L'avant-match | Les choix des experts

 

MONTRÉAL - Tomas Plekanec n’est pas dupe : comme la très grande majorité des amateurs de hockey et même des plus ardents partisans du Tricolore, il reconnaît que son ancienne équipe est largement négligée à l’aube de la série qui l’opposera aux Penguins dès ce soir.

 

Contrairement à la très grande majorité des amateurs, des partisans et des analystes qui ont multiplié leurs prédictions savantes au cours des dernières semaines, Plekanec affirme qu’il est non seulement possible que le Canadien renverse toutes ces prédictions, mais qu’il n’aura pas nécessairement besoin d’une cascade de miracles, petits et gros, pour y arriver.

 

« Il faudra que les gars trouvent une façon de déstabiliser les Penguins. Une fois en séries, le momentum est le plus important facteur de succès. Tu ne sais jamais de quelle façon il tournera en ta faveur ou quels joueurs arriveront à le faire passer de ton côté. Mais c’est la clef à mes yeux. Surtout dans une série aussi expéditive qu’une série trois de cinq. Tu gagnes le premier match alors que tout le monde croyait que tu allais le perdre et soudainement, la pression est sur l’autre club. Tu gagnes le deuxième et l’autre club se retrouve face à l’élimination. Ça peut aller très vite », lance Plekanec.

 

L’ancien joueur de centre du Canadien sait de quoi il parle quand il avance que le momentum peut émietter des prédictions qui semblaient pourtant coulées dans le béton. Il l’a vécu deux fois plutôt qu’une en 2010 lorsque le Canadien, malgré ses 39 victoires et 88 timides points au classement, a éliminé des Capitals de Washington champions de la saison régulière – 54 victoires, 121 points au classement – en première ronde pour ensuite jouer le même mauvais tour aux Penguins.

 

Joint jeudi en Tchéquie où il vient d’amorcer son camp d’entraînement avec ses coéquipiers des « Comètes » de Brno, Plekanec s’est remémoré avec plaisirs ses exploits personnels et ceux de ses coéquipiers dans le cadre du printemps Halak.

 

« Personne ne croyait en nos chances. On n’avait pas une grosse équipe, mais on avait un très bon système. Un système que nous avons appliqué efficacement. En plus, Jaro – Jaroslav Halak – était en état de grâce lors de ces deux séries. C’est comme ça que nous avons lentement déstabilisé des clubs qui étaient supérieurs à notre équipe et que nous sommes arrivés à les battre. »

 

Le Canadien a amorcé la série avec une victoire en prolongation (3-2) au domicile des Caps. Mais Plekanec assure avoir la conviction que malgré ces gains à l’arraché, les Capitals ne prenaient pas encore le Tricolore au sérieux. Surtout qu’ils ont gagné les trois matchs suivants.

 

« Avant la septième partie, je ne crois pas que les Capitals réalisaient ce qui était en train d’arriver. On est revenu de l’arrière, on a égalé la série, mais ils étaient tellement favoris qu’ils croyaient que la logique prendrait le dessus. On les a surpris jusqu’à la toute fin », ajoute Plekanec en parlant du gain de 2-1 signé lors de la rencontre décisive.

 

Des buts de Marc-André Bergeron en fin de premier tiers alors que le Canadien était en avantage numérique et un autre de Dominic Moore, en fin de troisième, avaient suffi au Tricolore pour éliminer les Caps. Brooks Laich, 80 secondes après le deuxième but du Canadien, avait redonner espoir aux Capitals, mais c’est le seul de 42 tirs qui a réussi à déjouer Halak.

 

Crosby vulnérable

 

Dix ans après le printemps Halak, le Canadien n’a pas eu à éliminer les Capitals pour se retrouver devant les Penguins.

 

Un gros plus assure Plekanec.

 

« Contre Washington, personne ne nous prenait au sérieux. Une fois contre Pittsburgh, c’était différent. Les Penguins étaient encore largement favoris. Mais même si vous – les journalistes – étiez nombreux à parler d’un accident de parcours en première ronde, les joueurs des Penguins ont été obligés de nous prendre plus au sérieux. Le facteur de surprise qui avait joué un grand rôle en première ronde ne tenait plus. On venait d’éliminer les champions de la saison régulière. Les Penguins devaient faire un peu plus attention. »

 

Les champions en titre de la coupe Stanley l’ont d’ailleurs fait marquant quatre buts en avantage numérique lors du premier match pour l’emporter 6-3.

