NEW YORK – Pour un club qui devait jouer avec l’énergie du désespoir pour éviter de se retrouver avec un recul de 0-3 à combler, le Canadien a failli lamentablement à la tâche en début de match jeudi. Il a amorcé cette partie sur les talons, il a été dominé dans toutes les facettes du jeu et il donnait nettement l’impression d’avoir la tête bien plus en vacances qu’en finale de la coupe Stanley.

Mais voilà! Parce que les Rangers n’ont pas affiché la conviction qu’ils avaient promis d’afficher, le Canadien s’est sauvé avec une victoire de 3-2 en prolongation. Une victoire qui permet de raviver les espoirs des partisans du Tricolore qui pourra niveler les chances dimanche, au Madison Square Garden, lors du quatrième affrontement entre les deux équipes.

Alex Galchenyuk, qui n’avait rien fait de bon jusque-là, mais vraiment rien, a scellé l’issue de la rencontre en sautant sur un retour de tir de Tomas Plekanec qui n’avait pas été meilleur que son jeune compagnon de trio. Honnête dans ses commentaires d’après-match, Galchenyuk a reconnu ne pas avoir la moindre idée de la façon dont il venait de donner la victoire à son club : « J’ai vu Tomas (Plekanec) tirer et j’ai foncé au filet. Je ne sais pas si la rondelle m’a frappé ou a dévié sur mon bâton, mais elle est entrée et les célébrations ont commencé. »

Il faut toutefois mettre de côté Galchenyuk, les attaquants et défenseurs du Canadien et les Rangers au grand complet dans l’analyse de cette victoire du Tricolore.

L’élève éclipse le maître

Cette victoire est attribuable à un joueur. Un seul. Au jeune gardien Dustin Tokarski sans qui les Rangers se seraient sauvés rapidement vers une victoire facile. Loin d’être responsable de la défaite de mardi aux mains des Rangers, Tokarski avait joué dans l’ombre de son vis-à-vis Henrik Lundqvist qui l’avait d’ailleurs éclipsé en volant le match au Tricolore avec ses 40 arrêts. C’était un peu normal de voir le maître s’imposer sur l’élève considérant que ce jeune sorti tout droit de la Ligue américaine pour venir en relève à Carey Price affrontait l’un des excellents gardiens du circuit dans un duel fort inégal.

Mais voilà : à son deuxième départ, c’est Tokarski qui a éclipsé Lundqvist. Complètement. Sans les 35 arrêts – efficacité de 94,6 % – du jeune gardien, le Canadien n’aurait jamais été dans le coup. Jamais au grand jamais.

Seuls sur la patinoire dès la mise en jeu initiale, les Rangers ont obtenu 14 tirs sur le filet du Canadien en première période. Tokarski n’a cédé qu’une fois. Et encore. Le but qu’il a accordé à Carl Hagelin est plus attribuable au défenseur Josh Gorges qui a nui au travail de son jeune gardien en reculant contre lui qu’au joueur des Rangers. Pour le reste, Tokarski a fait le travail. Ce n’était pas toujours beau, mais c’était efficace.

À son deuxième départ en séries en carrière dans la LNH, Tokarski a maintenu le rythme en deuxième période stoppant les 13 tirs des Rangers.

Devant lui, ses coéquipiers n’ont pas été beaucoup meilleurs qu’en première – ils ne pouvaient toutefois être plus mauvais – mais au lieu de presser le pas comme ils l’avaient fait en première, les Rangers se sont mis à se laisser glisser. Comme le Canadien. Sur l’un des rares beaux jeux du Canadien, Max Pacioretty a servi une passe savante à Andrei Markov qui a nivelé les chances en fonçant au filet.

Ce but, le premier du vétéran défenseur du Tricolore, aussi beau fut-il, n’a pas relevé la qualité du spectacle.

Que non!

Car l’inertie du Canadien jumelée à la baisse de régime des Rangers nous a donné une vilaine période de hockey. Une période comme on en voit trop souvent en janvier, février et mars quand les clubs s’économisent au lieu de se donner à fond. Une période indigne d’une finale d’association dans la LNH.

Mais ce jeu souriait au Canadien.

