matchs) au fil des trois dernières saisons. Dont l'une de 56 matchs en 2021 en raison des contrecoups de la COVID-19. 

Plusieurs observateurs commencent même à se demander si Kent Hughes ne sera pas contraint à éventuellement racheter ce contrat. À moins que Gallagher, meurtri par les blessures, ne rejoigne un jour Carey Price sur la liste des blessés à long terme.

Conscient de ces critiques, Brendan Gallagher tente de ne pas se laisser atteindre.

« Je suis bien conscient de l'ampleur des montants en cause, mais je n'ai jamais accordé d'importance au salaire que je touche aujourd'hui ou touchais en début de carrière. Mes deux dernières saisons ont été décevantes. Je suis le premier à l'admettre. Il y a deux ans, mon corps m'a laissé tomber. L'an dernier, j'étais en grande forme. Mon corps était remis. J'étais confiant. Une rondelle m'a frappé et la blessure subie n'a jamais vraiment guéri. Je suis sans doute celui qui est le plus déçu par tout ce qui est arrivé au cours de ces deux dernières saisons. Mais ce contrat, je l'ai gagné. Je l'ai obtenu après avoir travaillé très fort et après m'être donné à la cause de l'équipe pendant des années. Je ne sais pas ce que l'avenir réserve, mais je peux assurer tout le monde que je vais toujours respecter ma philosophie et tout faire pour aider mon équipe à gagner. Le reste n'est pas entre mes mains.»

L'effet Gallagher

Choix de cinquième ronde du Canadien en 2010, Brendan Gallagher a marqué 202 buts et ajouté 193 passes en 675 matchs dans l'uniforme du Canadien.

La valeur de Gallagher au sein de l'équipe dépasse toutefois largement les 395 points qu'il affiche. C'est pour cette raison qu'on a souvent parlé de « l'effet Gallagher » quand venait le temps d'analyser les aspects positifs chez le Canadien.

Bien qu'il soit utopique de croire qu'il pourra à nouveau fracasser les plateaux des 30 buts ou des 50 points d'ici la fin de sa carrière, un Gallagher en santé sera en mesure de contribuer au développement de joueurs qui prendront sa place lentement mais sûrement.

On pourra alors parler du « nouvel effet Gallagher ».

Elle est là la grande question : sera-t-il en mesure d'adapter sa manière de jouer de façon à éviter les blessures tout en affichant la fougue nécessaire pour maximiser son efficacité? Et si cela arrive, est-ce que la valeur de ce nouvel effet Gallagher permettrait alors d'atténuer les critiques, à défaut de justifier le très généreux qu'il a en poche?

Ces réponses viendront à compter dès ce soir et au fil des matchs qu'il sera en mesure de disputer cette saison et les prochaines.

Pour le moment, la seule chose qui soit certaine dans l'avenir de Brendan Gallagher, c'est qu'il se mariera avec Emma Fortin, le 6 juillet prochain... « à Montréal », s'empresse-t-il d'ajouter en guise de conclusion.