Le succès du Canadien était totalement imprévu. Personne ne croyait à un tel rebondissement et si Marc Bergevin et Claude Julien pouvaient se permettre de le dire, ils avoueraient probablement qu’ils n’y croyaient pas tellement, eux non plus.

 

Tout est au beau fixe après 50 matchs. Il n’y a qu’un joueur sur la liste des blessés et tant que les hanches, les genoux et la concentration de Carey Price tiendront le coup, l’équipe conservera des chances, si fragiles soient elles, de participer aux séries.

 

Par ailleurs, Montréal étant Montréal, il faut toujours trouver quelque chose de différent à se mettre sous la dent. Cette semaine, c’est à un athlète qui joue très peu, Charles Hudon, qu’on accorde beaucoup d’encre et d’attention.

 

Hudon n’a participé qu’à quatre des 25 dernières parties. Son dernier but remonte au 10 novembre. Même s’il a maintes fois démontré sa frustration dans le rôle difficile qu’on lui fait jouer, ses propos n’ont pas semblé atteindre l’entraîneur qui continue de lui distribuer un temps de jeu au compte-gouttes.

 

Bergevin affirme ne pas avoir la moindre intention de l’échanger. Son petit attaquant a un certain talent. Il a de bonnes  mains et il est capable de manoeuvres spectaculaires quand il est bien dans sa peau et qu’il se sent apprécié. Actuellement, sa valeur marchande est au plus bas. Le directeur général sait fort bien que pour ses services, il n’obtiendrait pas un élément capable d’aider l’équipe. Il est donc facile pour lui de marteler qu’il n’a pas l’intention de l’échanger.

 

S’il soumettait son nom au ballottage, les choses pourraient être différentes, cependant. Hudon pourrait poursuivre sa carrière plus loin qu’à Laval. Qui sait s’il ne se retrouverait pas à Tampa Bay où le nouveau directeur général Julien BriseBois a plusieurs fois démontré son intérêt pour des joueurs québécois négligés par ses concurrents. On pense à Jonathan Marchessault, Yanni Gourde, Alex Barré-Boulet et Hubert Labrie, qui n’ont jamais été repêchés, au gardien réserviste Louis Domingue, qui a été obtenu pour une chanson, et à trois anciens membres de l’organisation du Canadien, Michaël Bournival, Olivier Archambault et Gabriel Dumont. En y ajoutant le nom de Mathieu Joseph, que Tampa a repêché en quatrième ronde et qui connaît une bonne première saison dans la Ligue nationale, ça commence à faire pas mal de Québécois dans le giron du Lightning. Qui sait si BriseBois ne suit pas attentivement ce qui se passe avec Hudon qui a marqué 10 buts et obtenu 30 points pas plus tard que l’an dernier.

 

Hudon jure vouloir disputer toute sa carrière sous l’étendard tricolore, ce qui ne veut pas dire grand-chose, on en convient. Patrick Roy avait souvent claironné ça, lui aussi. Habituellement, ceux qui déclarent leur allégeance à la vie à la mort au Canadien, finissent par réaliser qu’il est également possible d’être très heureux sous d’autres cieux.

 

On l’aime bien, Hudon. Sympathique, volubile, il a l’habitude de dire ce qu’il pense. Du bonbon pour les médias. Pourquoi passe-t-il le plus clair de son temps sur la passerelle? Parce qu’il n’a pas le talent requis pour faire mieux que les attaquants des trois premiers trios et parce qu’il peut difficilement se justifier au sein d’une quatrième unité dont la mission première n’est pas de marquer des buts. Et bientôt, quand Andrew Shaw reprendra sa place, il reculera encore d’un rang dans les plans de Julien.

 

Paul Byron, qui lui a recommandé la patience dans un message d’encouragement cette semaine, a confirmé involontairement la précarité de son statut. Quand il a déclaré que tout le monde sait qu’il est à un ou deux blessés d’entrer dans la formation, il a révélé par la bande que la majorité des attaquants de l’équipe lui sont supérieurs.

 

L’équipe a beaucoup changé

 

Quand Bergevin a repêché Hudon à son arrivée en 2012, le Canadien était désespérément en quête de talent offensif. L’équipe était bonne dernière dans l’Est et en 27e place au classement général. Erik Cole (35) et Max Pacioretty (33) étaient les deux seuls marqueurs de plus de 20 buts. Les joueurs francophones étaient rares : David Desharnais, Mathieu Darche et Louis Leblanc qui partageait son temps entre Montréal et Hamilton. Il y avait donc lieu pour Hudon d’espérer une carrière avec le Canadien.

 

Quand il est finalement devenu un membre à part entière de l’équipe l’an dernier, il a amassé 10 buts et 30 points. La saison a été si désastreuse que tous les joueurs démontrant de l’ardeur au jeu ont eu une chance de se faire valoir. Hudon l’a fait.

 

Le décor a beaucoup changé depuis. L’espace n’est plus le même pour un joueur dans son genre. Les additions de Max Domi, de Tomas Tatar, de Jesperi Kotkaniemi, de Joel Armia, de Kenny Agostino, de Matthew Peca et de Michael Chaput ont contribué à le placer sur une voie d’évitement. Surtout qu’il apparait assez évident que Claude Julien lui préfère les trois derniers.

 

Agostino, Peca et Chaput sont-ils plus talentueux que Hudon? Disons qu’on ne parle pas du même type de joueurs. On s’attend à ce qu’il marque des buts alors que les trois autres sont chargés de créer de l’énergie tout en nuisant à l’efficacité du trio adverse. Ce qui place Hudon dans une situation sans issue. Trop talentueux pour appartenir à un quatrième trio, pas suffisamment pour déloger un coéquipier du top-9, mais assez utile pour participer d’une façon passagère aux supériorités numériques, comme ce sera le cas ce soir. Difficile à suivre les entraîneurs, parfois.

 

Il semble assez évident que si Hudon veut connaître une carrière décente, ses chances d’y arriver ne sont pas au Centre Bell, malheureusement, pour lui.