 

Mais ils ne l’ont pas fait assez.

 

Car non seulement le Canadien a répliqué à chacune des trois premières victoires des Penguins, mais il a signé un gain de 5-2 lors du septième match pour passer en finale de l’Est contre Philadelphie.

 

Cette victoire était la cinquième consécutive du Canadien depuis le début du printemps Halak dans le cadre d’une rencontre au cours de laquelle il faisait face à l’élimination.

 

Cette série avait donné lieu à de très beaux duels entre Tomas Plekanec et Sidney Crosby. À l’image de Phillip Danault cette année, Plekanec avait le double mandat de mousser la production d’un trio offensif tout en tentant de freiner les élans du meilleur joueur de hockey au monde à l’époque : Sidney Crosby.

 

Pesant le poids de chaque mot choisi pour s’assurer de ne pas manquer de respect à l’un des grands joueurs de l’histoire de la LNH, Plekanec souligne que les dix ans écoulés depuis la série 2010 pourraient aider Danault et le Canadien.

 

« Je ne prétends pas que ce sera facile. Vraiment pas. Car Sidney est toujours l’un des meilleurs joueurs au monde. Mais il y a dix ans, il dominait la patinoire comme Connor McDavid la domine chaque fois qu’il y pose les patins. Mais au-delà toutes les qualités qui font de Crosby le grand joueur qu’il est, il est le genre de gars que tu peux déconcentrer en le marquant d’une façon serrée ou en l’invectivant efficacement. Ça revient à ce que je te disais tout à l’heure. Il faut trouver une façon de déstabiliser l’adversaire. Si tu frappes Sidney, si tu lui parles, s’il rate un jeu ici ou qu’il se fait voler un but par un gros arrêt de Carey », il sortira de sa bulle et ça t’aidera à peut-être avoir le dessus sur lui. L’important pour Phil  et tous les joueurs du Canadien sera de jouer à fond. De ne pas être impressionnés. Encore moins intimidés. Tu joues, tu te défonces, tu leur enlèves des chances tu maximises les tiennes et soudainement, le momentum est de ton bord », explique Plekanec.

 

Tout ça est bien beau.

 

Mais si Crosby trébuche, il reste ses compagnons de trio, dont Jake Guentzel. Il reste Brian Rust qui dominait les Penguins avec ses 27 buts lorsque Gary Bettman a mis la saison sur pause le 12 mars dernier. Il reste Kristopher Letang, Brian Dumoulin, John Marino. Ah oui! Il reste aussi un certain Evgeni Malkin…

 

« Je ne t’ai pas dit que ce serait facile », réplique Plekanec.

 

Mais l’ancien centre considère que ses anciens coéquipiers sont meilleurs que bien des observateurs le croient.

 

« Je regarde le groupe et je vois comme tout le monde qu’il n’y a pas de super vedette à l’attaque. Mais il y a quand même de très bons joueurs. Il y a aussi beaucoup de vitesse. D’énergie. Je crois même qu’ils en ont plus que nous en avions dans le temps. En plus, ils sont bien dirigés et ont un bon système », plaide Plekanec.

 

Qui s’imposera comme Gill et Jorges?

 

Malgré tous les commentaires positifs qu’il défile, Tomas Plekanec ne peut cacher une réalité propre à celle du Canadien qui croisera les Penguins ce soir : un manque de profondeur criant, combiné à un manque d’expérience.

 

Que ce soit au sein des troisième et quatrième trios ou au sein du troisième duo de défenseurs, le Canadien ne compte pas sur des mercenaires qui pourront venir en aide à Carey Price.

 

Il ne compte pas sur des Hal Gill et Josh Gorges qui ont joué des rôles de premier plan dans les éliminations des Capitals et des Penguins en 2010.