Après deux périodes sur la galerie de presse, on se disait justement que le Canadien avait enfilé bien des victoires du genre au cours de la dernière saison. Encore dans le coup uniquement en raison des performances de Carey Price ou de Peter Budaj lors de ses rares sorties, le Canadien finissait par trouver une façon de marquer pour voler un match ici, un autre là.

Et c’est ce qui est arrivé.

Dans le dernier droit d’une troisième période aussi moche que la deuxième, le trio des souffre-douleurs s’est signalé. Confinés au sein d’un même trio, Daniel Brière, Thomas Vanek et Rene Bourque n’avaient rien fait pour remonter dans les bonnes grâces de Michel Therrien jusque-là. Même que lorsque je les ai vus amorcer une attaque massive en période médiane, j’ai cru avoir la berlue.

Mais en fin de match, après que Vanek eut obtenu son premier, et seul, tir au but de la rencontre – son deuxième seulement en trois matchs contre les Blueshirts – Daniel Brière a tiré de l’arrière du filet, la rondelle a dévié sur Ryan McDonagh puis derrière Lundqvist.

À défaut de pouvoir se délecter de sa présence à la gauche de P.K. Subban match après match dans l’uniforme tricolore, on pourra se réjouir à l’idée que McDonagh aura au moins marqué un but en carrière pour le Canadien.

Parce que le Canadien avait profité de l’avance au pointage un gros 17 secondes jusque-là, il était difficile de compter les Rangers pour battus.

Endormis par le jeu soporifique du Canadien, les Rangers ont été réveillés par ce but de Brière... ou de McDonagh, c’est selon.

Après ce réveil, les Rangers sont redevenus les Rangers. Rapides, incisifs, efficaces – et en jouant à six contre cinq ce qui aide un brin ou deux également – ils se sont mis à menacer dangereusement.

Tokarski s’est encore signalé. Et comment. Après un autre bel échange des Rangers, le jeune gardien du Canadien a volé un but certain à Martin St-Louis en faisant dévier la rondelle avec sa mitaine sur un déplacement vers la gauche.

Mais à l’impossible nul n’est tenu.

Pendant que ses coéquipiers se faisaient hacher finement aux cercles des mises en jeu donnant ainsi la chance aux Rangers de maintenir leur pression, Tokarski a vu Alexei Emelin faire dévier une rondelle tirée par Chris Kreider derrière lui.

Lamentable – et je pèse mes mots – au cours du match d’hier, je ne comprends toujours pas ce que Emelin faisait sur la patinoire en fin de rencontre. Il faut dire que les autres défenseurs du Tricolore – exception faite d’Andrei Markov en ayant beaucoup arraché lors du match, il devenait périlleux de choisir des candidats à envoyer sur la patinoire dans cette situation critique.

En nivelant les chances avec 20 secondes dans le match, les Rangers ont donc forcé la tenue d’une prolongation qui a pris fin abruptement après 72 secondes de jeu.

Est-ce que le Canadien méritait vraiment la victoire? Non! Remarquez que les Rangers ne la méritaient pas davantage.

Mais parce que Dustin Tokarski la méritait lui pleinement, il est heureux pour le jeune gardien du Canadien que le sort ait finalement récompensé sa brillante performance. Une performance qu’il aura la chance de répéter puisqu’il ne fait plus l’ombre d’un doute qu’en l’absence de Carey Price, Tokarski devient le gardien de confiance du Canadien.

Trios chambardés

Même s’il avait sommé les journalistes de ne pas accorder d’importance aux chambardements de trios constatés lors de l’entraînement de mercredi, Michel Therrien les a maintenus lors du match d’hier.

Une autre preuve qu’il ne faut pas toujours croire ce que les entraîneurs laissent entendre en séries éliminatoires... voire en saison.

C’est de bonne guerre.

Ces changements de trio n’ont toutefois rien donné de bon. Ou de vraiment bon.

Exception faite – une fois encore – du trio de David Desharnais, Max Pacioretty et Brendan Gallagher, les autres trios ont été ordinaires. Très. Trop.

