MONTRÉAL – À une époque pas si lointaine, Bud Holloway et Pierre-Édouard Bellemare faisaient partie du noyau offensif de la meilleure équipe de la Ligue élite suédoise. Plus que des coéquipiers, ils sont rapidement devenus de très bons amis.

À l’occasion, les deux copains parlaient de la Ligue nationale de hockey. En fait, Holloway parlait et Bellemare, lui, écoutait.

« Moi, je ne m’y connaissais vraiment pas alors lui, il m’expliquait un peu comment ça se passait », racontait le Français jeudi soir.

Au départ, Bellemare n’avait pas trop l’air de comprendre pourquoi un journaliste de Montréal tenait à lui parler en cette journée de l’Action de grâce américaine. « Ah oui? Enfin! », s’est-il exclamé quand RDS lui a appris que son ancien complice disputerait le lendemain son premier match dans la LNH contre les Devils du New Jersey.

« Quand je pense qu’on est aujourd’hui tous les deux dans la LNH, c’est fou, réalisait l’attaquant des Flyers de Philadelphie. De voir qu’il se retrouve ici, ça fait bizarre, mais pour moi, il n’y a jamais eu de doute qu’il n’avait rien à faire en Europe et qu’à un moment donné, il allait réussir à avoir sa chance. »

Holloway a grandi dans un bled de la Saskatchewan, aime la pêche, publie des photos de machinerie agricole sur son compte Twitter et écoute de la musique country. Paris, la ville natale de Bellemare, pourrait aussi bien être sur une planète différente. Mais dès qu’ils ont été réunis à Skelleftea, les deux ont fait la paire.

« À ce moment-là, dans l’équipe, on avait un certain nombre de joueurs très différents. En quelques mois seulement, Bud est devenu une partie très importante de ce noyau. On a vite réalisé qu’on ne pouvait pas vraiment se passer de lui pour aller où on voulait », se souvient Bellemare, qui roulait sa bosse en Suède depuis cinq ans lorsque Holloway y est débarqué en 2011.

Bellemare allait rapidement pouvoir témoigner de l’étendue du talent qui avait permis à Holloway de terminer au premier rang du classement des pointeurs des Monarchs de Manchester, le club-école des Kings de Los Angeles, pendant deux années consécutives avant de s’exiler en Europe. Mais la première chose qui l’a frappée chez son nouveau coéquipier, c’est cette joie de vivre qui ne semblait jamais le quitter.

Pierre-Édouard Bellemare« Il a été pour moi un joueur qui m’a aidé à continuer, à pousser. Il n’y avait jamais un jour où il venait à l’aréna dans un état d’esprit négatif. Peu importe la situation, peu importe le pointage, peu importe ce qui pouvait lui être tombé dessus à la maison, quand il arrivait à l’aréna, il avait toujours le sourire au visage et des mots positifs pour l’équipe. Si on avait une équipe qui connaissait autant de succès, c’est justement parce qu’on avait un joueur comme Bud qui était là pour relativiser les choses aux moments où ça n’allait pas, pour nous faire comprendre que ce n’était pas la fin du monde. »

La force de caractère de Holloway a eu un effet contagieux sur Bellemare.

« Quand je suis arrivé en Suède, je n’étais pas spécialement le joueur qu’on aimait le plus. Je n’avais pas le talent des autres joueurs locaux et c’est surtout le travail qui a fait en sorte que j’ai pu m’établir. Quand Bud est arrivé, ça a renforcé cette façon de penser et le fait de jouer avec un mec comme lui m’a forcément aidé à en vouloir plus. Si j’ai fait tout ce que je pouvais pour arriver où je suis aujourd’hui, c’est grâce à un joueur comme lui. »

Bellemare avait connu de modestes saisons de 14 et 18 points quand il est devenu, à sa troisième année à Skelleftea, le joueur de centre attitré à Holloway. À leur première campagne ensemble, le Français a marqué 19 buts tandis que la recrue canadienne a terminé au premier rang du classement des marqueurs de l’équipe avec 49 points.

L’année suivante, Bellemare n’a disputé que 29 matchs, mais Holloway a continué de produire. Il s’est emparé du titre de champion marqueur de la Ligue en amassant un total de 71 points, 11 de plus que Carl Soderberg, qui allait quelques semaines plus tard signer un contrat avec les Bruins de Boston. Cette année-là, Skelleftea a aussi remporté le premier de deux championnats consécutifs.

« Il n’avait rien à faire en Suède, rien à faire en Europe, tranche celui qui a donné ses premiers coups de patin dans la LNH à l’âge de 29 ans. C’est dur de dire qu’un joueur est trop fort pour la ligue, mais il a fini avec tellement de points. Il a impressionné tout le monde. Tu voyais bien que lui, c’était dans la NHL qu’il pouvait jouer. »

« Holloway a des atouts de premier plan »

« Il y a plein de choses, malgré le niveau de ton jeu, qui peuvent faire en sorte que tu ne joues pas dans la LNH. Malheureusement pour Bud, ça n’a pas joué en sa faveur et ça lui a pris du temps pour y arriver, mais maintenant qu’il est à la veille de son premier match, je suis vraiment content pour lui. »

Un peu comme l’a fait Guy Boucher, qui a dirigé Holloway en Suisse la saison dernière, lors de son récent passage sur les ondes de 30 minutes chrono, Bellemare vante la vision du jeu de son ancien partenaire. « Vous pouvez regarder, plusieurs des buts que j’ai marqués en Suède, c’était grâce à ses passes! », admet-il sans gêne. Mais le cousin explique que les succès communs du duo étaient davantage une question d’effort que de talent brut.

« On ne se prenait pas la tête à réfléchir et à trouver des jeux. On voulait d’abord travailler le plus fort possible en se disant qu’après, les choses positives allaient venir. Dans notre équipe, le mot d’ordre était la défense. Si tu jouais ta défense de la bonne façon, tu avais plus ou moins le feu vert pour faire ce que tu voulais en offensive. Alors du coup, on s’est motivés tous les deux pour bien jouer défensivement et la chimie est née du fait qu’on pensait de la même façon, on avait la même approche. »

Vendredi, les Flyers accueilleront les Predators de Nashville en après-midi et s’envoleront ensuite pour New York, où ils affronteront les Rangers le lendemain. Bellemare posera donc le pied dans le Grosse Pomme alors que son ami vivra l’un des plus beaux jours de sa vie juste de l’autre côté du fleuve Hudson. Pas impossible qu’il s’accroche les pieds devant un téléviseur pour assister à ce grand moment.

« Moi, j’ai appris à propos de la LNH sur le tard. Lui, c’est quelque chose qu’il a attendu pendant toute sa vie. Je crois que je suis plus content pour lui que je l’étais pour moi-même quand j’y suis arrivé. »