 

« Hal et Josh ont été nos plus gros joueurs c’est vrai. Jaro a été sensationnel devant le filet. On a obtenu la production offensive nécessaire pour gagner aussi. Mais sans Hall et Josh et leur façon de s’abandonner pour le bien de l’équipe comme ils l’ont fait en zone défensive, nous n’aurions jamais gagné. Ils étaient nos sources d’inspiration dans le vestiaire. Ce sont eux qui donnaient le ton. Les journalistes et les amateurs se concentrent souvent sur les vedettes. Sur les gros buts. Sur les gros arrêts. C’est normal. C’est spectaculaire. Mais pour gagner, tu as encore plus besoin de gars comme Josh et Hal. Ce qu’ils ont fait soir après soir en bloquant des tirs, en bataillant devant le but et dans les coins, c’est exactement le genre de chose qui déstabilise tes adversaires et qui fait que le momentum te pousse dans le dos. »

 

Je veux bien, mais il n’y aura pas de Hall Gill ou de Josh Gorges dans le vestiaire du Canadien ce soir. Encore moins sur la patinoire.

 

« Tu ne le sais pas encore. Quand nous avons amorcé la série contre Washington, on savait que Josh et Hal devraient être solides. Mais on ne savait pas à quel point ils seraient en mesure d’exceller. Ce sera la même chose à compter de ce soir. On sait tous que les gars devront jouer du hockey parfait. On pourrait tous être surpris et voir des gars sortir de nulle part pour s’imposer comme Josh et Hal l’ont fait il y a dix ans. C’est ça le sport. Surtout en séries. Des gars arrivent à s’imposer et ce ne sont pas toujours ceux qu’on attend qui le font. »

 

Retour à la vie normale

 

Tomas Plekanec garde des contacts étroits avec quelques-uns de ses anciens coéquipiers. À commencer par Artturi Lehkonen dont il a été le parrain à son arrivée à Montréal et Brendan Gallagher.

 

Plekanec les a-t-il contactés à l’aube de la série contre Pittsburgh pour prodiguer des conseils et distribuer des encouragements? A-t-il été sollicité par Phillip Danault pour en apprendre un peu plus sur Crosby et le défi de le marquer?

 

« Je garde des contacts amicaux avec les gars. Mais pas question de tomber dans le professionnel. Je ne suis pas leur coach. Ils en ont de très bons à leur disposition. Ils ont assez d’expérience pour savoir ce qui doit être fait pour maximiser les chances de victoire. Je vais me contenter de mon rôle de partisan et de spectateur », assure l’ancien centre du Tricolore.

 

S’il suivra bien sûr la série, Plekanec ne peut promettre qu’il la suivra en direct.

 

« Les matchs commencent à 20 h chez vous. Ça veut dire qu’il sera 2 h du matin ici. À moins que le bébé me garde réveillé, je crois que je regarderai les matchs le lendemain. Mais ça pourrait arriver que je sois tenté de le faire en direct. »

 

En Tchéquie où la vie reprend lentement son cours normal malgré la COVID-19, Tomas Plekanec se prépare en vue de la reprise des activités dans la Ligue tchèque.

 

« Les camps ont repris cette semaine. Ce n’est pas évident. Nous devons respecter toutes sortes de mesure, car si un joueur reçoit un résultat positif toute l’équipe est ensuite placée en quarantaine pour une période de deux semaines. Nous espérons reprendre la saison vers la mi-septembre même si les partisans ne sont pas admis dans les gradins. Mais comme les règles et les directives changent pratiquement tous les jours, il est difficile de savoir quel sera le portrait de la situation en septembre. Nous semblons avoir été moins touchés ici qu’à Montréal et au Québec. Personne dans mon entourage n’a été atteint par le virus. Nous avons été chanceux et sommes tous en bonne forme. L’important est de demeurer prudent. »

 

Tomas Plekanec, qui aura 38 ans en octobre, a amorcé sa carrière dans sa ville natale de Kladno en 1998. Il a annoncé sa retraite de la LNH en 2018. Après une saison de 13 buts et 33 points récoltés en 50 matchs l’an dernier à Brno, il amorce sa 22e saison dans les rangs professionnels.

 

En 1001 matchs dans la LNH – dont 984 dans l’uniforme du Canadien, Plekanec a inscrit 233 buts, ajouté 375 passes – dont deux avec les Maple Leafs de Toronto – pour une récolte de 608 points.