Pacioretty a obtenu 75 % des tirs du Canadien en première période : trois sur quatre. Au terme du match, Pacioretty et ses compagnons de jeu revendiquaient neuf des 25 tirs du Canadien.

Bon! Michel Therrien a apporté quelques changements en cours de rencontre. Mais dans l’ensemble, Lars Eller a sombré plus profondément dans son marasme accompagné qu’il était par Thomas Vanek et Rene Bourque à quelques occasions.

Il faut dire que tous les joueurs qui ont la malchance d’évoluer avec Vanek en ce moment sombrent dans un profond marasme...

Le retour de Brian Gionta en compagnie de Tomas Plekanec est loin d’avoir relancé l’un ou l’autre des vétérans qui en ont arraché énormément encore hier.

Chez les joueurs de soutien, Brandon Prust a disputé son meilleur match de la série. Impliqué physiquement, il a dérangé des anciens coéquipiers.

Il pourrait toutefois manquer à l’appel lors du prochain match. Coupable d’une mise en échec tardive et d’obstruction aux dépens de Derek Stepan tôt dans la rencontre, Prust obligera les responsables de la sécurité des joueurs à réviser le jeu. S’il s’en est bien tiré sur la patinoire alors que les arbitres n’ont pas vu l’infraction, Prust pourrait écoper une sanction – amende ou suspension – une fois la révision du jeu complétée.

Parce que les deux équipes ne se croiseront que dimanche, Stéphane Quintal et ses adjoints pourront prendre tout le temps nécessaire pour décider du sort du fougueux attaquant du Canadien.

Les Rangers pourraient aussi perdre un joueur. Remarquez que ce ne serait pas vraiment une grosse perte. Daniel Carcillo, maintenu par le juge de lignes Scott Driscoll pendant une bagarre opposant Prust à Derek Dorsett, a asséné un coup de poing à l’officiel en tentant de lui échapper. Chassé automatiquement de la rencontre, il est lui aussi passible d’une sanction supplémentaire.

On verra.

À la ligne bleue, Michel Therrien a cloué le jeune Nathan Beaulieu au banc après deux périodes – il a effectué une seule présence en troisième – en raison des erreurs qu’il a multipliées au cours de la rencontre.

Maintenant que le Canadien est de retour dans la série, il me semble que l’état-major devrait davantage miser sur l’expérience de Francis Bouillon qui pourrait mieux épaule Mike Weaver au sein d’un troisième duo de défenseurs qui se doit d’être solide en défensive.

On verra là aussi.

Chiffres du match

8 : les Rangers ont disputé un 8e match de suite sans accorder de but en désavantage numérique. Ils ont écoulé leurs 22 dernières pénalités mineures avec succès, dont neuf aux dépens du Canadien...

11 : Josh Gorges (6) et Mike Weaver (5) ont bloqué la moitié des 22 tirs bloqués par les joueurs du Canadien lors du troisième match...

16 : seize de 18 patineurs des Rangers ont obtenu au moins un tir sur Dustin Tokarski jeudi. Même Daniel Carcillo expulsé dès la sixième minute de jeu. Anton Stralman et Brian Boyle sont les seuls Rangers à avoir été blanchis...

28 : avec une passe sur le but gagnant, Tomas Plekanec rejoint Pierre Mondou et Petr Svoboda (28 mentions d’aide) au 33e rang de meilleurs passeurs de l’histoire du Canadien en séries éliminatoires...

31 : avec sa victoire en prolongation remportée jeudi, sa 31e en carrière dans la LNH, Michel Therrien rejoint son bon ami Michel Bergeron – mais aussi Don Cherry et Larry Robinson – au 41e rang des entraîneurs-chefs comptant le plus de victoires en carrière en séries...

50 : après avoir remporté 17 des 24 mises en jeu disputées en première période, le Canadien s’est effondré aux cercles des mises en jeu en deuxième (11 en 27) et troisième (7 en 19) périodes pour finalement terminer la soirée avec une efficacité de 50 %...

170 : après trois rencontres, le Canadien a profité d’une avance aux dépens des Rangers pour un total de 2 min 50 s ou un grand total de 170 secondes. Ce n’est pas beaucoup. Mais le compteur se mettra en branle dès la mise en jeu initiale dimanche...