BROSSARD – Dès que les patins de Chris Kreider ont enfoncé ses jambières dans le fond de son filet, Carey Price savait que le choc laisserait, aux sens propre et figuré, de douloureuses marques.

« Parfois, on se blesse, mais la douleur finit par s’envoler. Cette fois, après dix minutes j’avais toujours aussi mal et je savais que j’étais dans le trouble », a révélé le gardien du Canadien lors du bilan de fin de saison de l’équipe, samedi.

Imperturbable gardien du secret sur la nature exacte de sa blessure, Price a corroboré les propos tenus par Michel Therrien après l’élimination de l’équipe. Son état de santé progressait assez rapidement pour qu’il entretienne une chance réaliste de revenir au jeu si le Canadien avait accédé à la finale de la coupe Stanley.

On comprend toutefois assez facilement qu’il n’aurait pas été au sommet de son art dans un hypothétique duel contre Corey Crawford ou Jonathan Quick.

« J’aurais poussé ma chance en tentant de précipiter mon retour, mais dans les circonstances, j’avais l’intention d’essayer de revenir très tôt. En séries, on joue toujours en dépit de certaines conditions contraignantes. C’est ce que je voulais faire, mais il fallait aussi que je puisse faire mon travail de façon efficace. C’était ce qu’il fallait évaluer. »

La blessure au « bas du corps » forcera Price à repousser quelque peu son retour à la maison pour subir des traitements supplémentaires à Montréal, mais sans plus. Un passage sur la table d’opération ne sera pas nécessaire, le temps demeurant selon lui le seul remède pour un retour en pleine santé.

« En fait, j’ai été très chanceux. Ça aurait pu être bien pire que ça », s’est-il contenté de dire.

Price n’en veut pas à Kreider, dont l’assaut a été jugé délibéré par plusieurs dans le vestiaire du Canadien.

« Je ne crois pas qu’il ait agi intentionnellement, mais je ne crois pas non plus qu’il ait essayé de m’éviter. Il arrivait très rapidement et a perdu pied. Il n’y pas grand-chose à ajouter et vous ne me verrez pas tenter de me venger. Le hockey, c’est souvent une histoire de chance et malheureusement, j’ai été malchanceux. »

Sous l’impact, Price a refusé d’écouter son corps et insisté pour rester à son poste. « C’est les séries! », s’est-il exclamé dans un rare élan démonstratif, comme si aucune autre option ne s’offrait alors à lui, pour justifier son entêtement du moment.

Mais le rôle de spectateur lui a finalement été imposé et il n’a jamais pu s’en départir.

« Je voulais rester impliqué le plus possible autour de l’équipe, a-t-il par contre spécifié. J’ai continué de me pointer à l’aréna comme à l’habitude et j’ai essayé de garder ma routine, juste au cas où j’aurais l’opportunité de revenir au jeu. Je ne voulais pas me faire tasser, pas à cette période de l’année. C’est probablement l’aspect le plus difficile à accepter quand on se blesse, celui d’être mis à l’écart. »

Price ignore à quel point son état de santé interférera avec son programme d’entraînement estival, mais ne croit pas que la prothèse qui était encore accrochée à son casier alors qu’il s’adressait aux journalistes lui sera encore nécessaire l’automne prochain.

Le médaillé d’or olympique, qui juge avoir complété l’une des meilleures saisons de sa carrière, a l’intention d’entamer la prochaine campagne, celle de ses 27 ans, avec encore plus d’aplomb. Et il souhaite que ses coéquipiers se fixent le même objectif.

« Je crois qu’il y a une excellente opportunité que nous devons saisir, a-t-il répondu lorsqu’on lui a demandé s’il était au bon endroit pour bientôt ajouter une coupe Stanley à son palmarès. Il faudra trouver une façon de devenir meilleur. Chacun devra s’améliorer de 10%. Ça n’a peut-être même pas besoin d’être aussi élevé. Peut-être 1%! Mais il faut s’améliorer. »

Peter Budaj, ce gentleman

Le retrait de Price a créé, bien malgré lui, des remous inattendus dans l’entourage du Canadien. Comme plusieurs, il n’avait pas vu venir la décision du personnel d’entraîneurs de favoriser la recrue Dustin Tokarski au vétéran Peter Budaj pour lui venir en relève devant le filet.

« Il a fait de l’excellent travail. Il a été placé dans l’une des situations les plus difficiles que je puisse imaginer dans ce sport, mais il a brillamment relevé le défi. Je dois lui lever mon chapeau », a dit le numéro un du CH au sujet de son ancien adversaire au niveau junior.

Pour Price, l’attitude démontrée par son principal auxiliaire devant pareil affront est un hommage à sa force de caractère.

« Peter est véritablement l’une des personnes les plus gentilles que je connaisse. Il est un adjoint incroyable et l’un de mes meilleurs amis au sein de l’équipe. Jamais il n’a baissé la tête, jamais il n’a boudé. Il n’aurait pu être une présence plus positive autour des gars, incluant Dustin. Ça prend une personne spéciale pour agir de la sorte. »

Le nouveau ménage à trois instauré à la position de gardien de but soulève des questions qui, à moins d’une transaction estivale, resteront en suspens jusqu’au camp d’entraînement. Mais Price, confortablement assis au sommet de ce triangle professionnel, ne s’en fait pas pour celui qui l’a remplacé pendant 24 matchs lors de la plus récente saison.

« Le travail de substitut n’est pas facile. Vous jouez quatre fois par mois et vous pratiquez sans arrêt. Je n’ai jamais vu un gars recevoir autant de lancers à la fin des entraînements que Peter. S’il existe une personne qui puisse arriver au camp avec la bonne attitude, c’est bien lui. »