C'était un très bon flash de suggérer à toute l'équipe du Canadien, avant le match inaugural, de porter le flambeau bien haut cette saison. Ce soir-là, quand d'anciens capitaines se sont refilé le légendaire flambeau dans les gradins, d'Yvan Cournoyer à Henri Richard, à Vincent Damphousse, à Serge Savard, à Jean Béliveau jusqu'à Brian Gionta au niveau de la patinoire, le signal de la nouvelle direction venait d'être donné. Un signal qui a porté fruits. On s'était fixé comme objectif de causer la surprise de la saison et d'être plus coriace à la maison. Le championnat de la division est venu s'ajouter en prime.

J'ignore si les joueurs ont tous saisi la portée du geste qu'on leur a fait poser sur la glace, le 19 janvier. Quand Carey Price a levé le flambeau à bout de bras, il a eu droit à une ovation retentissante. Si le Canadien allait se sortir du bourbier de l'année dernière, c'est par lui que la remontée allait survenir, croyait-on. Après cinq saisons à Montréal, Price avait eu pleinement le temps de se documenter sur l'historique du flambeau pour lequel les plus grandes légendes de l'organisation ont sué et souffert. Peut-être a-t-il saisi le message que lui a subtilement refilé cette ovation.

Néanmoins, il serait naïf de croire que ce truc de marketing a fait une once de différence dans les étonnants succès du Canadien. Certes, il y avait une intention bien réelle de la nouvelle direction derrière tout ça, mais quand six ou sept nationalités différentes se côtoient dans un vestiaire, il n'est pas dit qu'elles attachent toutes la même importance à la glorieuse histoire de l'équipe.

S'il y a une situation au cours de laquelle les joueurs doivent reprendre le flambeau, c'est durant des séries qui pourraient confirmer que leur remontée de 13 rangs au classement n'est pas qu'un simple feu de paille. Personne n'avait imaginé ce qui s'est passé. Marc Bergevin et Michel Therrien, eux, tenaient mordicus à cette place en séries. Si Therrien, dans un élan d'enthousiasme, avait fait allusion à la possibilité d'une seconde place dans l'Est, son patron lui aurait peut-être recommandé un calmant et un bon bain chaud.

Le Canadien a été générateur d'espoir cette saison. Ce qu'il a accompli est suffisant pour faire croire à certains chauds partisans que la coupe Stanley est à la portée de la main. Cependant, une élimination dès la première ronde des séries en ramènerait plusieurs sur terre, au point de leur faire oublier que l'équipe leur en a donné beaucoup plus qu'ils n'auraient jamais osé le souhaiter.

Durant cette série contre les dangereux Sénateurs, toutes les sources d'inspiration seront les bienvenues. Voilà deux adversaires, dirigés par deux des plus forts candidats au trophée Jack Adams, qui ont connu une saison du tonnerre en utilisant les mêmes éléments: Courage et caractère.

Le Canadien n'a jamais reculé contre des rivaux plus costauds et armés pour la guerre. Les Sénateurs sont restés droits comme des chênes après avoir perdu des éléments irremplaçables comme Erik Karlsson et Jason Spezza. Quand ces deux-là ont été perdus pour la saison, on croyait que c'en était fait de leurs chances de participer aux séries. C'est devenu encore plus évident quand Craig Anderson s'est ajouté à la liste des disparus. Pourtant, ils ont fait mentir les prévisions les plus pessimistes.

On va rapidement se détester

On parle beaucoup de la naissance possible d'une certaine rivalité durant cette série entre deux organisations qui ne sont pas parvenues à se détester en 20 ans de confrontations.

Géographiquement, la distance est quasi la même entre Montréal et Québec et entre Montréal et Ottawa. Pourtant, vus de Montréal, les Sénateurs ne sont encore qu'une équipe parmi tant d'autres aux yeux des amateurs. Ils ont du talent, mais ils n'ont jamais été très dérangeants. Pas suffisamment francophones pour des représentants d'une ville voisine, pas assez émotifs.

Pendant des années, les Sénateurs ont accordé très peu de considération à leur clientèle du Québec en négligeant le fait français à l'intérieur de leur vestiaire. Ils en ont chèrement payé le prix puisqu'une bonne partie de leur clientèle, de l'autre côté de la rivière, ont conservé leur allégeance au Canadien.

En faisant leur entrée dans la ligue avec Jim Durrell comme président, Mel Bridgman comme directeur général et Rick Bowness comme entraîneur, et en remplaçant dès la saison suivante leur directeur général par Randy Sexton, un ami, un partenaire en affaires et le coéquipier du propriétaire Bruce Firestone dans une ligue de garage, disons qu'ils n'ont rien fait pour se faire remarquer par les amateurs montréalais qui étaient davantage préoccupés par la présence d'une direction toute francophone à Québec, avec à sa tête un allumeur incorrigible en Michel Bergeron.

Au départ, les Nordiques n'étaient pas très dérangeants, eux non plus. Ils étaient les petits cousins inoffensifs qu'on regardait de haut. La flamme s'est allumée au Québec quand les Nordiques se sont permis d'éliminer la grosse machine rouge trois ans seulement après avoir fait leurs premiers pas dans le circuit. Par la suite, la rivalité est devenue vive, parfois vicieuse, aux deux extrémités de l'autoroute.

On ne revivra jamais la même bataille émotive entre Sénateurs et Canadiens. Cette fois, cependant, il y a de fortes chances que les deux équipes se détestent bien avant la fin des prochaines hostilités.

Malgré tout, il serait surprenant qu'on assiste à une engueulade entre les entraîneurs Paul MacLean et Michel Therrien. Si un incident disgracieux est commis par l'une ou l'autre des deux équipes, les directeurs généraux Marc Bergevin et Bryan Murray n'en viendront pas aux mots dans les médias. En somme, si la discorde s'installe, ça se passera probablement entre Chris Neil et Brandon Prust, peut-être aussi entre Ryan White et quelques Sénateurs. Peut-être également que les ruades parfois bien synchronisées de P.K. Subban créeront de l'irritation dans l'autre camp.

J'ai la vague impression que cette série ne sera pas banale. On devrait connaître le gagnant lors du septième match.